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Page daccueil Les Chroniques de Cybérie
Le mardi 29 mai 2001

Salutations à tous les Cybériens et Cybériennes!

Cette Chronique n'est optimisée ni pour Netscape, ni pour Internet Explorer, elle l'est pour ses lecteurs et lectrices.

Cette semaine...

  Echelon : fuite du rapport préliminaire...
Le rapport préliminaire du comité d'examen temporaire, mis sur pied par le Parlement européen pour vérifier l'existence du système de surveillance Echelon, a fait l'objet d'une fuite; la Federation of American Scientists (FAS) en a obtenu copie et l'a rendu public sur son site Web (format PDF, 867 Ko). 
Echelon
Le document est daté du 4 mai 2001, et serait donc antérieur à la mission d'information de la délégation du Parlement européen à Washington, dont nous vous parlions le 15 mai dernier.  Par exemple, il est écrit dans la section 5 du rapport, qui porte sur l'existence d'au moins un système mondial de surveillance électronique, que des informations complémentaires seront portées au dossier après le retour de mission de la délégation.

Ce que les auteurs du rapport préliminaire concluent (Section 13.2) du document : le système Echelon existe et est exploité en collaboration, et à la mesure de leurs moyens respectifs, par les États-Unis, le Royaume-Uni, le Canada, l'Australie et la Nouvelle-Zélande; il serait moins étendu que ce que la presse en a rapporté, et comme il n'intercepte que les communications véhiculées par satellite, son champ d'action serait limité; on ne dispose pas de preuves formelles qu'il serve ou ait servi à l'espionnage industriel des entreprises européennes au profit de leurs concurrentes américaines.

De plus, les auteurs du rapport estiment que la France serait le seul pays de l'Union européenne en mesure d'exploiter un système semblable de surveillance des télécommunications, et que la Russie pourrait aussi disposer des moyens nécessaires à la mise sur pied d'un tel système. 

On soulève la délicate question de la participation du Royaume-Uni au système Echelon, et de la compatibilité d'une telle participation avec les lois gouvernant l'Union européenne.  Les auteurs précisent que si Echelon est un système destiné au renseignement (espionnage), il échappe au Traité de la Communauté européenne, et relèverait du Traité de l'Union européenne, bien que ce dernier ne comporte pas de directives précises sur cette question.  En revanche, si Echelon sert «à espionner des concurrents» [Ndlr.  sous-entendu commerciaux], il entre en conflit avec le devoir de loyauté des États membres et le concept d'un marché commun où règne la libre concurrence.

Rappelons qu'il s'agit d'un rapport préliminaire, et qu'il pourrait être modifié suivant le compte rendu de la mission des parlementaires européens à Washington.  Le rapport final devrait être publié en juin.

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  ...  d'autres révélations inquiétantes
On attribue souvent à Duncan Campbell, journaliste et documentariste, le travail de débroussaillage ayant permis d'affirmer l'existence du système de surveillance Echelon.  Déjà, en 1988, Campbell publiait un article dans le revue «New Stastesman» sur ce qui était alors connu sous le nom de «Projet 145» et qui devait plus tard porter le nom Echelon.  Dix ans plus tard, c'est à Campbell que l'Unité d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (STOA) du Parlement européen confirmer officiellement qu'Echelon existe et qu'il ratisse très large.

Mais un autre guerrier de l'accès à l'information a travaillé dur et longtemps pour révéler ce que certains gouvernements aimeraient bien garder secret.  En 1985, James Bamford publiait dans le New York Times Magazine un article intitulé «America's Supersecret Eyes in Space» dans lequel il décrivait les systèmes de satellites espions des États-Unis. 
Body of Secrets
Auteur prolifique, Bamford a publié récemment un livre, «Body of Secrets», dans lequel il offre une description très précise d'Echelon et de son historique.  Il brosse le portrait d'un système qui recueille les données partout dans le monde et les stocke.  Des agents autorisés, à l'aide de moteurs de recherche du genre AltaVista, peuvent alors consulter ces produits de renseignement par mots clés, noms, numéros de téléphone, expressions exactes, etc.

«Body of Secrets» est un véritable recueil de coups fourrés et de tactiques obscures menées par la National Security Agency, la CIA et autres agences de sécurité américaines, et aussi souvent endossés par les leaders politiques.  C'est en menant ses recherches pour écrire ce livre que Bamford est tombé presque par hasard, au Musée de la NSA, sur le dossier du USS Liberty.

En juin 1967, le navire espion USS Liberty patrouillait au large du Désert du Sinaï et épiait les communications de l'armée israélienne alors engagée dans la Guerre des six jours.  Le navire fut attaqué, tuant 34 marins américains et en blessant 171 autres.  Or, selon les documents découverts par Bamford, il est permis d'établir que le USS Liberty a été attaqué par les forces israéliennes et que ces dernières connaissaient très bien la nature de leur cible.  C'est qu'en plus du USS Liberty, un avion espion américain patrouillait la région et épiait les communications des forces israéliennes.  Ce sont ces rapports de surveillance, non classifiés mais très officiels, que Bamford a découvert.

Deux motifs pour l'attaque.  D'abord, signifier aux autorités américaines qu'Israël n'appréciait pas être mis sur table d'écoute.  Mais aussi, tenter de détruire les preuves que des troupes israéliennes procédaient au massacre de prisonniers égyptiens.  En cette année préélectorale, le président américain Lyndon Johnson préférait dissimuler l'affaire pour éviter tout embarras à Israël et s'aliéner le lobby juif américain.

En avril, le New York Times faisait état des révélations de Bamford.  Réactions de certains experts sur la question du Moyen-Orient dans le netmag Salon.

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  Le Devoir inc.  3.0
Le quotidien montréalais Le Devoir affiche depuis vendredi dernier une nouvelle facture graphique sur le Web, mais a également modifié substantiellement certaines des fonctions auxquelles son lectorat s'était habitué.  C'est la troisième version du site depuis son lancement en 1997.

Sur le plan technique, le Dr.  HTML a été peu impressionné par les 14 erreurs de compatibilité de fureteurs en mode sans feuilles de style en cascade (CSS), et 23 erreurs de compatibilité avec les feuilles de style (en moyenne, 18 pour le concurrent La Presse).  La page d'accueil contient 106 hyperliens (67 pour La Presse) et pesait dimanche dernier 199,1 Ko, temps de chargement minimum de 27,7 secondes sur une connexion 56 Ko en fonctionnement optimal (135,7 Ko et 19 secondes pour La Presse).

Comme bien d'autres sites de publications l'ont fait récemment, le site Web du Devoir opte pour un accès à «deux étages», soit un pour le grand public et un second, à «valeur ajoutée», pour ses abonnés. 
Le Devoir
Un des artisans de la première heure du Devoir sur le Web, Benoît Munger, explique que «En s'inscrivant, à partir de la page d'accueil, les abonnés à la version papier du Devoir auront droit à au moins deux fois plus de textes que maintenant ainsi qu'aux archives complètes du site comptant plus de 9 000 textes mis en ligne depuis 1997.  De plus, ils pourront consulter, dès 21h30, l'essentiel de l'édition du lendemain.  Au cours des prochaines semaines et des prochains mois, d'autres services exclusifs seront ajoutés.»

Les non abonnés perdent cependant au change en ce qui concerne les archives qui étaient auparavant accessibles avec le moteur de recherche.  Désormais, il y a trois «niveaux» d'archives : un premier accès libre aux deux dernières semaines de parution; un deuxième, réservé aux abonnés, comprend les archives du site Internet couvrant la période de 1997 à aujourd'hui (9 000 articles); un troisième, accès payant à Eureka (Cedrom-Sni) pour les archives complètes du journal depuis 1992.  Ainsi, certains dossiers de recherche patiemment compilés au fil des mois deviennent caducs : «Désolé.  Le lien hypertexte que vous venez d'activer ne répond pas.»

Cette décision du Devoir Inc.  n'est certainement pas étrangère à la publication, en début de semaine dernière, des résultats du plus récent exercice financier.  Revenus en hausse, mais perte nette de 140 964 $, en comparaison d'un bénéfice de 118 359 $ l'année précédente.  On lit dans le compte rendu que : «Le Devoir, tout en préservant son indépendance, doit chercher de nouveaux partenariats permettant de s'engager dans de nouvelles avenues.  Le projet le plus immédiat à cet égard concerne une présence encore plus forte sur Internet par suite d'une refonte du site ledevoir.com, sans que cela entraîne de débours additionnels.  En revanche, ce site pourrait éventuellement générer certains revenus en redevances, en publicité et en ventes d'articles.»

Le Devoir Inc.  s'engage donc dans la même voix que Salon.Com qui annonçait en mars le lancement de son service payant à valeur ajoutée, mais sans publicité.  L'éditeur de Salon, David Talbott, écrivait : «Nous avons depuis cinq ans publié un contenu indépendant et iconoclaste, offrant au lectorat une couverture culturelle et politique qui, selon nous, est absente ailleurs dans le paysage médiatique [...] Comme on le sait, le Web n'a pas réinventé toutes les règles.  Il y a un coût à la liberté de presse.  En nous aidant à défrayer ce coût, vous pouvez assurer la continuité de Salon et faire en sorte que sa voix continue d'être entendue.»

Certains de ces commentaires peuvent s'apparenter au Devoir, du moins à certaines de ses intentions.  Mais le modèle payant sur le Web n'a pas encore fait ses preuves.  Que ce soit pour Salon.Com dont plusieurs doutent de la survie, pour le service d'échange de musique Napster qui envisage un système par abonnement, pour le netmag Inside.Com qui n'a pas réussi à imposer son modèle, tout reste à faire.  En outre, la déconvenue des pointcom a durement touché l'industrie publicitaire et fait chuter les tarifs, ainsi que les revenus des sites Web.

La formule du Web à valeur ajoutée «récompense» les abonnés à la version papier du Devoir, mais à raison de 223,70 $ par année (lundi au samedi, 52 semaines), on doute qu'elle agira sur l'augmentation du nombre d'abonnés.  Les consultants qui ont guidé la démarche du Devoir auraient-ils oublié de proposer un «abonnement Web seulement» à valeur ajoutée et à moindre prix?

Certes, la problématique du Devoir Inc.  s'inscrit dans un cadre plus large que celle de son site Web : celui de la concurrence accrue, d'une relève de lectorat difficile à recruter, de la convergence appréhendée, de la concentration «décommissionnée».  Il sera néanmoins intéressant de suivre l'évolution et le rendement de la nouvelle formule du Devoir sur le Web.

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  États-Unis : le Sénat bascule
Le Parti républicain de George Dubya Bush a perdu la majorité constitutionnelle qu'il détenait au Sénat quand le sénateur républicain du Vermont, James Jeffords, a rompu les rangs et décidé de siéger comme indépendant.  Démocrates et républicains se partageaient à 50/50 les sièges au Sénat. 
James Jeffords
En cas d'égalité pour l'adoption d'un projet de loi, c'est au vice-président Richard Cheney qu'il incombait de trancher.  Mais voilà que la décision de James Jeffords vient tout changer.  Le Sénat passe aux démocrates qui seront désormais en mesure de désigner les présidents des très influents comités sénatoriaux qui déterminent les ordres du jour législatifs.

Autre fait dont on a moins parlé, le parti démocrate pourrait également accroître sa représentation au Sénat d'un siège, mais cette fois en raison de dispositions constitutionnelles.  On chuchote à Washington que l'état de santé du sénateur républicain de Caroline du Sud Strom Thurmond, âgé de 98 ans, n'est pas à son meilleur.  Figure emblématique de la politique américaine, Thurmond a été élu pour la première fois en 1954. 
Strom Thurmond
La politique étant ce qu'elle est, on constate que s'il devait mourir avant la fin de son mandat en 2002, il pourrait être remplacé par un démocrate.  En vertu du 17e amendement de la Constitution, c'est à l'exécutif de l'État représenté, c'est-à-dire au gouverneur, qu'il revient de combler la vacance jusqu'à la prochaine élection prévue.  Or, le gouverneur de Caroline du Sud est Jim Hodges, un démocrate, qui de toute évidence nommerait un substitut d'allégeance démocrate.

Mais revenons à James Jeffords.  Il citait, comme motif de sa décision, d'importantes divergences de vues avec le président sur un certain nombre de projets législatifs, mais aussi la quasi impossibilité pour les membres du Parti d'exprimer la moindre opposition.  «Dans le passé, sous une présidence démocrate, les diverses factions du Parti républicain au Congrès avaient le droit de s'exprimer et, en bout de ligne, contribuer au programme législatif du Parti.  L'élection du président Bush a radicalement modifié la donne.»

La défection de Jeffords et la majorité démocrate au Sénat auront certaines incidences sur le secteur technologique.  On ignore le rôle qui sera réservé par les démocrates à Jeffords, et rien n'a transpiré au cours de ce long week-end du Souvenir à Washington.  Par contre, on sait que Jeffords, loin d'être un politicien de gauche, s'est prononcé en faveur de l'augmentation des visas pour travailleurs étrangers spécialisés (visas H-1B) pour combler les pénuries de main-d'oeuvre en technologie.  Il s'est également prononcé en faveur de la déréglementation dans le secteur des communications, et d'un moratoire sur la taxe de vente imposée sur les achats en ligne.

Dans une perspective plus générale, soit celle d'un Sénat démocrate, les questions de respect de la vie privée et de protection des données personnelles pourraient revenir à l'avant plan.  Dans une analyse Newsbytes/Washington Post, on cite Mark Rotenberg de l'Electronic Privacy Information Center pour qui il sera intéressant de voir qui présidera le comité sénatorial sur le Commerce de qui relève ces deux questions.  On suggère le nom de Ernest Hollings (démocrate, Caroline du Sud) qui, l'an dernier, avait présenté un projet de loi sur cette question, mais qui avait par la suite essuyé un refus des républicains.  Aucune mention, toutefois, d'un autre projet de loi parrainé par Hollings et visant à imposer des logiciels filtres dans les écoles, districts scolaires et bibliothèques bénéficiaires de fonds fédéraux.

Officiellement, la transition des rennes du Sénat devrait s'opérer au cours des prochains jours.

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  Piratage de logiciels : Microsoft abandonne un programme de délation, la police change de tactique
En début de mois, le service de nouvelles IDG nous apprenait l'existence d'un programme de la société Microsoft visant à combattre le piratage de logiciels. 
Elle invitait les revendeurs de matériel à lui livrer les noms et adresses des clients qui achetaient un ordinateur sans demander l'installation d'un système d'exploitation Windows.  En échange de 250 noms de tels clients, le revendeur recevait un trousse de cinq jeux Microsoft; 500 noms lui méritaient une montre; 1 000 noms un gril barbecue et une chaise de jardin.

Le but avoué de Microsoft : combattre le piratage et dissiper la confusion entourant les licences d'utilisation sur site.  Certains fabricants accordent de telles licences qui permettent au détenteur la libre utilisation du logiciel, dont l'installation sur tous les ordinateurs d'une entreprise ou d'un organisme.  Or, selon Microsoft, les produits Windows ne sont pas vendus avec des licences d'utilisation sur site, et chaque ordinateur doit fonctionner avec une version payée du système d'exploitation.

Les critiques de Microsoft l'ont accusée de vouloir constituer une banque de noms d'utilisateurs du système concurrent Linux, et des mauvaises langues ont fait courir le bruit qu'elle refilait ces listes de noms aux autorités policières qui enquêtent sur le piratage de logiciels. 

Jeudi dernier, on apprenait du Seattle Post-Intelligencer que Microsoft abandonnait son programme d'incitation à la délation auprès des revendeurs.  Selon un porte-parole de Microsoft, il ne s'agissait que d'un programme pilote de très courte durée et aucune information n'a été communiquée aux forces policières.  Reconnaissant que le stratagème était absurde, le porte-parole a déclaré qu'il avait néanmoins permis à Microsoft de prendre contact avec des acheteurs et de leur expliquer les limites des licences d'utilisation dont le libellé peut porter à confusion.

Par ailleurs, on lisait dans le San Jose Mercury News que l'escouade anti-piratage de la ville de San Jose (Silicon Valley) a adopté une nouvelle tactique, soit celle de repérer les acheteurs de logiciels piratés et de permettre aux fabricants d'être dédommagés.  Ayant appréhendé un pirate qui vendait ses logiciels illégaux sur le site des enchères en ligne eBay, et qui conservait des dossiers de toutes ses transactions, les policiers ont communiqué les noms et adresses des acheteurs aux fabricants floués.  On cite l'exemple de Autodesk, fabricant de logiciels de conception graphique, qui a été en mesure de réclamer 2 000 $ en pénalités des acheteurs de copies piratées, environ 50 % de plus que ce que ces acheteurs auraient payé pour une version légale du logiciel. 

Certes, la minutie du pirate incriminé qui conservait des dossiers de ses transactions est une exception dans ce milieu, mais fabricants et policiers espèrent que l'exemple saura dissuader les acheteurs.  Pour ce qui est du pirate, il a écopé de cinq mois d'emprisonnement et d'une amende en restitution de 43 000 $.

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 Lectures : Laurent Chemla est un voleur!
Bon, avant d'avoir une meute d'avocats français à mes trousses, permettez-moi d'expliquer qu'il avoue lui-même en être un.  Dans un livre à paraître chez Denoël et intitulé «Confessions d'un voleur», Chemla écrit : «Un voleur, c'est quelqu'un qui utilise à son profit le bien d'autrui.  Et puisque j'utilise Internet, que je considère comme un bien commun à toute l'humanité, pour conduire mes propres combats, oui, je suis bien un voleur.»

Chemla, informaticien, co-fondateur de l'Association des utilisateurs d'Internet, et partenaire du centre d'enregistrement Gandi (Gestion et Attribution des Noms de Domaine sur Internet), ne fait pas que donner dans l'humour.  Si, au passage, il déride son lecteur, c'est pour mieux lui revenir plus loin avec des propos plus sérieux.  À noter que les volets techniques ne rebuteront pas aux non spécialistes car Chemla sait être clair.

D'entrée de jeu, il pose la question à savoir où sont les débats, les vrais? Où est la prise de conscience sociale de l'importance de l'avènement d'Internet? «Comment doit-on prendre le fait que les médias, les politiques, les représentants de la société, se contentent de parler d'Internet comme d'un gadget un peu évolué qui permet de passer ses commandes à distance ou d'aider (et il faut voir comment) à l'enseignement?» Chemla apporte quelques ébauches de réponse mais, non doctrinaire, tient surtout à engager une réflexion qui, reconnaissons-le, tarde sérieusement à venir.

Il décortique finement pour les non initiés la mécanique économique des droits d'auteurs, du phénomène Napster, le coût véritable de l'enregistrement d'un nom de domaine, la non pertinence des organismes de réglementation.  On ratisse large et profond chez Chemla qui nous prévient : «Cessez de croire aux mensonges.  Surtout quand ils sont aussi énormes.»

Il ne manque pas, non plus, d'écorcher légèrement au passage certains des ténors de l'anti-Internet.  Par exemple, Philippe Val, rédacteur-en-chef de Charlie Hebdo, qui écrivait ce printemps «Internet, c'est la Kommandantur du monde ultralibéral [...] un piège séduisant par sa facilité de diffusion, mais mortel pour ce qui est diffusé [...] Qui est prêt à dépenser de l'argent à fonds perdus pour avoir son petit site personnel? Des tarés, des maniaques, des fanatiques, des mégalomanes, des paranoïaques, des nazis, des délateurs qui trouvent là un moyen de diffuser mondialement leurs délires, ou leur haine, ou leurs obsessions.» L'affaire avait fait du bruit, une longue histoire, mais Chemla résume «tous ces noms d'oiseau dirigés vers Internet et ses utilisateurs ont été tenus au seul motif que Philippe Val n'a pas pu admettre d'être ainsi critiqué, par des inconnus, sur un média sans médiateur ni politique éditoriale.»

Il y en a aussi pour notre préféré, Dominique Wolton, qui prétend qu'Internet n'est pas un média.  Chemla écrit : «De là à dire comme Dominique Wolton “qu'on n'a pas envie de se transformer tous les matins en rédacteur en chef” (Libération le 15/03/99), il y a un pas que je ne franchirais certainement pas, parce que moi je crois que, même si on en a pas envie, on a envie de le pouvoir, et qu'aujourd'hui Internet donne ce pouvoir, et que ce pouvoir change la nature des rapports sociaux et que c'est le rôle du sociologue que d'analyser ce changement plutôt que de le déplorer.»

Le livre de Chemla est disponible sur le Web.  On imagine un sourire en coin de l'auteur, même quand il dit vrai : «Mais vous voyez comme Denoël est un bon éditeur : tout ce que j'écris là il le sait ou le suppose.  Et il admet sans hésiter que son auteur puisse diffuser son oeuvre gratuitement sur Internet, parce qu'il sait que ce faisant il diffusera mieux son contenu, lui fera plus de publicité, et vendra d'avantage de papier.»

Lecture suggérée.

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  Beaux détours
«La photo du siècle».  La photo la plus vue, la plus largement diffusée sur toute la planète. 
Che Guevarra
Celle d'Ernesto «Che» Guevarra, prise en 1960 par Alberto Diaz Gutierrez, mieux connu sous le nom de Korda et dont on apprenait le décès vendredi dernier.

Genèse de la photo tirée du site CheImage.Com : «Le 5 mars 1960, un navire français transportant des armes belges explose dans le port de La Havane tuant 136 membres d'équipage.  Un meeting de protestation est alors organisé, auquel participent notamment Simone de Beauvoir et Jean-Paul Sartre.  Le quotidien “Révolution” envoie Korda couvrir la manifestation.  Il se trouve en face de la tribune, avec son Leica et une optique de 90 mm.  Fidel Castro est lancé dans un de ses discours interminables lorsque Che Guevara s'avance vers l'avant, contemple la foule et s'en retourne vers l'arrière presque instantanément.  Frappé par l'expression de son visage, Korda a seulement le temps de prendre deux photos...»

Cuba n'ayant pas signé la Convention de Berne et ne reconnaissant pas la propriété industrielle, la photo n'a rien rapporté à son auteur avant 1995.  L'an dernier, Korda avait assigné en justice l'agence de photographie Rex et l'agence de publicité londonnienne Lowe Lintas Ltd.  qui avaient utilisé la photo dans une campagne publicitaire pour la vodka Smirnoff. 
Publicité de Smirnoff
Korda avait déclaré ne rien avoir contre la reproduction de son oeuvre pour promouvoir les idées du Che, mais qu'il s'objectait fermement à son utilisation à des fins commerciales.  La Haute Cour de Londres lui avait donné raison et condamné les intimés a le dédommager.

Pour en connaître davantage sur les autres photos de Alberto Diaz Gutierrez, sur la célèbre photo et les utilisations qui en sont faites, le site CheImage.Com.

Puis, comment passer sous silence le «happening» socio-photographique de samedi dernier à Montréal.  Environ 2 500 personnes ont répondu à l'invitation du photographe Spencer Tunick de venir poser nues pour une de ses photos/concepts (lire le compte rendu dans La Presse).  Galerie assez complète dans le netmag Nerve.

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Et sur ce, nous vous souhaitons à tous et toutes une excellente semaine.

Site personnel de Jean-Pierre Cloutier

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