2.1  1995, le bourgeonnement

On voit, fin 1994, l'apparition au Québec du phénomène des cybermédias avec Les Chroniques de Cybérie (chronique cyberculture, politique, société, vie des réseaux, initialement diffusée par courrier électronique), mais ce n'est vraiment qu'en 1995 que le Web commence à prendre son essor au Québec sur le plan de la production de contenus.  On verra des initiatives qui deviendront les futurs points de référence du Web québécois comme la version Web des Chroniques de Cybérie, de Branchez- Vous! (actualités du réseau), de Planète Québec (actualités), de Matinternet (actualités), de la Toile du Québec (répertoire), de NetMusik (monde de la musique), de Cyberblack (culture jeunesse).

Pour sa part, le gouvernement québécois commence à investir le Web en avril 1995 avec les premières versions des sites du ministère des Relations internationales, de l'Immigration et des Communautés culturelles (depuis refondu), et du Conseil du Trésor.  Ces premiers pas seront suivis en cours d'année par, entre autres, la Direction des ressources didactiques du ministère de l'Éducation, le ministère de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie (MICST), le Bureau de la Statistique du Québec, la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre (SQDM), et le Directeur général des élections du QuébecHydro-Québec inaugurera sa présence sur le Web en juillet.

1995, c'est aussi l'année où l'on constate un décloisonnement du médium et un accroissement du taux de branchement des particuliers au Québec.  En juillet, Québec-Téléphone qui dessert 40 % du territoire québécois devient la première entreprise de téléphonie au Canada à offrir au grand public la liaison au réseau Internet en accès local universel dans la totalité de sa zone de desserte (ce service portera plus tard le nom de GlobeTrotter).  En août, la société LINO (Lien Internet du Nord-Ouest) offre l'accès au réseau à la population de la région du nord-ouest du Québec. Aussi en août 1995, le journaliste Jean-Hugues Roy lance RECyF :  le Répertoire de l'espace cybernétique francophone, dont un des mandats consiste à établir un répertoire des fournisseurs d'accès Internet au Québec.  Ils sont plus d'une soixantaine déjà. En septembre, Vidéotron lance son service «Classe Affaires».  Finalement, en décembre, Bell fait son entrée sur le marché de l'accès Internet avec son service Sympatico qu'il lance en grande première dans les régions de Hull, Montréal et Québec (aussi à Ottawa et Toronto).  On constate aussi la présence, à Montréal, de deux cafés Internet.

En juin, la radio de Radio-Canada inscrit à sa grille horaire une nouvelle émission hebdomadaire traitant uniquement d'Internet, Radionet@.  Autre première en juillet de la même année, le quotidien Le Devoir lance une chronique hebdomadaire, Sur l'inforoute, qui aura aussi son pendant Web grâce à l'initiative personnelle d'employés du journal.

Les autres médias restent prudents.  Quebecor met à l'essai une formule pour le Journal de Montréal. Le quotidien anglophone The Montreal Gazette commence à reproduire une partie de son contenu sur son site Web.

On voit aussi naître la formule de contenus «événementiels», c'est-à-dire des espaces Web de référence pour des événements ponctuels.  Notons en 1995, les Médiévales de Québec, la conférence Montréal HIV95, le Festival international de jazz de Montréal, le festival 100 Ans de cinéma au Québec, le Festival international de Lanaudière, et le Festival des films du Monde (FFM).

L'événement de l'année sera sans conteste à saveur politique, soit le référendum sur la souveraineté du Québec qui ne passera pas inaperçu sur le Web, à commencer par un sondage en ligne sur l'avenir constitutionnel du Québec, mené par une société de services Internet de la Vieille capitale.  Seront présents sur le Web, entre autres, les Jeunes souverainistes (du Montréal métropolitain), le Camp du Oui, le Comité des Québécoises et Québécois pour le Non, Alliance Québec, Génération Québec.  Pour sa part, le Groupe de recherche en opinion publique (GROP) propose une table de projection des résultats des sondages pour les circonscriptions électorales de chacune des régions du Québec.  Le soir du vote, Radio-Canada et Radio-Québec présentent les résultats en temps réel sur le réseau Internet.

La version française du logiciel fureteur Netscape sera rendue dans la seconde partie de l'année, et la société québécoise Alis Technologies travaille à son propre fureteur multilingue, Sextant (qui deviendra plus tard Tango).  L'arrivée d'outils en français s'accompagne des premiers travaux de terminologie.  Citons ici le Dictionnaire de néologie Internet par les Français Guy Brand et Jean-Pierre Kuypers, suivi de peu par le Vocabulaire d'Internet de l'Office de la langue française.

Si les ministères, organismes et entreprises font leurs premiers pas sur le Web, bon nombre de particuliers s'approprient les techniques de production, aidés en cela par des contenus en français disponibles sur le réseau comme Un manuel illustré de programmation en HTML, Méphisto et ses trucs Web, et Introduction à l'Internet, sites produits au Québec; puis de France Un nouveau guide Internet (UNGI), Introduction au World Wide Web, et Introduction au WWW.  S'ajoute à ces ressources la première édition d'Internet au bout des doigts, ouvrage préfacé par le premier ministre du Québec de l'époque, M. Jacques Parizeau.

Le contexte d'accroissement du nombre d'abonnés au réseau, de disponibilité d'outils et ressources en français, et de sensibilisation du grand public à Internet par l'entremise des médias amène une foule de contenus issus d'initiatives d'individus qui voient dans le Web un moyen de partager leurs connaissances et expériences et d'échanger.

On crée des répertoires comme Internet en français, La Francophonie : répertoire thématique de sites francophones, Point de départ. Mais on traite de bien d'autres choses dans des sites comme Page de généalogie québécoise, Cracks de l'Internet, La Météo au quotidien, Boycott, MAC - éducation - Québec : Le Macintosh comme outil de travail au primaire, L'enseignement de la guitare classique, Le journaliste québécois, Cyber-sono, L'Image numérique, NETpop, un site consacré aux organismes communautaires, hypermédia, La Chanson du Québec et ses cousines.  On voit même naître le concept d'autoédition sur médium électronique avec Éditel.

La ligne est mince entre page personnelle, espace pédagogique, document de référence, promotion commerciale, netmag, e-zine, cybermédia.  Mais l'enthousiasme y est, et le Québec prend sa place comme premier producteur mondial de contenus en français sur le Web.


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URL : http://www.cyberie.qc.ca/etude/21.html
Mise en ligne : 31 mars 1998