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Page daccueil Les Chroniques de Cybérie
Le mardi 4 septembre 2001

Salutations à tous les Cybériens et Cybériennes!

Cette Chronique n'est optimisée ni pour Netscape, ni pour Internet Explorer, elle l'est pour ses lecteurs et lectrices.

Cette semaine...

  Hewlett-Packard et Compaq fusionnent
Pendant que s'achevait le long congé de la Fête du travail en Amérique du Nord, on ne chômait pas chez Compaq et chez Hewlett-Packard où on s'affairait à mettre la dernière main au communiqué conjoint annonçant la fusion de ces deux géants de l'informatique.

Hewlett-Packard (HP) se porte acquéreur de Compaq par un échange d'actions évalué à 25 milliards de dollars et qui verra naître une nouvelle entité; les actionnaires de HP détiendront 64 % du capital, et ceux de Compaq 36 %.  En se basant sur les rapports financiers des deux entités pour les quatre derniers trimestres, on évalue que la nouvelle HP aura des avoirs pro forma de 56,4 milliards de dollars, des revenus annuels de 87,4 milliards, et générera des profits de 3,9 milliards.  Cette nouvelle société emploiera 145 000 personnes et sera présente dans 160 pays; elle aura son siège social à Palo Alto (Californie) mais maintiendra une présence importante à Houston (laboratoires de recherche).  Carly Fiona de HP (anciennement de Lucent) en sera la première dirigeante, et Michael Capellas (anciennement de Oracle) le président du conseil.

Quatre unités distinctes composeront la nouvelle entité : produits et services d'imagerie et d'impression (revenus annuels projetés de 20 milliards); infrastructures TI, serveurs, stockage et logiciels (23 milliards); services de consultation, impartition, soutien technique (15 milliards); produits dits d'«accès», ordinateurs, dispositifs portables (29 milliards).  On notera le nouveau vocable (produits dits d'«accès») pour désigner l'informatique personnelle.

La fusion devra être approuvée par les actionnaires des deux sociétés ainsi que par les autorités fédérales.  Elle devrait se concrétiser au cours de la première moitié de 2002, et entraînera à terme des «synergies» de 2,5 milliards de dollars.  On prévoit des suppressions de postes dans les secteurs administratifs, des achats, de la fabrication et de la commercialisation.

HP deviendra avec cette fusion le numéro un dans le secteur des ordinateurs personnels et des serveurs, mais le communiqué ne précise pas sous quel nom les produits seront commercialisés.  Avec ses 87 milliards en revenus annuels, HP/Compaq s'approchera de sa nouvelle concurrente, IBM, qui enregistre des revenus de 90 milliards de dollars. 

Les deux sociétés n'ont pas échappé aux récentes tempêtes boursières.  Le titre de Compaq a chuté de 76 % depuis le début de 1999; celui de HP a perdu 66 % depuis l'été dernier.  Chez Compaq, on subissait la concurrence féroce que l'on connaît dans le marché des ordinateurs, ainsi que le ralentissement des ventes.  Voulant diversifier ses activités, HP avait tenté l'an dernier de faire l'acquisition de la société de services PricewaterhouseCoopers, une transaction de 18 milliards, mais avait dû faire marche arrière à cause du repli de la valeur de ses actions.

Les réactions ne manqueront pas aujourd'hui, mardi, sur les places boursières.  Cette fusion est-elle le coup de pouce dont a besoin le secteur technologique pour se ressaisir? Le portrait est quand même sombre car on prévoit une baisse de 10 % des ventes d”ordinateurs cette année aux États-Unis, largement attribuable à la baisse des achats par les entreprises.

Déjà, Mike Landberg du Mercury News dénonce la fusion qui, selon lui, placera HP/Compaq dans une situation de monopole dans le marché des PC vendus en magasin et ne favorisera pas les consommateurs.  Sous une bannière ou l'autre, HP/Compaq détiendrait les deux tiers de ce marché.  Consultant les diverses publicités dans les journaux de cette fin de semaine, Landberg recense 11 publicités de HP, huit de Compaq, quatre de eMachines et deux de Sony.

Quoiqu'il en soit, voilà un dossier qui a de quoi alimenter la rentrée officielle.

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  Yahoo!/Geocities devient hébergeur payant
La société Yahoo! a annoncé que c'est pour répondre à la demande des utilisateurs que le service d'hébergement GeoCities offrira dorénavant deux forfaits d'hébergement payant.  Il sera toujours possible d'héberger gratuitement un site sur GeoCities (en contrepartie d'affichage publicitaire), mais les forfaits GeoCities Pro et GeoCities Webmaster permettront aux utilisateurs d'avoir des sites avec leurs propres noms de domaines (.com, .net ou .org), des adresses de courriel sur ce domaine, et autres services spécialisés, sans devoir afficher de bandeaux publicitaires de l'hébergeur ou de ses clients annonceurs..

Pour 8,95 $ US (13,75 $ CAN, 9,80 Euros), le forfait GeoCities Pro offre un nom de domaine, cinq adresses de courriel, 25 Mo d'espace serveur, 10 Go de transferts, et cinq sous-domaines ou sous-sites spécialisés.  Pour 11,95 $ US (18,40 $ CAN, 13 Euros), le forfait Webmaster offre le double d'espace serveur, d'adresses courriel et de transferts du service Pro, en plus d'accès à des gabarits de pages, un moteur de recherche interne, et la possibilité de protéger certains répertoires par mot de passe.  Dans les deux cas, des frais d'installation de 15 $ US sont exigibles, et on peut augmenter l'espace d'hébergement par blocs de 50 Mo moyennant 5 $ US par mois. 

Bref, les coûts annuels d'hébergement de base seront de 122,40 $ (188 $ CAN, 134 Euros) en mode Pro, et de 158,40 $ US (243,80 $ CAN, 174 Euros) en mode Webmaster.

Dans le communiqué de presse émis mardi dernier, Mark Feldman, «producteur» principal chez Yahoo!/Geocities, déclarait que ces nouveaux forfaits d'hébergement constituaient l'exemple parfait de services à valeur ajoutée qui répondent aux attentes des utilisateurs, et ce à des prix concurrentiels.

Entre gratuit et payant, le gratuit aura toujours son intérêt pour des millions d'utilisateurs, même s'il s'accompagne dans la majorité des cas de bandeaux publicitaires sur lesquels l'hébergé n'a aucun contrôle, et d'une bande passante médiocre dans certains cas.  En revanche, ces nouveaux forfaits dont on ne peut nier qu'ils soient très abordables risquent d'attirer des particuliers, groupes ou organismes qui souhaitent projeter une image plus «classe» que confère un nom de domaine distinctif, disposer d'adresses de courriel associées, et déterminer l'affichage publicitaire s'il y a lieu.  Restera à voir si la convivialité et le service à la clientèle seront à la hauteur des promesses de Yahoo!/Geocities, et des attentes des utilisateurs.

Pour Martin Leclair, vice-président au développement et technologies du Groupe iWeb qui exploite le service d'hébergement payant iWebHébergement (Ndlr.  hébergeur de cyberie.qc.ca), c'est une première étape pour faire évoluer les services de Yahoo! vers des compléments ou des versions payantes de services et on cible avant tout, pour le moment, les utilisateurs actuels de Geocities.

Mais selon Leclair, ce qui démarque les fournisseurs sont les fonctionnalités offertes, le prix et surtout le service à la clientèle.  Si le service proposé par Yahoo! ne comporte pas l'exploitation possible de CGI ou de PHP, par exemple, il est persuadé qu'une de ses forces est l'interface de gestion en ligne.  En revanche, aucun numéro de téléphone pour un soutien technique direct : «Alors, si le client ne comprend pas une interface ou éprouve des difficultés, ou encore s'il ne parle pas anglais, il pourrait avoir des problèmes.»

Un dossier d'hébergement et de glissement vers le payant à suivre.

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  Microsoft : la nouvelle ronde s'amorce, et ouverture d'un front européen
La juge Colleen Kollar-Kotelly n'a pas perdu de temps pour convoquer les parties dans la poursuite anti-trust contre Microsoft.  Mercredi dernier, elle les a enjoint à résumer ce qu'elles estiment être les points clés de la réaudition de la cause, ainsi que le déroulement qu'elles suggèrent, d'ici le 14 septembre.  Elle a en outre convoqué les parties à une première audience le 21 septembre.

Entre temps, le ministère de la Justice (DoJ) a demandé à la Cour suprême des États-Unis de rejeter la demande de Microsoft de révision du jugement rendu par la Cour d'appel. 

Mais un nouveau front juridique, européen cette fois, risque de s'ouvrir pour Microsoft sur la question d'un monopole présumé dans le secteur des serveurs.  La poursuite anti-trust engagée par le ministère étasunien de la Justice (DoJ) et 18 États co-plaignants porte sur le système d'exploitation Windows et sur le fureteur Internet Explorer, deux produits destinés au grand public.  Mais en août 2000, la Commission européenne accusait Microsoft de pratiques illégales pour instaurer un monopole dans le marché des logiciels serveurs (dont il possède déjà 41 % du marché) en refusant de partager avec ses concurrents des données techniques de son logiciel serveur Windows 2000.  Le partage de ces données permettraient une plus grande interopérabilité des systèmes.  En novembre 2000, Microsoft répondait aux accusations de la Commission européenne qui prenait l'affaire en examen.  Autres accusations de la Commission européenne : Microsoft impose son logiciel Media Player au détriment des fabricants de logiciels concurrents comme Real.

Selon le Mercury News, la Commission européenne pourrait procéder dès septembre avec une «déclaration d'objections» à l'endroit de Microsoft; cette dernière disposerait alors d'un délai de 60 jours pour y répondre, après quoi la Commission pourrait prendre une décision finale dans l'affaire.  Microsoft s'exposerait à une amende équivalant à 10 % de ses ventes annuelles de 25 milliards de dollars.

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  Internet et enseignement aux États-Unis
Un sondage mené par le Pew Internet & American Life Project (PIP) vient confirmer l'importance grandissante d'Internet dans le secteur de l'éducation.  Le sondage a été mené en novembre et décembre 2000 auprès de 754 jeunes âgés de 12 à 17 ans qui ont accès à Internet, et d'un de leurs parents, gardien ou tuteur.  Le rapport est assorti de commentaires recueillis lors de groupes d'entretien en profondeur.

Le PIP établit que 94 % des jeunes répondants utilisent Internet pour effectuer des recherches dans le cadre de leurs travaux scolaires.  Si 71 % affirment qu'il s'agit de leur source principale de documentation, les bibliothèques traditionnelles constituent toujours la source principale de référence pour 24 %, alors que 4 % des répondants ont indiqué utiliser à parts égales Internet et les bibliothèques.

Internet, outil d'information, mais également instrument de communication : 41 % des jeunes ont dit utiliser le courriel ou la messagerie instantanée pour communiquer avec des professeurs ou des camarades de classe au sujet de leurs travaux scolaires.  Cette pratique est plus répandue chez les filles (47 %) que chez les garçons (36 %), chez les plus âgés du créneau 12/17 ans, et chez les jeunes ayant un accès quotidien à Internet (60 %).

Les sites ou pages Web des maisons d'enseignement ou ceux que des professeurs élaborent pour leurs cours sont consultés par 58 % des répondants.  Mais les jeunes sont parfois incités à créer eux-mêmes des projets Web pour leurs cours, et c'est le cas de 20 % des 12/14 et de 15 % des 15/17.

Plagiat et copié/collé pour les travaux scolaires? Eh oui, comme leurs aînés universitaires (voir notre chronique du 28 février), les jeunes tombent dans le piège de la facilité.  Dix-huit pour cent des répondants disent connaître quelqu'un qui a utilisé Internet pour tricher lors de travaux scolaires ou examens (9 % pour ceux qui sont en ligne depuis un an ou moins, 19 % depuis deux ou trois ans, 28 % pour ceux en ligne depuis plus de trois ans).

Le PIP a examiné les sites destinés à aider les jeunes (et moins jeunes) dans leurs travaux scolaires, une centaine de sites consultés, et présente une typologie en sept catégories.  Dans 61 cas, il s'agissait de sites montés par des entreprises ou des organismes, dans environ le tiers des cas par des particuliers, le reste relevait d'initiatives de bibliothèques.  La plupart offrent un accès gratuit à leurs ressources et misent sur la publicité pour se rentabiliser.  Constat moins agréable, 52 % des sites consultés avaient recours à des fichiers témoins (cookies) pour suivre le parcours emprunté par les utilisateurs.

Sur le plan de l'accès, on note toujours les effets de la «fracture numérique», de l'écart entre riches et pauvres.  Si 98 % des écoles aux États-Unis disposent d'un accès Internet, à divers degrés selon le matériel et les connexions accessibles, 77 % des classes disposent d'un accès, mais ce taux chute à 60 % dans les milieux moins favorisés.  Seulement 11 % des jeunes qui sont branchés à domicile déclarent que leur point d'accès principal à Internet est l'école, alors qu'elle l'est pour la majorité des jeunes issus de milieux moins fortunés. 

Chez les parents, on partage l'opinion des jeunes sur l'effet positif d'Internet sur le rendement scolaire : 87 % croient que l'utilisation du réseau contribue à de meilleures notes, et 93 % vantent les effets d'ouverture sur de nouvelles connaissances.  Vingt-huit pour cent ont eu recours au courriel pour communiquer avec les enseignants de leurs enfants.  Quant à l'apprentissage de l'utilisation d'Internet pour mieux réussir en classe, il est important pour 40 % et essentiel pour 55 % des parents répondants.

Le Web, un grand campus?  Cinq millions de personnes, soit 5 % des utilisateurs aux États-Unis, ont suivi un cours en ligne donnant droit à des crédits universitaires; 53 % ont consulté le Web pour faire des recherches portant sur des cours qu'ils suivent ou pour des activités de perfectionnement professionnel, 8 % le font quotidiennement.  Il y aurait en permanence un million d'adultes inscrits à des cours en ligne.

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  L'industrie des «SEM» au Québec
L'industrie des «SEM», les services électroniques et du multimédia, a fait l'objet d'une étude menée par l'Institut de la statistique du Québec (ISQ) à la demande du ministère de la Culture et des Communications, du Centre d'étude sur l'emploi et la technologie d'Emploi Québec (CETECH) et du ministère de l'Industrie et du Commerce (MIC) du Québec.

Mise en garde : cette enquête dont les résultats nous ont été communiqués le 30 août 2001 a été réalisée de mai à août 2000, et porte sur l'exercice financier de 1999.  Les auteurs tiennent à rappeler : «Toute projection sur la situation actuelle devrait se faire avec circonspection, compte tenu des récentes évolutions dans le domaine de la nouvelle économie.» Circonspection.

L'industrie comptait donc au Québec, en 1999, 3 175 entreprises, dont 1 791 dites «spécialisées» (plus de 50 % des revenus provenant des SEM), et 1 384 «non spécialisées» (moins de 50 % des revenus provenant des SEM).  On recensait 1 283 entreprises spécialisées qui tiraient la totalité de leurs revenus des SEM.

Les activités de ces entreprises étaient diversifiées : production de contenus multimédia (67,4 %), activités de soutien à la production multimédia ou de services en ligne (51,5 %), services Internet (35,3 %), services de commerce électronique, de téléconférence, etc.  (27,7 %).  Il s'agit d'un marché principalement interne, 79,1 % des ventes brutes se faisaient à des particuliers et entreprises du Québec.  Les marchés canadiens hors Québec et européens étaient presque à égalité, 7,7 % et 7,2 % respectivement, suivi de celui des États-Unis à 5,3 %.

Des revenus importants étaient enregistrés, on parle de plus de quatre milliards de dollars canadiens, dont 1,74 milliard pour la production de contenus, 911 millions pour des activités de soutien à la production, 672 millions en services Internet, et 772 millions pour d'autres activités.

L'ensemble du secteur des SEM représentait 63 382 emplois, dont 24 974 emplois spécialisés.  On constatait évidemment une forte concentration de ces entreprises dans la région de Montréal (2 301), mais elles étaient également présentes dans la région de la capitale (361) et ailleurs en régions (513).  À l'égard de l'emploi, les auteurs notent : «il semble que ces employés spécialisés aient développé plusieurs champs de compétence simultanés et travaillé en majorité dans plus d'un domaine d'activité relié aux SEM.  Cependant, rappelons que ces chiffres excluent les travailleurs autonomes et qu'un bon nombre d'établissements qui ne travaillent pas dans les SEM demeurent susceptibles d'employer des spécialistes dans le domaine.»

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  Le Canada plus près de la Scandinavie que des États-Unis
Sur le plan de l'utilisation d'Internet, s'entend.  L'institut de sondage Ipsos-Reid a mené une enquête comparative sur les habitudes d'utilisation des citoyens canadiens et étasuniens.  Il en ressort que le comportement canadien est davantage comparable à celui des pays scandinaves (Finlande, Norvège, Suède où Ipsos-Reid mène également des études) qu'à celui observé aux États-Unis.

Par exemple, près des deux tiers (61 %) des répondants canadiens ont effectué des transactions financières et bancaires en ligne, comparativement à 29 % des répondants étasuniens.  L'écart est encore plus frappant pour les répondants qui sont branchés à Internet depuis moins de douze mois : 48 % au Canada contre 13 % aux États-Unis.  La différence s'explique par une plus grande confiance des Canadiens et Canadiennes dans la capacité du secteur bancaire à garantir la protection des données personnelles (Canada 69 %; E.-U.  49 %).  Point commun cependant, les transactions bancaires en ligne tant au Canada qu'aux États-Unis sont plus populaires dans le créneau d'âge 18/34 ans que dans les autres groupes d'âge.

Par contre, le Canada est en arrière de son voisin du Sud sur le plan du commerce électronique : moins de Canadiens et Canadiennes achètent en ligne, et ceux qui le font achètent moins, et dépensent moins.  Si 77 % des répondants aux États-Unis ont déclaré avoir acheté un produit ou service en ligne (moyenne de 14 achats), cette proportion s'établit à 68 % chez les répondants du Canada (moyenne de 6,5 achats).  Aux États-Unis, la moyenne annuelle des dépenses des cyberconsommateurs est de 1 400 $ CAN, et au Canada de 895 $ CAN.

Aux États-Unis, ce sont les 18/34 qui achètent le plus en ligne; au Canada ce sont les 35/54 qui s'approvisionnent le plus dans les zéro surface.  Les sites transactionnels canadiens représentent 67 % des achats des Canadiens et Canadiennes, alors que les sites étasuniens représentent 93 % du volume des achats en ligne aux États-Unis.

Ipsos-Reid explique que cette différence est attribuable au départ fulgurant du commerce électronique aux États-Unis et qui n'a pas eu de parallèle au Canada, à une offre plus faible des cyberdétaillants canadiens, aux taux de change défavorables et aux frais d'expédition des produits et marchandises.

Le degré de satisfaction des achats en ligne présente aussi des différences sensibles entre les deux pays.  Seulement 36 % des cyberconsommateurs du Canada ont déclaré être satisfaits des économies réalisées (64 % aux États-Unis), et 61 % de la sélection des produits et services offerts (73 % aux États-Unis).

Autres constatations : les Canadiens (13 %) réagissent davantage que les Étasuniens (5 %) aux publicités pour des sites Web transactionnels diffusées à la télévision, dans les journaux ou périodiques; les Étasuniens s'inscrivent à des services d'information commerciale sur une moyenne de 14 sites, alors que la moyenne pour les Canadiens est de cinq sites.

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  Bulle boursière et analystes financiers...
Dans le dossier des analystes financiers qui auraient fourni aux investisseurs des renseignements teintés d'un certain parti pris en faveur de certaines entreprises (notre chronique du 14 août), un juge d'un tribunal de première instance vient de débouter sur la forme une poursuite intentée par des investisseurs contre l'analyste Mary Meeker et son employeur, la maison de courtage Morgan Stanley.  La poursuite alléguait que Madame Meeker avait communiqué des informations favorables, mais non fondées, sur les sociétés Amazon.Com et eBay de manière à ce que son employeur encaisse de plus généreuses commissions, et que ces informations avaient entraîné des pertes pour les investisseurs.

L'agence Reuters rapporte que le juge Milton Pollack, 94 ans, de la Cour fédérale du District de New York, a qualifié la poursuite de grossière et sans fondement, basée sur une collection de rumeurs boursières et de dépêches des médias, ajoutant que le surnom donné à Madame Meeker (Reine de l'économie Internet) était dérogatoire.  Il a toutefois accordé trente jours aux procureurs des investisseurs pour reformuler leur plainte.

Le juge Pollack, comme nous le disions, est âgé de 94 ans.  Il a entamé sa carrière en droit deux semaines avant le krach boursier de 1929 dans un cabinet d'avocats travaillant presque exclusivement pour des courtiers.  Dans une entrevue avec l'agence Associated Press, Pollack a dit voir le phénomène qui a suivi l'effondrement boursier de 1929 se répéter maintenant que la bulle boursière des sociétés pointcom a éclaté.  «C'est la surenchère sans fondement, la bourse s'emballe, puis quand ça retombe, on cherche des coupables, mais on ne regarde jamais du côté des investisseurs eux-mêmes qui, par cupidité, ont alimenté la bulle.»

Les entreprises ne seraient donc pas responsables de la bulle, ni de son éclatement, mais son ampleur serait imputable aux investisseurs qui ont perdu toute notion d'équilibre du risque et qui ont confondu bourses et loteries.  Un exemple frappant des pertes subies par certaines sociétés cotées en bourse, et que nous rappelait récemment le chroniqueur Gérard Bérubé dans le quotidien Le Devoir, est celui de Netgraphe, propriété de Quebecor.  Bérubé écrivait : «L'action de Netgraphe s'échangeait hier (Ndlr.  22 août), en fermeture, à 38 ¢ l'action.  À son zénith, en février 2000, elle touchait les 18 $.  Sa capitalisation boursière se chiffrait alors à quelque 1,5 milliard de dollars, avant que la bulle Internet n'éclate.»

Dans une autre cause tristement célèbre, l'affaire Emulex (voir notre chronique du 5 septembre 2000), le même juge Pollack a débouté une poursuite intentée par des investisseurs d'Emulex contre les services de nouvelles financières Bloomberg et InternetWire.  Les investisseurs tenaient InternetWire responsable de la diffusion d'un faux communiqué faisant état de difficultés financières de la société Emulex, et Bloomberg d'avoir repris ce communiqué sans vérifier l'authenticité des faits auprès d'Emulex.

Le faux communiqué avait entraîné une chute dramatique du titre de l'entreprise.  Lorsque qu'Emulex nia la véracité des faits avancés dans le faux communiqué transmis par un manipulateur boursier, le titre s'est rétabli rapidement à son cours normal.  Mais il était trop tard pour bon nombre d'investisseurs qui avaient largué leurs actions alors que le titre s'effondrait.  Le juge Pollack a déclaré que InternetWire et Bloomberg avaient été victimes du manipulateur, et que les accusations de participation à une fraude boursière étaient injustifiées.

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  ...  et réflexions sur la bulle, le contenu et les infrastructures
Donc, les investisseurs jouent à la bourse comme à la loterie, et quand ils ne triplent pas leur mise à court terme, ils poursuivent les entreprises et les courtiers.  D'une part, le juge Milton Pollack a raison de leur dire de cesser d'agir comme des gamins et de s'injecter une bonne dose de réalisme.  Le 20 août, The Industry Standard rapportait qu'au cours des derniers six mois, plus de 400 poursuites ont été intentées contre des banques d'investissement et maisons de courtage, invoquant des motifs de fraude, de manipulation boursière, de négligence et autres péchés capitaux de l'économie.  Reconnaissons que les pertes sont astronomiques.  Depuis mars 2000, les pertes de la valeur aux livres des sociétés inscrites au NASDAQ se chiffrent en milliers de milliards de dollars.

Premières à sentir les effets de l'effondrement, les sociétés dites de «contenu» (ce qui inclut les services en ligne).  Fin des années quatre-vingt-dix, on clamait : «Le contenu est roi!».  Oui, peut-être, mais admettons que le royaume a toujours été pauvre et que l'éclatement de la bulle boursière a frappé dur et fort chez les producteurs et diffuseurs de contenus, et que certains ne s'en sont jamais remis.

En février dernier, Andrew Odlyzko, chef des départements de recherche en cryptograhie et mathématique aux laboratoires de la transnationale AT&T déconstruisait le mythe du «contenu roi».  Dans un article publié dans la revue spécialisée First Monday, Odlyzko nous rappelle qu'en 1832, le gouvernement des États-Unis, soucieux de resserrer le tissu social de l'État encore jeune, a pris des dispositions pour subventionner l'envoi de journaux par la poste.  Les journaux représentaient 95 % du poids des expéditions, mais seulement 15 % des revenus des services postaux.

Il écrit : «Il ne faut cependant pas confondre volume et valeur.  Les lettres représentaient 85 % des revenus du service postal en 1832.  Sur Internet, en 2000, c'est le courriel qui est roi.» Le Web, ce que d'aucuns appellent la «partie magazine d'Internet», compte pour 20 fois (certains diraient plus) le volume de données échangées en courriel sur le réseau.  Mais, les sondages le confirment, le courriel est l'élément auquel les utilisateurs tiennent le plus; oubliez le Web et les intranets (volume), c'est le courriel (valeur) qui est devenu le moteur de l'économie, la communication d'un point à un autre, qu'ils soient fixes ou mobiles.

Du contenu et des services? Odlyzko cite l'accueil décevant du WebTV par les consommateurs, un «fureteur Web dispendieux et peu attrayant» selon lui, et les expériences tout aussi décevantes des services télétex qui l'ont précédé : «Leurs fonctions inadéquates, sinon totalement absentes, de communication d'un point à un autre semblent avoir été des erreurs fatales.» Il cite également des chiffres révélateurs.  L'industrie des contenus cinématographies est riche à craquer, les ventes annuelles de billets atteignent 10 milliards de dollars? C'est oublier que les services téléphoniques (communication de point à point) empochent la même somme en deux semaines d'exploitation.

La connectivité serait donc plus importante que les contenus dont Internet s'est très bien passé dans son étape d'implantation première.  Pour les entreprises et investisseurs, donc, miser sur le contenu était un pari perdu d'avance.  Pour Odlyzko, le contenu aura sa place, mais il sera toujours subordonné à la communication personnelle et commerciale. L'autre aspect de la récession que nous traversons en technologie s'illustre par les difficultés croissantes d'acteurs importants, établis depuis longtemps, dans le secteur du matériel et des infrastructures.  Chaque semaine nous amène son lot de mises à pied, de restructurations, de rationalisations que même les plus cartésiens d'entre nous ont peine à saisir.  Mais là aussi, on joue dans le court terme et on manque de perspectives.

Le chroniqueur du New York Times Daniel Akst écrivait il y a quelques jours une analyse pertinente sur le fait que la technologie précède toujours la demande, et que le secteur des infrastructures réseau n'échappe pas à la règle.

Au cours des deux dernières années, on a installé en Amérique du Nord l'équivalent de 160 millions de kilomètres de fibre optique, une opération de l'ordre de 35 milliards de dollars pour les investisseurs.  Mais maintenant que la majorité de la bande passante ainsi installée reste inutilisée, bon nombre d'exploitants de ces réseaux survivent sur des découverts, la concurrence entre eux est féroce, et les courtiers en bande passante rapportent des seuils de tarifs toujours plus bas.  Les accusations fusent : des prévisions bâclées, de l'argent mal dépensé, des priorités erronées.  Bon nombre de critiques estiment que si ces investissements avaient été dirigés ailleurs, on aurait pu éviter les pertes d'emploi massives et la chute de la productivité, et le bien commun serait sauf.

Daniel Akst rappelle de nombreux faits historiques pour justifier sa théorie selon laquelle la technologie précède toujours la demande, et que ce n'est qu'une question de temps avant que ces investissements ne deviennent rentables.  Il en a été de même pour la télégraphie, les chemins de fer, les autoroutes.  En réalité, écrit-il, chaque fois qu'une nouvelle technologie d'importance émerge en Amérique, on vend ce qui équivaut à des billets de loterie très chers aux investisseurs.  «Le produit de ces actions spéculatives - capital versé pour les actions et les obligations et billets à terme - peuvent sembler être du gaspillage.  Mais à terme, il en reste une infrastructure, et c'est sur des infrastructures que repose une économie.»

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  Médias et syndrome post-traumatique
Un enfant palestinien tombe sous les balles de militaires israéliens devant son père ahuri.  À Gênes, un manifestant est tué par un carabinieri.  En Afrique, les mouroirs sont remplis à capacité de victimes du SIDA.  Le chauffeur d'un autobus d'écoliers perd la maîtrise de son véhicule, une dizaine d'enfants perdent la vie.

Si ces images et ces reportages télévisés ou écrits provoquent un malaise, il faut penser que derrière ces caméras, ces appareils photo, ces micros et ces claviers, il y a des journalistes, des techniciens, des reporters qui sont, eux et elles, collés à l'événement.  De plus, bon nombre de professionnels de l'information sont affectés pour des périodes relativement longues dans des endroits chauds de la planète, ou à des secteurs de couverture assez durs dans nos propres sociétés.

Si on reconnaît depuis quelques décennies les effets psychologiques importants sur divers professionnels exposés à des situations à risque ou des événements traumatisants (militaires, policiers, pompiers, travailleurs de services d'urgence), et que l'on s'empresse de dépêcher des équipes de psychologues pour apporter leur soutien aux victimes lors de catastrophes, rien de tel n'existait pour les journalistes.

C'est pourquoi un groupe de professionnels de l'information vient de fonder un organisme sans but lucratif, Newscoverage Unlimited, pour venir en aide aux professionnels des médias aux prises avec des problèmes psychologiques ou physiologiques découlant d'expériences traumatisantes.  Certains des fondateurs ont une expérience directe de la chose.  Le président honoraire de l'organisme est Chris Cramer, président de CNN International qui travaillait pour le compte de la BBC lorsqu'il fut pris en otage au moment d'une attaque terroriste contre une ambassade à Londres.  Robert Frank, directeur exécutif de Newscoverage Unlimited et journaliste au New York Times, était préposé aux relations avec la presse des Forces canadiennes lors de l'écrasement de l'avion de la Swissair au large des côtes canadiennes en 1998, et il a pu constater les effets sur les journalistes.

Peter Hunter, un autre fondateur, était jusqu'à tout récemment directeur de l'unité d'évaluation des risques à la BBC et celui qui y a mis sur pied les cours de formation au travail journalistique en milieu hostile.  Mais Hunter précise que les journalistes de choc ne sont pas les seuls à courir le risque d'effets psychologiques perturbateurs.  Interviewé par The Independent, Hunter cite le cas de journalistes locaux qui seraient à répétition affectés à la couverture d'accidents de la route ou autres événements où il y a des décès.

Les manifestations de troubles psychologiques post-traumatiques sont nombreuses et parfois très sérieuses : déséquilibre des neurotransmetteurs, effets sur la mémoire, dépression, «culpabilité du survivant», abus d'alcool et de drogues, etc.  Si certaines personnes peuvent dissimuler ces symptômes, ils n'en sont pas moins à l'abri d'effets à retardement souvent aussi, sinon plus, graves.

L'organisme vise d'abord à sensibiliser les entreprises de presse à ce problème et à briser l'isolement que ressentent les victimes et leur silence sur leur état.  Sur le site Web de Newscoverage Unlimited, on peut lire : «Des cultures stoïques comme celles qui prévalent dans les salles de rédaction ajoutent à cet isolement, tout comme la crainte de répercussions sur la carrière.» Bon nombre de professionnels de l'information croient, souvent avec raison, que s'ils admettent souffrir de syndromes post-traumatiques, ils perdront leur emploi ou la direction les tiendra à l'écart de projets importants.

Newscoverage Unlimited compte déjà des membres aux États-Unis, au Canada, au Royaume-Uni et en Australie. 

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Et sur ce, nous vous souhaitons à tous et toutes une excellente semaine.

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