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Les Chroniques de Cybérie
5 septembre 2000

© Les Éditions Cybérie inc.

5 septembre 2000

Salutations à tous les Cybériens et Cybériennes!

Cette Chronique n'est optimisée ni pour Netscape, ni pour Internet Explorer, elle l'est pour ses lecteurs et lectrices.

Cette semaine...

Affaire Emulex : la suite
Napster : c'est pour octobre
L'état de la cybernation
«Mon délit est celui de la curiosité»
TWA 800 et Swissair 111 : des analogies troublantes
En bref...
Beau détour

 Affaire Emulex : la suite
L'arrestation jeudi dernier de Mark Simeon Jakob, principal suspect dans l'affaire du faux communiqué qui a fait dégringoler le titre de la société Emulex, résout au moins une partie de l'énigme entourant ce désastreux (et coûteux) canular.

Jakob, 23 ans, étudiant au collège communautaire El Camino (Torrance, Californie) était un ex-employé de la société Internet Wire, rafistoleur de voitures d'occasion, amateur des casinos de Las Vegas et spéculateur sur séance à ses heures.

D'après le FBI, dont la conférence de presse a été rediffusée en direct sur le Web par la chaîne CNN, Jakob pratiquait la vente à découvert de titres, et il importe de décrire le processus pour bien comprendre ce dossier. Il s'agit d'un contrat de vente, à date déterminée et à prix fixé à l'avance, d'un certain nombre d'actions que le vendeur ne possède pas au moment de la conclusion du marché. Jakob misait sur une chute du cours d'Emulex, et espérait acheter les actions à prix moindre que celui fixé au contrat de vente lorsque la baisse des prix qu'il prévoyait se produirait. Il pourrait alors livrer au prix convenu les actions et encaisser un profit. Il se serait engagé, les 17 et 18 août, dans des contrats de vente à découvert portant sur 3 000 actions d'Emulex livrables en septembre à des prix variant entre 72 $ et 92 $. Mais le cours d'Emulex ne montrait aucun signe de fléchissement, se transigeait à 113 $, et Jakob risquait de perdre gros.

Le 18 août, Jakob démissionne de chez Internet Wire. Le 24, prétendant être un agent de relations publiques qui travaille pour le compte d'Emulex, il expédie chez Internet Wire un faux communiqué de presse faisant état de la démission du premier dirigeant de la société, de la révision à la baisse des recettes, et d'une possible enquête de la Securities and Exchange Commission sur les pratiques comptables d'Emulex. Bref, un lot d'informations de nature à faire chuter les actions d'Emulex.

On connaît la suite. Reprise du communiqué par d'influents médias financiers, et dégringolade immédiate du titre Emulex qui atteint une seuil plancher à 46 $. À ce moment, selon le FBI, Jakob achète 3 000 actions d'Emulex pour couvrir son engagement de vente. Quelques minutes plus tard, il achète un autre lot de 3 500 actions au prix de 50 $ qu'il revend plus tard en journée, après le démenti du faux communiqué, et alors que le titre Emulex reprend de sa valeur. Ces diverses manipulations qui lui auraient rapporté près de 250 000 $ en quelques heures.

L'enquête. Dès que le canular est découvert, le FBI est sur le pied de guerre. En quelques heures, on retrace l'origine du courrier électronique à la bibliothèque du collège El Camino. Autre indice, l'astuce employée pour faire valider le communiqué par Internet Wire laisse croire que l'expéditeur connaît les procédures internes du diffuseur de communiqués. Les enquêteurs établissent le lien entre Jakob, l'ex-employé de Internet Wire, et Jakob, l'étudiant inscrit au collège. Grâce aux dossiers des transactions sur le titre d'Emulex, on découvre également que Jakob utilise les services de courtage en ligne Datek. Les enquêteurs disposent alors du dossier complet des transactions de Jakob, et de ses manipulations boursières.

Jakob fait face à deux chefs d'accusation de fraude, et est passible d'une peine de 15 ans d'emprisonnement et d'une amende de 500 000 $. Parallèlement, la Securities and Exchange Commission a entrepris des procédures devant un tribunal civil pour geler les avoirs de Jakob qui s'élèveraient à 400 000 $ (y compris les recettes de ses manipulations sur le titre Emulex).

Vendredi, alors que l'Amérique du Nord s'apprêtait à se débrancher pour le long congé de la fête du travail, on apprenait de CNNfn qu'un groupe d'investisseurs engageait une poursuite contre les agences Internet Wire et Bloomberg pour diffusion de fausses nouvelles ayant entraîné des pertes financières. D'autres poursuites sont à prévoir.

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 Napster : c'est pour octobre
La Cour d'appel fédérale américaine du neuvième district judiciaire a annoncé qu'elle commencera à entendre, dans la première semaine d'octobre, l'appel de la société Napster. Cette dernière conteste le jugement prononcé en juillet par la juge Marilyn Hall Patel ordonnant la fermeture du service logiciel/répertoire d'échange de fichiers musicaux. D'ici là, on pourrait aussi voir le dépôt d'autres brefs d'amicus curiae, comme ceux dont nous faisions état la semaine dernière.

Élément connexe au dossier, la société de recherche IDC publie une analyse pertinente du marché potentiel de la musique en ligne dans son bulletin IT Forecaster. Si, l'an dernier, les maisons de disques n'ont tiré qu'un maigre 300 000 $ en droits de téléchargement de fichiers musicaux à partir de leurs sites Web, ce chiffre passerait à 1,2 milliard de dollars en 2004 selon IDC.

Mais l'analyse lève le voile sur la répartition des recettes de vente d'un disque compact, un système qui avantage grandement les maisons de disques. Ces dernières récoltent 39 % du prix d'un disque compact, le détaillant 15 %, le distributeur 15 %, les fabricants 15 %, l'éditeur ou l'auteur 8 % et l'artiste 8 %. IDC estime que la substitution des disques compacts par les fichiers téléchargés profitera grandement aux maisons de disques, mais laissera pour compte les détaillants, fabricants et distributeurs dont les services seront de moins en moins requis. Pour les artistes liés par contrats à de grandes maisons de disques, ils sont peu susceptibles, selon IDC, de retirer une plus grande part des recettes de ventes, à moins qu'ils ne revendiquent avec force une répartition plus équilibrée des revenus.

IDC évoque la présence dans le paysage de Napster et autres systèmes d'échange de fichiers musicaux qui feront de la perception des droits d'auteurs un véritable cauchemar. D'écrire les auteurs de l'analyse, «Les pressions juridiques pourraient bien forcer de tels réseaux à verser des redevances lorsqu'il y a échange de contenu pour éviter de faire face à un harcèlement continu. Mais, même à ce compte, les éditeurs commerciaux perdront de leur emprise, tout comme c'est arrivé aux détaillants avant eux. Dans un marché "participatif", la structure des prix gravitera autour de modèles de micropaiements.» D'ailleurs, la prochaine édition du bulletin IT Forecaster portera justement sur la viabilité des modèles de micropaiements.

Enfin, on sait que la grande presse généraliste s'est emparée du dossier Napster avec des résultats qui laissaient parfois à désirer. Heureusement que les caricaturistes des grands journaux américains sont là pour nous dérider. Daryl Cagle, du netmag Slate, nous propose une compilation de quelques-unes des meilleures caricatures inspirées par l'affaire Napster.

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 L'état de la cybernation
En 1996, l'administration Clinton mettait sur pied le U.S. Internet Council (USIC), un organisme consultatif indépendant dont la mission consiste à mener des études et à offrir des ressources expertes aux législateurs fédéraux. L'an dernier, l'USIC publiait un premier rapport sur l'état de la cybernation.

Cette année, le rapport annuel de l'organisme, «State of the Internet 2000» prend une nouvelle dimension. Tout en faisant le point sur le développement du réseau aux États-Unis, il étend le champ de son rapport à une perspective internationale.

La croissance phénoménale d'Internet rendra peut-être la grille d'analyse du présent rapport désuète l'an prochain, prévient l'USIC. Par exemple, il y a un an, l'utilisation du réseau par l'entremise de dispositifs sans fil ou encore les systèmes d'échange horizontal de fichiers entre utilisateurs «peer to peer», à la Napster, étaient encore des phénomènes marginaux.

Toutefois, des chiffres témoignent de l'explosion. De janvier à juin 2000, le nombre de pages Web indexées a doublé, passant de un à deux milliards. En 1993, nous étions environ 90 000 utilisateurs d'Internet; en 2000 ce chiffre est passé à 304 millions, dont un peu moins de la moitié sont américains. D'ici cinq ans, on prévoit un milliard d'utilisateurs, dont 70 % seront non américains. La langue anglaise domine toujours sur le Web et compte pour 78 % des sites; en revanche, 96 % des sites de commerce électronique sont en anglais, domination qui devrait se maintenir encore pour plusieurs années.

Concernant la fracture numérique (digital divide), l'USIC la perçoit tant sur le plan intérieur, aux États-Unis, qu'à l'échelle internationale dans l'axe Nord-Sud. Associée d'abord à l'écart social entre la majorité blanche et les minorités ethniques qui se fondent dans le creuset américain, la fracture est maintenant attribuable aux écarts entre les revenus disponibles. Puis, constatation planétaire, le continent africain demeure le parent pauvre; si la République sud-africaine compte un million de personnes ayant accès à Internet (sur une population de 44 millions d'habitants), le reste du continent n'en compte qu'un demi million (sur une population de près de 800 millions). Comme quoi tout demeure toujours une question de sous.

Concernant la réglementation, l'USIC attribue aux gouvernements un double rôle. Ils devraient, d'une part, s'efforcer de faire connaître au public les outils par lesquels ils peuvent se protéger des contenus qu'ils jugent offensants. D'autre part, si un gouvernement «tente d'interdire ces activités, il ne réussira qu'à les déplacer dans une juridiction plus tolérante, et à l'éloigner de son propre champ de compétence. Là et quand c'est possible, les gouvernements devraient faire confiance à la communauté Internet pour s'auto-réglementer.»

Si les auteurs du rapport estiment que le médium Internet est «peu propice» à la réglementation, et «hostile aux formes traditionnelles de gouvernance», ils reconnaissent néanmoins des zones d'exception. Par exemple, la nécessité de pouvoir poursuivre les prédateurs sexuels qui s'en prennent aux enfants, et les cyberterroristes qui menacent les infrastructures. Ils mettent toutefois les gouvernements en garde contre l'adoption de systèmes de surveillance qui ratissent trop large (on pense au système Carnivore). Autre champ d'intervention possible pour les gouvernements, selon le U.S. Internet Council, il faut veiller au respect de la vie privée des utilisateurs, voire légiférer pour la garantir, si on veut profiter des retombées transactionnelles (entreprises et États) du commerce électronique.

Si Internet se porte, somme toute, assez bien aux États-Unis, le berceau du réseau accuse en revanche un certain retard par rapport à l'Europe et l'Asie en matière de technologies sans fil. Cinq pays affichent un taux de pénétration du sans fil de 50 % ou plus, soit la Finlande, la Norvège, l'Islande, la Suède et Hong Kong. Les États-Unis ne se classent qu'au 23e rang avec un taux de pénétration de 27,6 %.

Bilan positif, dans l'ensemble, pour le réseau. D'après les auteurs du rapport, «s'il est possible que des gouvernements tentent d'étouffer Internet en imposant certaines réglementations, certains signaux portent à croire que leur réussite est peu probable. Internet devrait pouvoir continuer d'évoluer selon un modèle d'échange d'information mondial, et ouvert, ce que nous espérons.»

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 «Mon délit est celui de la curiosité»
Il ne se passe pas une semaine sans que l'actualité du réseau ne soit ponctuée par l'annonce d'un nouvel exploit de «hacking». De la substitution, parfois humoristique, d'une page d'accueil d'un site Web au cyber braquage d'une banque en ligne, en passant par les seringues paralysantes des attaques du type «synflood» de Mafia Boy, le phénomène du hacking est une des réalités permanentes de l'univers réseau.

Au delà (certains diraient derrière) les manifestations visibles de ces exploits, qui oscillent entre contestation et banditisme, il y a les hackers et hacktivistes, méconnus, stéréotypés dans l'imaginaire collectif. Il y a aussi des vedettes comme Kevin Mitnick, le mythique «Condor», il y a des sites Web de référence comme 2600 et le Hacker News Network, des netmags comme Zataz et même des congrès annuels comme le très couru DefCon qui se tient à Las Vegas.

Si le hacking a inspiré bon nombre d'ouvrages dans le monde anglo-saxon de l'édition, il y avait jusqu'à présent peu ou pas de livres en français sur le sujet. Vient de paraître, aux éditions du Seuil dans la collection Contre-Enquête, «Pirates et Flics du Net» de David Dufresne et Florent Latrive. Les habitués du journal Libération auront reconnu les noms des deux journalistes qui y travaillent, et les habitués du Web alternatif celui de David Dufresne, Davduf pour les intimes, l'ex-Rafaleur qui marquait il y a quelques mois un retour sur le Web.

Comme son titre l'indique, l'ouvrage porte un regard double sur le phénomène, soit sur les hackers/pirates, puis sur ceux dont c'est le travail de les poursuivre.

Tiré de l'introduction de «Pirates et Flics du Net», quelques mots qui décrivent bien l'esprit qui anime le milieu : «Fini le temps de la bidouille maison, quand ils n'étaient qu'un cercle restreint. Cette fois, la pagaille règne. Tous, ou presque, ont fait leur le texte de l'un d'entre eux, le dénommé Mentor: "Mon délit est celui de la curiosité. Mon délit est de vous surpasser, quelque chose que vous ne me pardonnerez jamais. Je suis un hacker, et ceci est mon manifeste." [...] Individus sans haine et sans crainte, les hackers sont désormais plus nombreux, chaque jour. Seuls contre une machine, seuls contre une armada d'ingénieurs, ils se prennent pour des guérilleros technologiques, et se disent unis dans l'adversité.»

Nous avons demandé à David Dufresne de nous livrer un aperçu du livre : «Il s'articule en fait sur deux grands axes : les pirates et l'appareil police-justice, le tout démarrant à chaque chapitre par des portraits. Pour l'aspect police-justice, c'est surtout une perspective française, sauf quelques "révélations" sur l'impuissance de la DST de faire des enquêtes sur des pirates brésiliens, américains ou scandinaves. Côté hackers, nous retraçons à grands traits l'histoire du mouvement. C'est donc plus "planéterre".»

Au terme de cette «contre-enquête» sur le hacking, une ou plusieurs conclusions? «La confusion règne. La dépolitisation a gagné le monde du hack. Les États jouent un jeu dangereux. La mise en réseau du monde est source de bien des tracas à venir. Mais, surtout, que tout cela est très confus. Trop de double jeu. Trop de zones d'ombre. Trop d'intox.»

Le hacking sera-t-il une des réalités permanentes du réseau, ou bien les cybermarchands réclameront-ils davantage de protection de la part des autorités? De répondre Dufresne, «Le problème c'est que les cyberflics ont besoin des hackers, ou du moins de leur science. Rares sont les hackers qui se sentent "criminels", délinquants dirions nous ici de ce côté de l'Atlantique. Là encore le jeu est trouble. Sûr, les marchands vont réclamer plus de sécurité, et donc plus de flics. Mais je crains, pour eux, qu'il est un peu tard : ils ont ouvert des banques, et des magasins de luxe, que l'ont peut braquer depuis l'autre bout de la planète.»

À lire, donc, nouveau regard sur le phénomène du hacking, «Pirates et Flics du Net» de Dufresne et Latrive, disponible en librairie ou sur le tout nouveau AmazonFrance.

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 TWA 800 et Swissair 111 : des analogies troublantes
Le weekend dernier se tenait dans la petite collectivité canadienne de Bayswater, près de Peggy's Cove (Nouvelle-Écosse), une cérémonie à la mémoire des 229 victimes de l'écrasement du vol Swissair 111, il y a deux ans. C'est à Bayswater que sont enterrés les restes non identifiés des victimes de l'écrasement, sur un site où on a érigé un monument en granite sur lequel sont inscrits les noms des victimes. Le site a récemment été réaménagé par les autorités provinciales pour en faire un endroit de recueillement pour les familles des victimes. Un citoyen américain, Jim Hausman, qui était intervenu auprès du gouvernement provincial pour l'érection du monument, s'est dit très satisfait de l'aménagement. Il a déclaré au Halifax Herald «Le Canada a vraiment établi une norme en ce qui concerne le traitement accordé aux familles des victimes d'écrasements d'avion.»

Chez Swissair, on nous apprend que «184 plaintes de proches ont été déposées (état au 28.8.00) [...] 59 cas ont déjà pu être réglés à l'amiable. Des solutions ont également été trouvées avec les proches des 14 membres d'équipage.»

On apprend aussi du Halifax Herald que Swissair a commencé à verser des primes de dédommagement à une cinquantaine de pêcheurs dont les activités avaient été perturbées par les opérations de recherche des victimes et de récupération des débris de l'appareil. Le plongeur de la marine qui a récupéré l'enregistrement de la cabine de pilotage a été décoré récemment, de même que l'équipage du navire HMCS Kingston qui fut le premier bâtiment de la marine canadienne à arriver sur les lieux. Puis, la Lloyd's de Londres a décidé de ne pas effectuer des recherches sur le site de l'écrasement pour tenter de récupérer les 300 millions de dollars en diamants que transportait un des passagers.

La semaine dernière, le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) faisait le point sur l'enquête qu'elle mène sur l'accident, enquête qui a coûté jusqu'à présent plus de 50 millions de dollars. On sait qu'il y a eu incendie, mais le BST cherche encore à déterminer précisément «où l'incendie a pris naissance, et comment et pourquoi il s'est déclaré [...] L'examen des questions opérationnelles et l'examen des facteurs humains se poursuivent également.»

Le BST a cependant fait part d'un fait nouveau : il y aurait eu interruption des communications entre l'appareil de la Swissair et la tour de contrôle de Boston pendant une période de treize minutes. D'après le BST, «le centre de contrôle de Boston avait tenté de communiquer avec le vol 111 sur la fréquence 128.75 au cours des 13 minutes précédentes, mais sans parvenir à établir le contact». Cette panne de communication, survenue environ 45 minutes avant l'écrasement de l'appareil, est étrange selon Vic Gergen, enquêteur en charge du dossier au BST. Surtout que les enregistreurs de vol ne signalent aucune autre anomalie durant cette période de temps.

En avril 1998, quelques mois avant l'écrasement du vol 111 de la Swissair, le New York Review of Books publiait un texte de Elaine Scarry, professeur à Harvard, qui exposait une théorie pouvant expliquer l'écrasement du vol 800 de la TWA le 17 juillet 1996, à quelque 12 kilomètres au large de Long Island (New York). L'écrasement, dont l'Agence de sécurité des transports américaine (NTSB) dit toujours ignorer les causes exactes, avait fait 230 victimes. Selon Scarry, un brouillage de radiofréquences accidentel, d'origine militaire, aurait pu provoquer un incendie à bord du Boeing de la TWA et entraîner son écrasement.

Le brouillage de radiofréquences est une des nouvelles armes de la guerre électronique. Il permet de brouiller les signaux radio, de paralyser les communications, voire de faire sauter des émetteurs par simple surcharge. On aurait utilisé de telles techniques lors de la guerre du Kosovo.

Dans le numéro du 21 septembre prochain du New York Review of Books, Scarry revient à la charge et cette fois tire des analogies troublantes entre l'écrasement du vol 800 de la TWA, celui du vol 111 de la Swissair, et celui du vol 990 de la EgyptAir (31 octobre 1999). Dans la première partie d'un article solidement documenté (et déjà disponible sur le Web), elle écrit : «Les vols TWA 800 et Swissair 111 ont au moins cinq points en commun, soit : (1) une défaillance électrique majeure; (2) une cause jusqu'à présent inconnue; (3) un décollage du même aéroport [Ndlr. JFK, New York] et un survol des mêmes zones géographiques; (4) un décollage à la même heure du jour, et le même jour de la semaine [Ndlr. à 20h19 un mercredi); (5) une défaillance radio presque à la même heure, entre 20h31 et 20h34.» Scarry poursuit son analyse avec un sixième point commun : les deux vols ont franchi une zone où manoeuvraient des appareils militaires et des vaisseaux de la marine américaine.

Scarry s'étonne que les autorités américaines n'aient jamais fait mention du silence radio de 13 minutes du vol 111 de la Swissair, révélé par le BST canadien, alors que l'appareil survolait la zone même où celui de la TWA s'était écrasé dix-huit mois auparavant. «Pourquoi était-il si important de confiner, dans l'esprit du public, l'accident dans l'espace aérien canadien et dans les eaux territoriales canadiennes?» demande Scarry.

L'auteure a tenté, mais en vain, d'obtenir en vertu de la Loi sur l'accès à l'information des détails sur les avions et navires militaires qui procédaient à des manoeuvres aux dates des deux écrasements, mais elle s'est butée à un refus. Elle a cependant pu établir que nombre d'appareils et de navires disposaient de capacités de transmission radio importantes, certains participant même à des exercices d'attaque et de contre-attaque électroniques. Selon elle, les militaires voudraient dissimuler qu'ils sont responsables, même accidentellement, des deux écrasements.

Pour Scarry, jointe à son domicile de Cambridge (Massachusetts) par le Ottawa Citizen, les coïncidences entre les deux écrasements sont renversantes. Et tout aussi renversant est le silence de la Federal Aviation Agency (FAA) sur la panne radio de 13 minutes du vol Swissair 111, et les révélations à ce sujet de la part du BST : «Il ne m'était jamais venu à l'esprit que quelque chose d'aussi sérieux qu'une panne radio ait pu survenir. Je ne pouvais en croire mes oreilles.»

Les responsables du BST et de la NTSB disent que Madame Scarry leur a fait part de sa théorie sur un brouillage accidentel d'origine militaire, et insisté pour qu'à tout le moins, on enquête sur cette possibilité. D'ailleurs, le New York Review of Books a publié de nombreuses correspondances entre Madame Scarry et Jim Hall, directeur de la NTSB. Mais les agences officielles réfutent sa théorie, en dépit des nombreux appuis de scientifiques et experts en radiofréquences qui la disent plausible.

Elaine Scarry, allure de vedette de cinéma, est professeure d'esthétique et de théorie générale de la valeur au département d'anglais de l'Université Harvard. Elle a écrit de nombreux livres, dont un sur la perception physique de la douleur, un autre sur la déviance «politically correct» de la beauté intitulé «On Beauty and Being Just». Ce printemps, elle recevait le prestigieux Prix Cabot pour un ouvrage sur la critique littraire.

L'an dernier, dans une entrevue avec le netmag Salon sur «On Beauty and Being Just», Scarry déclarait «Je travaille depuis 13 ans à un important projet sur l'armement nucléaire et l'incompatibilité des structures militaires actuelles avec la démocratie. Plus je travaille à ce projet, plus j'ai besoin de lire des poèmes, et de travailler dans mon jardin. La beauté redonne confiance dans le monde.»

Dans certains milieux, on conteste ses théories non sur les faits, mais bien parce qu'elle ne détient aucune compétence reconnue ou diplôme en physique ou en électronique et qu'elle soit davantage philosophe et littéraire que scientifique. Scarry rétorque que ses travaux procèdent d'une approche multidisciplinaire et que de nombreux spécialistes indépendants confirment la valeur de ses recherches.

Dossier à suivre.

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 En bref...
Deux grammes de marijuana, commandées sur le Web et livrés à domicile en moins de trente minutes, pour 8,94 $ (dix Euros). C'est ce qu'entendait proposer le site Web iToke, du moins aux résidants d'Amsterdam, à compter de vendredi dernier. Mais selon le service News.Com, l'opposition des propriétaires de cafés, seuls légalement autorisés à vendre les herbes folles et ses dérivés à Amsterdam, et une véritable frénésie médiatique, ont enjoint les responsables de iToke, deux Américains originaires de Seattle, à reporter l'inauguration de ce service plutôt... inusité. Les projets de iToke ne se sont pas envolés en fumée pour autant. Selon Mike Tucker, un des deux propriétaires de iToke, «Nous voulions refroidir certaines ardeurs et dissiper les craintes de la communauté qui nous perçoit comme une menace.» iToke entend utiliser Amsterdam comme tremplin pour illustrer à d'autres villes les vertus de la tolérance à l'égard des drogues douces, et prévoirait même s'installer à... Tokyo.

Un des secteurs de forte croissance d'Internet est celui de la radio en ligne. Selon un sondage effectué par les sociétés Arbitron et Edison Media Research auprès de 3 000 foyers aux États-Unis, l'écoute de la radio en ligne rejoindrait 25 % des utilisateurs d'Internet, et ce comparativement à 6 % en 1998. Aux fins du sondage, on inclut dans les radios en ligne les chaînes radio traditionnelles qui diffusent parallèlement sur Internet, et les radios «pur Web» diffusant uniquement sur Internet. Pour sa part, la vidéo sur Web rejoindrait 15 % des utilisateurs du réseau. Les résultats complets de l'enquête seront dévoilés en septembre à l'occasion de la conférence annuelle de la National Association of Broadcasters (association nationale des radiodiffuseurs). Entre temps, ceux et celles qui n'auraient pas encore exploré l'univers de la radio sur Internet peuvent adopter comme point de départ What's On Web Radio, un site qui permet une recherche de stations par catégories ou lieux géographiques en plus de proposer son palmarès des dix radios Web les plus écoutées, ou encore notre préféré, en français, le répertoire ComFM.

Signe de mûrissement du médium Internet selon certains, on continue de voir des fléchissements saisonniers dans l'utilisation tout comme on le constate, entre autres, pour la télévision. Cory Johnson, du netmag financier TheStreet.Com, analyse la baisse estivale de l'utilisation d'Internet en prenant pour exemple America Online, premier fournisseur d'accès aux États-Unis avec 19 millions d'abonnés. Si le nombre d'abonnés est en hausse, pour la première fois depuis trois ans le nombre de minutes passées à consulter les pages info/services de AOL a chuté de 9,4 % pour le trimestre se terminant le 31 juin. Johnson note aussi, qu'en général, tous les sites importants ont connu une baisse estivale, y compris les sites de commerce électronique comme celui du cyberlibraire Amazon.Com. Par contre, ce fléchissement saisonnier est comparable à celui de l'écoute de la télévision. La société de mesure d'écoute Nielsen rapporte une baisse générale de 6 % du temps consacré à la télévision, et de 10 % aux heures dites de «grande écoute».

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 Beau détour
Un long périple. Dix ans à parcourir et à documenter l'effritement de l'ancienne Union soviétique. Le site Web de Time nous offre les photographies de Anthony Suau, «Beyond the Fall», une fort belle présentation.

Et sur ce, nous vous souhaitons à tous et toutes une excellente semaine,

Écrire à Jean-Pierre Cloutier


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