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Page daccueil Les Chroniques de Cybérie
Le mardi 28 août 2001

Salutations à tous les Cybériens et Cybériennes!

Cette Chronique n'est optimisée ni pour Netscape, ni pour Internet Explorer, elle l'est pour ses lecteurs et lectrices.

Cette semaine...

  Microsoft : nouveau juge, livraison de XP et appuis venus d'outre-tombe
Vendredi dernier, comme prévu, la Cour d'appel du District de Washington a officiellement renvoyé la cause Microsoft devant le tribunal de première instance.  Ce dernier a désigné au hasard, parmi dix candidats potentiels pour entendre la cause, la juge Colleen Kollar-Kotelly qui devra peser les arguments des parties concernant les sanctions à imposer à Microsoft.

Colleen Kollar-Kotelly a été nommée juge en 1997 par l'administration Clinton.  Dans un esprit de continuité politique, elle pourrait, selon des observateurs politiques, pencher en faveur de sanctions sévères contre Microsoft.  Rappelons toutefois que le juge Thomas Pennfield Jackson avait été nommé par l'administration républicaine de Ronald Reagan, et que cette affiliation politique ne l'a pas empêché d'ordonner le fractionnement de l'empire de Bill Gates.

La juge Kollar-Kotelly a été au centre de nombreuses affaires importantes, comme le droit constitutionnel à la représentation des citoyens du District de Columbia (contre) et l'étiquetage obligatoire des produits agricoles génétiquement modifiés (contre).  L'an dernier, c'est la juge Kollar-Kotelly qui a ordonné au gouvernement iranien de verser 355 millions de dollars en dommages et intérêts à la famille d'un marine assassiné par des terroristes au Liban.  Elle a également présidé les travaux lors d'une poursuite contre le présumé chef terroriste Osama bin Laden, qui découle de l'attentat à la bombe contre l'ambassade des États-Unis au Kenya en 1998.

On la dit une utilisatrice très au fait de l'informatique, mais elle n'a jamais eu à trancher dans des dossiers importants de nature technique.  Par contre, en 1999, elle héritait du dossier anti-trust dans l'affaire U.S. c. Chancellor Media qui s'est soldée par un décret de consentement (décision prise en forme de jugement par laquelle le juge entérine l'accord des parties en lui conférant l'autorité de la chose jugée).  Chancellor Media, société d'affichage publicitaire extérieur, souhaitait faire l'acquisition d'un concurrent, Whiteco Industries.  Ce faisant, Chancellor aurait détenu un monopole dans certaines régions du pays, une situation qu'avait dénoncé le DoJ qui avait entrepris la poursuite contre Chancellor.  Dans un règlement convenu, Chancellor avait accepté de se départir de certaines filiales régionales pour restaurer la concurrence.

On s'attend à ce que Colleen Kollar-Kotelly convoque rapidement les parties en cause, soit le DoJ, les États co-plaignants et Microsoft, pour établir au plus tôt un calendrier d'audiences.  Elle se butera cependant au DoJ qui tient à procéder avec célérité, et à Microsoft qui réclame des délais et s'est même déjà adressé à la Cour suprême.  En plus de son utilisation personnelle de l'informatique, on sait qu'elle est de nature ferme, tranchante, efficace.  Et aussi que, contrairement à son prédécesseur, Thomas Pennfield Jackson, elle parle très peu aux médias.

Pendant qu'à Washington, sur la côte Est, on se préparait à une nouvelle ronde d'audiences, l'air était à la fête sur la côte Ouest, à Redmond (État de Washington) au siège social de Microsoft.  Coïncidence, selon le porte-parole de Microsoft, mais c'est le moment qu'on avait choisi pour livrer aux fabricants d'ordinateurs la version officielle du nouveau système d”exploitation Windows XP, qui sera disponible en magasin le 25 octobre prochain.  La version complète pour utilisation au foyer coûtera 199 $ US, et la mise à jour pour versions antérieures de Windows, 99 $ US.  La trousse professionnelle (entreprises, environnement réseau) coûtera 299 $ US, et la mise à jour 199 $ US.  Quant à Windows ME (Millenium), il sera encore disponible pour un certain temps au prix de 89 $ US.

Enfin, la société Microsoft a bénéficié d'appuis inattendus dans ses efforts de lobbying auprès des élus étasuniens.  Le Los Angeles Times a révélé qu'une campagne d'envoi de lettres à certains Attorney Generals d'États co-plaignants était orchestrée par un organisme de pression, Americans for Technology Leadership (ATL), dont le fonctionnement est partiellement financé par des contributions de Microsoft.  On peut lire sur le site Web de l'ATL que l'organisme est composé de professionnels, consommateurs et organismes opposés à l'intervention gouvernementale dans le secteur de la technologie et en faveur de solutions axées sur les forces du marché.

Le personnel des bureaux des Attorney Generals a constaté l'arrivée en masse de lettres manuscrites demandant un arrêt des procédures contre Microsoft.  À prime abord, rien d'inhabituel pour une cause de cette ampleur.  Cependant, on a remarqué que certaines phrases revenaient, mot pour mot, dans différentes lettres, et que certaines lettres étaient en tout point identiques, sauf pour les signatures. 

Il a été établi que le personnel d'ATL appelait de simples citoyens sous prétexte de mener un sondage d'opinion par téléphone sur le procès Microsoft.  Si la personne manifestait de la sympathie pour Microsoft, elle recevait de l'ATL une lettre manuscrite d'appui à Microsoft à signer, pré-affranchie et pré-adressée à un des Attorney Generals, au ministère de la Justice, ou à la Maison Blanche. 

Jim Prendergast, directeur exécutif de l'ATL, a d'abord nié que l'organisme écrivait et faisait parvenir les dites lettres, et ne faisait que suggérer leur envoi.  Confronté aux lettres identiques, il a confirmé par la suite que l'ATL était à l'origine des lettres, ajoutant que c'était là une pratique courante.

Les révélations du Los Angeles Times ont suscité de nombreuses réactions, alors que certains observateurs ont déclaré que cette pratique banalisait l'expression de l'opinion citoyenne.  Pour Microsoft, qui se défend d'avoir piloté directement la campagne d'envoi de lettres, il ne s'agit que d'un juste retour des choses.  Microsoft se dit victime d'une intense campagne de lobbying de la part de ses concurrents qui, eux non plus, n'auraient pas hésité d'utiliser des stratagèmes semblables pour influencer les élus.

Pour sa part, le personnel du bureau de l'Attorney General de l'Utah, Mark Shurtleff, a été étonné lorsqu'est venu le temps d'effectuer un suivi de lettres préfabriquées envoyées à l'initiative d'un autre groupe de pression pro-Microsoft, le Citizens Against Government Waste (CAGW) qui estime que le procès contre Microsoft constitue un gaspillage de fonds publics.  On a constaté, entre autres, que deux des lettres reçues au bureau portaient la signature de personnes décédées.

Jamais en reste pour relever une délicieuse ironie, le chroniqueur Dan Gillmor du netmag SiliconValley.Com a commenté l'affaire sur son blogue.  Faisant allusion aux irrégularités électorales de l'élection présidentielle de l'automne dernier, Gillmor écrit : «Si les morts ont pu voter à Chicago, à East St-Louis et à Miami, pourquoi ne pourraient-ils pas exprimer un soutien politique à Microsoft?»

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  Moteurs : la fréquence d'indexation, nouvel enjeu
La recherche sur Internet a toujours été au centre des préoccupations des utilisateurs, ce qui incite les services spécialisés à se dépasser. 

D'une part, on entend de moins en moins souvent le commentaire «on ne trouve jamais ce qu'on cherche sur Internet».  L'arrivée de nouveaux moteurs, comme Google, qui ont revu les critères de pertinence de présentation des résultats, puis des poussées vers de nouvelles formes d'interrogation/résultat comme le méta-moteur Kartoo, Vivísimo et Teoma, sans oublier l'amélioration constante de méta-moteurs comme Copernic (adopté par plus de 15 millions d'utilisateurs), tous ces facteurs ont contribué à rendre plus accessible l'immense volume d'informations que recèle le Web.

Par ailleurs, on sait que cette masse d'information croît de manière exponentielle; chaque jour, des millions de nouvelles pages sont mises en ligne.  Si la plupart des sites disposent maintenant de moteurs de recherche internes, souvent adaptés de services existants comme Google, ou exploités sous licence (comme Atomz pour les Chroniques de Cybérie), il n'en demeure pas moins qu'une recherche fructueuse, portant sur des documents récents, exige que l'on détermine le bon point de départ, ce qui n'est pas toujours évident.

La fréquence d'indexation des moteurs généralistes devient donc un enjeu majeur pour atteindre, et surtout maintenir, un degré de pertinence élevé des résultats.

Avides utilisateurs des moteurs de recherche, nous avions souvent remarqué que Google proposait des documents «frais», dont la mise en ligne datait de seulement quelques jours.  Sachant que Google prétend indexer le Web chaque 30 jours, s'agissait-il d'une heureuse coïncidence, d'être arrivé à point nommé après une indexation?

Le netmag ResearchBuzz vient de répondre à la question.  David Krane, responsable des relations publiques chez Google, a déclaré au netmag : «Nous avons entrepris des essais d'indexation de pages sur des sites qui sont mis à jour au quotidien, plutôt que de maintenir notre cycle d'indexation mensuel sur ces sites.» Krane a ajouté que certains de ces essais portaient sur des sites comme celui de la chaîne CNN, mais a refusé d'en dire plus.

Comme le souligne ResearchBuzz, si les utilisateurs ont le choix entre consulter un moteur qui indexe le Web tous les mois, et un autre dont la fréquence d'indexation est hebdomadaire (voire quotidienne, moyennant un accès payant), la décision sera facile à prendre.  Et si Google parvient à accélérer la fréquence d'indexation, il conservera manifestement plusieurs longueurs d'avance sur ses concurrents.

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  Retard français, prise 2
En 1997, l'expression «retard français» avait cours dans les analyses de la pénétration du réseau en France.  Les politiciens déploraient ce retard, mais restaient impassibles face à des dossiers comme celui de RENATER/Mygale.  Puis, en novembre 1998, on constatait sur 12 mois une augmentation fulgurante de 240 % de l'accès Internet, et nous écrivions nous-mêmes à l'époque : «Attention, la France s'y met [...] Il faudra donc bientôt mettre au rancart l'expression “retard français” car, bien que le pourcentage de la population française qui soit branchée demeure inférieure, par exemple, à celle du Québec, la machine est en branle et le contexte propice.»

Trois ans après, serait-on en passe de parler à nouveau du «retard français»? Il semble bien que oui, du moins si on en croit le portrait tracé par la Direction générale de l'industrie, des technologies de l'information et des postes (DIGITIP) du ministère français de l'Industrie, un portrait statistique réalisé par la société CSA opinion et présenté à la 22ème Université d'été de la Communication à Hourtin sous le titre «L'internet : les Français se hâtent lentement».

Mai 2001, un Français sur cinq (20 %) est branché à Internet à domicile, comparativement à un sur douze (± 8 %) en novembre 1999.  Si cette progression sur 18 mois est importante, les perspectives laissent toutefois entrevoir un ralentissement de la pénétration d'Internet car seulement 6 % des Français envisagent de se connecter au cours des douze prochains mois.  Conclusion, selon CSA opinion : «Les Français qui prévoient se connecter dans l'année ne seront pas assez nombreux pour combler le retard de la France par rapport à ses principaux partenaires étrangers [...] La connexion à domicile ne touchera vraisemblablement pas l'ensemble de la population avant longtemps.  En effet, plus de la moitié des Français n'envisagent pas de franchir le pas dans les années à venir.»

Pour bien camper ces chiffres dans un contexte européen, examinons le taux de pénétration dans certains autres pays à l'aide de données récentes sur le site NUA Internet Surveys :  Espagne 13,72 %; Italie, 23,29 %; Allemagne 24,28 %; Belgique 26,36 %; Irlande 27,5 %; Suisse 33,5 %; Royaume-Uni 33,58 %; Pays-Bas 45,82 %; Suède 56,36 %.  Ajoutons que pour le Canada, on enregistre un taux de branchement de 51 %, et de 44 % au Québec.

C'est dans l'équation on ne peut plus classique âge/revenu/scolarité que s'inscrit le contexte français de réticence au branchement : 90 % des «plus de 65 ans, des retraités et des non diplômés n'envisagent pas de se connecter dans les années à venir.  Sont également réfractaires à cette nouvelle technologie plus des trois quarts des membres des ménages dont le revenu est inférieur à 7 500 francs (Ndlr.  mensuel, 1 140 euros, 1 600 $ CDN) et 70 % des femmes de plus de 35 ans» peut-on lire dans le document.

Au chapitre des motifs invoqués pour ne pas se brancher, le portrait est également classique et recoupe à peu de choses près des études menées dans d'autres pays : pas d'ordinateur (entre 50 et 70 % selon les catégories de répondants), n'y voient pas d'utilité (entre 40 et 70 %), services trop coûteux (entre 18 et 22 %), trop compliqué (15 à 25 %).

Pour ceux et celles qui sont branchés, l'accès se fait le plus souvent à domicile (54 %), en milieu de travail (36 %) et dans les établissements d'enseignement (20 %).  L'étude constate également qu'au travail, «ce sont les cadres supérieurs qui en sont les plus gros consommateurs (54 %), puis les professions intermédiaires et les diplômés de l'enseignement supérieur (33 %).  Les ouvriers (7 %), et plus généralement les moins diplômés l'utilisent rarement (3,4 %).  Accéder à l'internet à partir de son domicile renforce les inégalités précédentes.  Ce sont en effet les catégories qui utilisent le plus l'internet au travail qui l'utilisent le plus à domicile : 45 % des cadres supérieurs, 40 % des diplômés de l'enseignement supérieur et 31 % des professions intermédiaires, contre seulement 5,5 % des inactifs, 7 % des personnes dont le niveau de diplôme est inférieur au baccalauréat et 15,6 % des ouvriers.»

Parmi les activités en ligne préférées, le rapport cite la recherche d'information, l'échange de correspondance, la consultation pour le plaisir, l'échange de documents et la consultation d'annonces.  Le transactionnel n'est cité que par 12 % des répondants.

Ces résultats soulèvent quelques réflexions.  Par exemple, dans le cas de cette étude, comme dans d'autres menées dans divers pays, il est curieux de noter que des personnes qui n'utilisent pas Internet disent n'y voir aucune utilité ou encore que l'utilisation est trop compliquée.  Sur le plan de la complexité et du coût, comme le souligne CSA opinion, l'utilisation d'un ordinateur autonome, principal support actuel d'Internet, nécessite un apprentissage, et un investissement relativement important pour des ménages à revenus moyens.  Et la «fracture numérique», quand on parle d'utilisation du réseau, a ses sources en amont, c'est-à-dire sur la disponibilité du matériel.  Ainsi, comme le constate la maison de sondages, «la diffusion des ordinateurs est-elle nettement plus lente que celle des téléphones mobiles : en mai 2001, plus de la moitié des Français disposent d'un “mobile”, alors qu'ils ne sont qu'un quart à posséder un ordinateur.  Ces deux types d'équipements avaient la même diffusion : un Français sur six en disposait en 1997.»

Autre interprétation de ces statistiques : si 25 % des Français disposent d'un ordinateur à domicile, et que 20 % ont accès à Internet à domicile, on peut donc conclure que 80 % des Français qui disposent d'un ordinateur au foyer sont branchés à Internet.

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  Hillary Clinton et la protection des enfants sur Internet
Hillary Rodham Clinton, ex-première dame des États-Unis et maintenant sénatrice démocrate de l'État de New York, a annoncé son intention de mener bataille pour l'augmentation des crédits accordés aux groupes de travail «Internet Crimes Against Children» (ICAC - criminalité Internet contre des enfants).  Lors d'un point de presse, Madame Clinton a reconnu les multiples bienfaits d'Internet sur le plan de l'enseignement, de l'ouverture des horizons, du rapprochement des collectivités et de la communication.  Elle a cependant déploré qu'un nombre croissant de prédateurs utilisent le réseau pour manipuler, tromper, et causer des torts tant physiques qu'émotifs aux enfants.

Madame Clinton entend donc inviter ses collègues du Sénat à appuyer l'octroi de crédits de 25 millions de dollars pour faire en sorte que d'ici la fin de 2002, les ICAC disposent de bureaux dans tous les États américains, inspirés du modèle déjà en place dans l'État de New York.  En outre, les bureaux existants verront une augmentation de leurs budgets de fonctionnement, toutes ces mesures visant une plus grande concertation des efforts dans la lutte à la criminalité contre les enfants.

Le problème est de taille, comme nous vous le soulignions l'an dernier lors de la publication du rapport du National Center for Missing and Exploited Children (NCMEC - Centre national pour enfants disparus ou exploités) intitulé :  «Online victimization: A Report on the Nation's Youth» sur les risques que courent les enfants dans les échanges qu'ils initient en ligne.  Par exemple, dans deux tiers des cas, la cible de la sollicitation sexuelle est une fille.  Dans trois quarts des cas, la victime est âgée de 14 ans ou plus.  Cependant, les chercheurs établissent que plus la victime est jeune (moins de 14 ans), plus les effets de l'incident sont perturbateurs (37 % par rapport à 25 % pour l'ensemble de l'échantillon).  Rappelons un élément étonnant de ce rapport : là où il a était possible aux enquêteurs de déterminer l'origine de la sollicitation, dans 48 % des cas, il s'agissait de jeunes de moins de 18 ans, et dans 19 % de personnes de sexe féminin. 

Rappelons également l'excellente enquête du Réseau Éducation-Médias, «Les enfants du Canada : la perspective des parents», dont nous vous rapportions les grandes lignes en mai dernier : la principale préoccupation de 51 % des répondants concerne l'accès par leurs enfants à du contenu inapproprié sur Internet et, 21 % des enfants auraient eu, «au su de leurs parents», accès à du matériel explicite de nature sexuelle.

Dans le même document, le Réseau Éducation-Médias établissait que, dans l'ensemble, la presse présente un portrait d'Internet comme un phénomène qui suscite plus de problèmes (presque 60 % des articles) qu'il n'entraîne d'avantages.  Les problèmes spécifiques sont la pornographie juvénile (31 % des articles et reportages), la criminalité (13 %) et la pornographie en général (13 %).

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  La stagiaire, le congressman et le Web
À défaut de s'éclaircir, l'affaire Chandra Levy, cette stagiaire à l'administration publique américaine qui n'a pas été vue depuis le 30 avril dernier, connaît des rebondissements médiatiques et sur le Web.

Rappel des faits.  Chandra Levy, étudiante universitaire de 24 ans effectue un stage en emploi à l'administration fédérale des pénitenciers à Washington.  Alors qu'elle se prépare à retourner à Modesto (Californie) pour y recevoir son diplôme de l'Université d'État, elle disparaît sans laisser de traces.  Alertés le 6 mai de sa disparition (par les parents de la jeune femme qui tentaient de la rejoindre depuis une semaine), les enquêteurs de la sûreté municipale de Washington fouillent son appartement, ne constatent aucun signe de désordre, mais y trouvent ses bagages, ses pièces d'identité, son permis de conduire, ses cartes de crédit, son téléphone cellulaire et son ordinateur portable. 

Les parents et proches de Chandra Levy révèlent alors qu'elle leur avait fait part d'une liaison avec une personnalité politique importante.  Le chat sort du sac, il s'agit du représentant de Californie Gary Condit, 53 ans, de religion baptiste, marié et père de 2 enfants.

Élu pour la première fois en 1989, Condit est membre des «Blue Dog Democrats», groupe d'élus démocrates d'allégeance conservatrice.  Il est actif au sein de divers comités importants de la Chambre des représentants, dont le comité de l'Agriculture (sous-comité sur les cultures spécialisées et les programmes agricoles étrangers), et le comité permanent sur le Renseignement de sécurité (sous-comité sur les sources humaines de renseignement, l'analyse et le contre-espionnage, et sous-comité sur le renseignement technique et tactique).

La presse américaine s'est évidemment saisie de l'affaire qui tombait pile pour remplir pages et temps d'antenne en une saison estivale qui s'annonçait tranquille.  Apprenant qu'après enquête, la police avait déterminé que, le 1er mai, Chandra Levy avait fait une recherche Web sur un centre de villégiature en Californie, le Washington Post publiait un long article sur l'emplacement, photos satellites à l'appui.

Rompant le silence officiel qu'il avait maintenu depuis le début de l'affaire (sauf pour de brefs points de presse impromptus), Condit accordait la semaine dernière une entrevue exclusive à l'animatrice-vedette Connie Chung de la chaîne de télévision ABC.  Part d'écoute de la chaîne ABC pour l'entrevue de Condit : plus du quart des Américains et Américaines ont vu l'entrevue.  Hier, le magazine People publiait à son tour une entrevue exclusive avec Condit.  Ce dernier nie toute implication dans la disparition de Chandra Levy, mais admet avoir entretenu avec elle une relation dont il garde secret les détails.

L'aspect Web.  D'abord, commençons par le service de police de Washington qui publie sur son site Web le 10 mai (quatre jours après qu'on ait rapporté sa disparition) un avis de recherche.  La procédure n'est pas exceptionnelle, les services policiers américains l'utilisent fréquemment.  Sur le site Web officiel de Gary Condit, pourtant mis à jour le 30 juillet dernier, pas un mot de l'affaire Chandra Levy.  Par contre, le site affiche une attention bienveillante, soit un logo avec lien vers le site du National Center for Missing and Exploited Children (Centre national des enfants disparus ou exploités).

La famille de Chandra Levy (qui a retenu les services de l'avocat Billy Martin, celui-là même qui avait représenté la mère de Monica Lewinsky lors de l'enquête de Ken Starr) investit également le Web.  Sur le site «Please Help Us Find Our Missing Daughter» (Aidez-nous à retrouver notre fille disparue), en plus de la photo de Chandra devenue «officielle», et d'une revue de presse sur l'affaire, on apprend qu'une récompense de 40 000 $ est offerte à toute personne en mesure de fournir des renseignements sur la disparition de Chandra Levy.  Cette somme a été amassée par la famille et les amis de Chandra, la sénatrice californienne Diane Feinstein, et Gary Condit lui-même qui aurait contribué la somme de 10 000 $ au fonds.

Comme pour tous les grands titres d'actualité qu'il traite, Yahoo! est égal à lui-même dans sa présentation complète et à jour de l'affaire, un dossier fort étoffé.  La tentation de profiter d'un peu de visibilité dans cette affaire est trop forte pour The Guy Code, un netmag axé sur une clientèle masculine qui lance un site distinct, WheresChandra.Com (où est Chandra?).  Rien de bien neuf sur l'affaire, revue de presse, opinions, forum de discussions.  Évidemment, un cercle de sites (Webring) traitant de l'affaire a rapidement aussi vu le jour.

Mais toute cette attention médiatique et Web apporte malheureusement bien peu de réponses sur l'essentiel : qu'est-il arrivé à Chandra Levy? Disparition volontaire? Homicide? Suicide? Enlèvement?

La police de Washington avoue son impuissance à percer le mystère et les responsables ont déclaré au Washington Post que, depuis 1995, à la suite d'une décentralisation de ses services, elle ne dispose pas de statistiques globales sur les disparitions de personnes adultes sur l'ensemble de son territoire.  Le directeur adjoint des services de police a admis que l'absence de données d'ensemble constituait un frein à l'enquête, rendant impossible quelque recoupement que ce soit, et que dorénavant les statistiques seraient de nouveau regroupées.  Toutefois, en consultant et additionnant les données fragmentaires, on constate que 558 personnes ont été portées disparues à Washington depuis le début de l'année, dont 160 d'âge mineur.  Selon les données du FBI, 443 personnes disparues cette année à Washington sont toujours portées manquantes.  Rappelons que l'agglomération urbaine de Washington compte une population de 560 000 personnes.

Étonnantes, ces statistiques? Regardons un peu du côté de la Californie.  Selon les données du ministère de la Justice de cet État (qui compte une population de 33 millions), 30 688 personnes d'âge adulte sont disparues au cours de l'année 2000.  On a pu établir que 24 799 d'entre elles avaient décidé de leur propre gré de «disparaître dans la nature» (rompre un ménage, échapper à des créanciers, etc.).  Il n'en reste pas moins que 3 444 sont disparues dans des circonstances inconnues, 603 dans des circonstances suspectes, et 26 dans des enlèvements par des étrangers devant témoins.  Du total des disparus, 17 386 sont des hommes et 13 302 des femmes.

Mis à part sa relation avec un politicien en vue, Chandra Levy ferait-elle partie de ces «statistiques» pour le moins accablantes pour une société dite avancée, mais qui «perd» néanmoins, bon an mal an, un citoyen sur mille?

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  Suivis : révélations dans l'affaire Leggett; un juge refuse la surveillance électronique
Vanessa Leggett, l'auteure emprisonnée pour avoir refusé de livrer ses sources au ministère public (voir notre chronique précédente) est toujours sous les verrous.  Le Washington Post a publié un texte intéressant sur la question de la protection juridique accordée aux journalistes et écrivains (dans 31 États américains et dans le District de Columbia), ainsi que la liste des treize cas recensés depuis les vingt dernières années où des journalistes ont été emprisonnés pour refus de livrer leurs sources.  Également dans le Washington Post, un texte du juriste, auteur et agent littéraire Ronald Goldfarb.  Ce dernier se penche sur la question du statut d'auteur et de journaliste, c'est-à-dire qui peut ou non y prétendre, et surtout sur la nécessité de règles plus claires en la matière.  La révélation de la semaine vient de Paul McMasters, ombudsman au First Amendment Center qui, dans le Freedom Forum, écrit un texte très senti en faveur de la libération de Leggett.  On y apprend, entre autres, que le FBI a proposé à Vanessa Leggett de devenir informatrice.  Son avocat, Mike DeGeurin, a déclaré  : «Le FBI voulait qu'elle poursuive ses recherches, travaille pour le gouvernement et lui livre ses trouvailles.  Elle a estimé que cela compromettrait son intégrité et son indépendance.» Et d'ajouter DeGeurin, «La question que je me pose est combien de journalistes sont des agents gouvernementaux.  Combien de journalistes ont fait comme elle et ont refusé de collaborer?»

Lourde question.

Autre suivi sur notre chronique précédente, l'affaire de la surveillance électronique des juges aux États-Unis.  On sait que la Conférence judiciaire doit se prononcer le 11 septembre prochain sur la surveillance des communications par Internet (consultation du Web, courriel) des juges et de leur personnel.  Des systèmes visant à dépister l'utilisation inappropriée ou à des fins personnelles d'Internet ont été mis en place, mais désactivés dans de nombreux districts judiciaires à la demande des juges et contrairement aux directives de la Conférence judiciaire (équivalent d'un conseil de magistrature).  Une juge de la Cour d'appel fédérale, Edith Jones, a écrit au président de la Conférence judiciaire pour exprimer son désaccord total à l'endroit de la surveillance des communications des juges et de leur personnel, soulignant le recours fréquent à des entreprises du secteur privé pour effectuer cette surveillance.  Dans sa lettre, la juge écrit : «Il est donc possible que, non seulement des bureaucrates de l'appareil judiciaire épieront les communications informatiques des magistrats, mais que des individus sans lien ni loyauté au système judiciaire le feront aussi.» La juge Jones estime que toute la question de la surveillance des juges est «une solution en quête d'un problème», qu'elle ne tient pas compte de préoccupations légitimes sur le respect de la vie privée, et qu'elle introduira un climat de suspicion, de méfiance et de paranoïa dans le milieu de travail.

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  En bref : capsules techno à Radio-Canada; les jeux nuisibles au développement des enfants; nouvelles normes pour la photo numérique
Depuis hier (27 août), dans le cadre de la rentrée de la Première chaîne de Radio-Canada, la radio publique offre du lundi au vendredi une capsule de quatre minutes de brèves technologiques, «Techno», à 19h56 et diffusée en reprise à 22h55 (heure de Montréal).  Ces capsules seront disponibles depuis le site Web revampé et simplifié de la Première chaîne, mais en versions étendues de dix minutes car elles comprennent une entrevue quotidienne avec des acteurs du secteur de la technologie.  C'est l'homme-orchestre Bruno Guglielminetti qui assure ces présences à l'antenne, et qui reprend également «La minute Internet» chaque jour, pour les lève-tôt, à 6h35. 

Le service de nouvelles CNET rapportait il y a quelques jours que des chercheurs de l'Université de Tohoku (Japon) ont constaté que la pratique des jeux vidéo ne stimule que les parties du cerveau qui coordonnent la vue et la motricité, mais ne contribuent pas au développement d'autres parties importantes.  Ils s'inquiètent pour les enfants qui consacrent beaucoup d'heures aux jeux car, selon les recherches, cette activité entraînerait un sous-développement des lobes frontaux qui jouent un rôle crucial dans la maîtrise du comportement et des émotions, le développement de la mémoire et des facultés d'apprentissage.  À terme, un sous-développement des lobes frontaux peut conduire à des comportements violents, l'enfant éprouvant des difficultés à gérer ses émotions et son comportement.  Les chercheurs conseillent de suggérer aux enfants d'autres activités comme les mathématiques, la lecture et l'écriture. 

Ceux et celles qui s'intéressent à la photo numérique savent que les fabricants se sont lancés dans la course aux megapixels, présumés gages de la qualité des images.  S'il est vrai que, plus l'image comporte de pixels, plus il sera facile d'en obtenir un maximum de qualité, le nombre de pixels affiché pour tel ou tel appareil est une norme erronée.  Arthur Bleich, dans sa chronique Digital Camera Insider, explique qu'entre 10 et 20 % des pixels d'une image, à la prise de vue, servent à des fonctions de calibrage de la couleur et de traitement de l'image sur le capteur numérique.  C'est pourquoi la Japan Camera Industry Association (JCIA), qui regroupe les principaux fabricants d'appareils photo numériques, a persuadé ses membres d'afficher dans les caractéristiques techniques des appareils le nombre «réel» de pixels rendus, soit le nombre de pixels utilisables d'une image.  On révisera donc à la baisse les fiches techniques, ce qui n'aura cependant aucun effet sur la qualité optimale des images.

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Et sur ce, nous vous souhaitons à tous et toutes une excellente semaine.

Site personnel de Jean-Pierre Cloutier

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