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Les Chroniques de Cybérie
14 juin 2000

© Les Éditions Cybérie inc.

14 juin 2000

Salutations à tous les Cybériens et Cybériennes!

Cette Chronique n'est optimisée ni pour Netscape, ni pour Internet Explorer, elle l'est pour ses lecteurs et lectrices.

Cette semaine...

Microsoft : les retombées
Internet continue de saper les auditoires de la télé
Votre enfant, ce prédateur sexuel?
Canada/Québec : faible sécurité des entreprises
Le courant sera-t-il continu?
Le brasse-camarade des journalistes québécois
En bref...
Beau détour

 Microsoft : les retombées
Quelques heures après que le juge Thomas Penfield Jackson ait rendu sa décision impliquant le dessaisissement de Microsoft et son fractionnement en deux entités distinctes, les procureurs du géant du logiciel ont déposé une requête en suspension de procédures.  Alléguant que les mesures de conduite imposées en attente d'un appel pourraient perturber l'entreprise et ses 35 000 salariés, puisqu'il n'y avait aucune urgence à imposer immédiatement la conformité au jugement, Microsoft a donc demandé un sursis pour l'application des mesures de conduite.  Une décision concernant cette requête est attendue sous peu, de même que l'annonce officielle de l'appel de Microsoft du jugement prononcé mercredi dernier.

Lundi, les procureurs du DoJ ont accusé Microsoft de vouloir gagner du temps en allongeant les délais impartis pour signifier un appel.  Ils ont également critiqué la requête en suspension de procédures, estimant que rien ne démontrait que les mesures de conduite provisoires nuiraient au fonctionnement de Microsoft.

Des nombreux commentaires émis de toutes parts sur la décision du juge Jackson, nous retiendrons ceux de l'intéressé formulés au quotidien The Washington Post.  Bien que rien ne l'interdise, il est rare que les juges fédéraux américains commentent leurs décisions, d'où l'intérêt de cet entretien d'une heure que le juge Jackson a accordé au grand quotidien de la capitale américaine.

Selon le juge Jackson, il est toujours temps pour Microsoft et les co-plaignants d'en arriver à un règlement hors cour.  Il incite même les parties à mettre de côté leurs réticences à l'égard d'un compromis et à trouver une solution qui, sans répondre complètement aux attente des uns et des autres, pourrait s'avérer vivable.  Bien qu'il ait accepté la proposition des plaignants impliquant le dessaisissement, le juge Jackson aurait préféré voir l'imposition de mesures de conduite.  «J'ai toujours cru que la meilleure solution est celle que les parties auraient pu négocier entre eux» a-t-il déclaré.

Le juge Jackson a qualifié le procès de «momentanément important», ajoutant que ce ne sera certainement pas l'événement déterminant du vingtième ou du vingt-et-unième siècle.  À savoir s'il serait enclin à approuver une demande du ministère américain de la Justice pour que l'appel soit entendu par la Cour suprême, Jackson s'est dit favorable à une telle procédure, «J'examinerai toute proposition qui me sera formulée.»

Entre temps, Microsoft doit-elle craindre un désaffection massive de la part de son personnel? De toute évidence, la perspective de travailler dans un contexte d'astreintes juridiques ne sourit pas à tous.  Le service Cnet rapporte le départ de Tod Nielsen, un des vice-présidents responsable des rapports entre Microsoft et les développeurs indépendants, alors que le USA Today parle d'une certaine grogne dans l'effectif.  Il ne faudrait cependant pas trop s'alarmer des mouvements de personnel dans une entreprise qui compte 35 000 salariés.

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 Internet continue de saper les auditoires de la télé
Tous les sondages, études et enquêtes menés sur les habitudes de consommation de l'information le confirment depuis longtemps : Internet gruge aux autres médias des parts d'auditoire ou de lectorat.  Normal, car on sait tous que le «budget temps» n'est pas extensible à l'infini, et qu'une activité doit nécessairement se faire aux dépens d'une autre.  Toutefois, la plus récente enquête du Pew Research Center for the People and The Press révèle que la télévision perd de plus en plus de son auditoire pour les bulletins de nouvelles, et ce au profit d'Internet.

Le Pew Research Center (PRC) observe depuis quelques années les habitudes de consommation des médias et est à même de constater l'évolution des tendances.  Ainsi, il y a deux ans, 11 % des consommateurs d'information sur Internet disaient regarder moins la télévision et lire moins les journaux.  Cette catégorie constitue maintenant 18 % de l'échantillon du PRC.  De plus, si 34 % des non utilisateurs d'Internet disent regarder des émissions d'affaires publiques et des reportages, cette consommation d'information n'est déclarée que par 28 % des utilisateurs d'Internet.

Parmi les autres constatations du PRC, soulignons la grande popularité des bulletins météo sur Internet, qui attirent 66 % des répondants utilisateurs du réseau.  Ils sont suivi par l'information sur les sciences et la santé (63 %), l'actualité technologique (59 %), les informations financières (53 %), l'actualité internationale (45 %), les nouvelles sur le monde du divertissement (44 %), les nouvelles sportives (42 %), l'actualité politique (39 %) et les nouvelles locales (37 %).

Le PRC s'est aussi penché sur la crédibilité des médias.  Les trois grandes chaînes américaines (CBS, NBC, ABC) se distinguent peu entre elles, mais sont déclassées par la chaîne CNN (exclusivement sur câble).  On accorde moins de crédibilité aux journaux qu'à la télévision, exception faite du Wall Street Journal qui atteint un indice de confiance de 41 % des répondants. 

Pour ce qui est de l'information en ligne, le PRC arrive à des constatations étonnantes.  Chez les utilisateurs d'Internet, les sites Web des grands médias obtiennent un indice de crédibilité plus élevé que les produits traditionnels de ces entreprises de presse.  Par exemple, si l'indice de crédibilité de la chaîne CNN est de 40 %, celui de son site Web atteint 54 %.  Des écarts comparables sont rapportés pour la chaîne CBS et son pendant Web CBSNews.Com, NBC et MSNBC.Com, et le quotidien USA Today et son site Web.  Pour les médias pur Web, les services CNET.com et ZDNet.com obtiennent des indices de crédibilité d'environ 25 %, le netmag Salon de 12 %, et Slate, propriété de Microsoft, de 4 %.

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 Votre enfant, ce prédateur sexuel?
On les savait mouchards, mais prédateurs sexuels? Précisons ici que si le titre de cette rubrique peut faire sourire, il n'en cache pas moins une réalité inquiétante dévoilée la semaine dernière par le National Center for Missing and Exploited Children (NCMEC - Centre national pour enfants disparus ou exploités) dans son rapport «Online victimization: A Report on the Nation's Youth» (62 pages, disponible en format PDF).

Le NCMEC a mené une enquête auprès de 1 501 jeunes entre 10 et 17 ans qui utilisent régulièrement Internet.  L'enquête avait pour but de déterminer l'étendue des risques que courent les enfants dans les échanges qu'ils initient en ligne.  Portrait préoccupant.  Un répondant sur cinq a dit avoir fait l'objet de sollicitations de nature sexuelle au cours de l'année écoulée; un sur trente-trois a qualifié cette sollicitation d'agressive (appels téléphoniques à la maison, courriers électroniques, envoi d'argent, de cadeaux).  Un répondant sur quatre a été exposé à des images de personnes nues ou participant à des ébats sexuels; un sur dix-sept a été harcelé ou menacé. 

Dans deux tiers des cas, la cible de la sollicitation sexuelle est une fille.  Dans trois quarts des cas, la victime est âgée de 14 ans ou plus.  Cependant, les chercheurs établissent que plus la victime est jeune (moins de 14 ans), plus les effets de l'incident sont perturbateurs (37 % par rapport à 25 % pour l'ensemble de l'échantillon).

Un des problèmes que soulève cette enquête est le mutisme des jeunes concernant ces «incidents».  Ainsi, moins de 10 % des cas de sollicitation de nature sexuelle, et 3 % des cas d'exposition à des images pornographiques, ont été rapportés aux autorités (services de police, fournisseur d'accès, service d'aide).  Les jeunes se confient peu aux parents, 25 % dans le cas de sollicitation, 40 % dans le cas d'exposition à la pornographie.  De plus, seulement 17 % des jeunes et 10 % des parents pouvaient nommer une personne ou un organisme à qui s'adresser dans de tels cas, mais une plus grande proportion d'entre eux avaient déjà vaguement entendu parler de recours possibles.

L'élément de surprise dans les résultats de l'enquête du NCMEC porte sur le profil des personnes qui initient la sollicitation sexuelle.  Là où il a été possible aux enquêteurs de déterminer l'origine de la sollicitation, dans 48 % des cas, il s'agissait de jeunes de moins de 18 ans, et dans 19 % de personnes de sexe féminin. 

Les auteurs du rapport commentent : «Même dans les cas les plus agressifs de sollicitation, on est étonné par le nombre de jeunes personnes de sexe féminin [Ndlr.  qui initient la sollicitation].  Une caractérisation trop étroite de la menace a nui aux efforts pour contrer le harcèlement des jeunes depuis une génération, et ceux et celles dont la tâche consiste à prévenir les risques de l'utilisation d'Internet devraient se garder de commettre la même erreur.  Tous les cas d'agression sexuelle sur Internet ne correspondent pas à l'image typique que l'on se fait du prédateur sexuel ou de l'agresseur roublard.  Dans bien des cas, on se croirait davantage dans un corridor d'école secondaire.»

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 Canada/Québec : faible sécurité des entreprises
Deux enquêtes viennent jeter un éclairage inquiétant sur les pratiques des entreprises canadiennes en matière de sécurité informatique et de transactions électroniques.

D'abord, une enquête du bureau de services conseils KPMG Canada visant à déterminer le degré de pénétration du commerce électronique dans les grandes sociétés canadiennes, mais aussi l'ampleur des fraudes électroniques et des problèmes de sécurité, de même que les mesures de prévention adoptées.  Les résultats révèlent que 89 % des répondants croient que leur système de commerce électronique est moins propice aux fraudes que les autres systèmes, ce que les auteurs du rapport d'enquête qualifient de «faux sentiment de sécurité de la part de ces entreprises.»

Les auteurs signalent que la sécurité du commerce électronique laisse donc à désirer : 75 % des répondants ont déclaré que l'adoption du commerce électronique n'avait été accompagnée d'aucune amélioration de la sécurité physique de leur système; seulement 40 % ont fait effectuer un examen de la sécurité informatique de leur système de commerce électronique par une entreprise de l'extérieur; moins de la moitié disposent d'un plan pour colmater d'éventuelles brèches de sécurité, et ce même si la majorité des répondants disent se préoccuper de l'accès non autorisé aux renseignements confidentiels des clients.

Par ailleurs, le CEFRIO et l'Institut de la statistique du Québec (ISQ), en collaboration avec Samson Bélair Deloitte & Touche et le secrétariat du Conseil du trésor, ont dévoilé les résultats d'une enquête menée l'automne dernier et visant à mieux connaître les attitudes et comportements des grandes sociétés québécoises en matière de sécurité informatique et de protection des renseignements.

Parmi les constatations, ont apprend que moins du quart des 500 grandes entreprises québécoises (classement établi selon le nombre d'employés) utilise des signatures ou des certificats électroniques pour sécuriser les transactions commerciales sur leurs sites Web, extranet ou intranet, et que 72 % des entreprises québécoises ne connaissent pas les services offerts en matière de certification de sites Web.  Autre fait qui n'est pas de nature à inspirer confiance, l'enquête révèle que près des deux tiers (63 %) des entreprises n'ont toujours pas identifié les renseignements qui appartiennent à un tiers et qui, par conséquent, ne peuvent être modifiés ou partagés. 

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 Le courant sera-t-il continu?
La semaine dernière se tenait en Californie une importante conférence réunissant des représentants des plus importantes sociétés du secteur technologique.  À l'ordre du jour? Les répercussions de la décision du juge Jackson contre Microsoft? Les nouvelles technologies en large bande? La réglementation sur l'utilisation des données personnelles? Pas du tout.  Ce sommet des chefs d'entreprises de la Silicon Valley était consacré aux questions énergétiques et à l'alimentation en électricité.  C'est le Silicon Valley Manufacturing Group (SVMG), organisme qui regroupe 125 sociétés du secteur technologique (effectif combiné de 250 000 salariés) qui était l'hôte de la conférence «Where the Digital Economy Meets the Grid». 

La situation énergétique dans bon nombre d'États américains, dont la Californie, est complexe.  D'une part, le réseau de production fonctionne déjà à pleine capacité et a peine à suffire à la demande.  Par exemple, les besoins énergétiques de l'État en période de pointe sont de 46 250 mégawatts, et la capacité d'alimentation (production et importation d'États voisins) est de 46 400 mégawatts, ce qui laisse une marge de manoeuvre de seulement 150 mégawatts.  En cas de canicule prolongée, climatisation oblige, on estime que l'État serait en déficit de 400 mégawatts.

On s'inquiète de la production de gaz à effet de serre, le charbon étant utilisé pour produire plus de la moitié de l'énergie électrique aux États-Unis.  De plus, selon les experts, il ne s'agit pas de produire une «quantité» d'énergie électrique, mais bien de produire une alimentation de «qualité», sans interruption.

Si les pannes de courant ou baisses de tension sont ennuyeuses pour les utilisateurs particuliers, elles peuvent s'avérer catastrophiques pour les manufacturiers de matériel technologique qui ont besoin d'une alimentation électrique continue.  La fiabilité des sociétés productrices d'électricité est en cause, ce qui force certaines sociétés à prendre les grands moyens.  Par exemple, la société Oracle (fabricant de logiciels, gestionnaire de données) a investi 6,5 millions de dollars dans un groupe électrogène d'appoint autonome pour se mettre à l'abri des pannes de courant. 

En outre, l'utilisation d'Internet en 1993 était négligeable sur le plan de la consommation énergétique, mais elle représentait en 1999 plus de 8 % de la consommation d'électricité (13 % pour l'ensemble des micro ordinateurs et des périphériques).  On prévoit que globalement, la demande connaîtra une hausse de 17 % d'ici 2007, alors que la capacité de production n'augmentera que de 4 %.

Le secrétaire d'État à l'Énergie, Bill Richardson, a annoncé un train de mesures visant, à court terme, à optimiser la gestion de la ressource électrique, et à sensibiliser les utilisateurs aux principes de conservation. 

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 Le brasse-camarade des journalistes québécois
Dure semaine dans le milieu journalistique québécois.  On dévoile l'existence d'un fichier sur les journalistes, un interviewer «renonce» au journalisme, et les pigistes d'un hebdo «culture et société» se font proposer des contrats prévoyant des cessions de droits.

C'est le Bloc québécois (parti fédéral d'opposition) qui a dévoilé en Chambre l'existence d'un fichier, tenu par le Bureau d'information du Canada (BIC), sur les tendances éditoriales de certains journaux québécois et canadiens de même que le portrait de plusieurs journalistes.  Une des fonctions du BIC est d'appuyer et conseiller les communicateurs du gouvernement, d'où l'idée du fichier. 

On y lit que l'animateur radio Paul Arcand «interrompt M. Dion [Ndlr.  ministre fédéral des Affaires intergouvernementales] à maintes reprises durant l'entrevue, et semble prendre volontiers un ton quelque peu narquois.» Au sujet de Guy Gendron, de Radio-Canada, on apprend qu'il a souvent «fait état des différences apparentes d'opinion entre le Premier ministre Chrétien et le ministre Dion quant à l'opportunité d'entamer une réforme constitutionnelle.» Les entrevues de Pierre Maisonneuve (Réseau de l'information) ont «tendance à être relativement neutres».  Mais attention : «Il faut s'attendre à ce que M.  Maisonneuve soit très au courant du passé professionnel et personnel, de même que des déclarations controversées, de son invité.» Vincent Marissal du quotidien Le Soleil est bien sage : il «pose rarement des jugements éditoriaux dans ses reportages, se limitant presque strictement à rapporter les faits.»

Pourquoi un tel fichier? D'après Radio-Canada, «Le ministre responsable du BIC, Alfonso Gagliano, a déclaré que le Bureau d'information fait une revue de presse et la met à la disposition des ministres et des ministères.  Il a ajouté qu'il n'entendait pas mettre fin à cette pratique : “Je pense qu'on va continuer à recevoir ce genre d'analyse médiatique qui va permettre à tous les parlementaires de faire leur travail”.» Bon, maintenant qu'on le sait...

Acte I.  C'est le quotidien Le Devoir qui avait révélé que la série télévisée «Le Canada du millénaire», présentée dans le cadre de l'émission de Robert-Guy Scully «Scully RDI», avait bénéficié d'une subvention secrète de 1,2 million de dollars du Bureau d'information du Canada (tiens, encore le BIC...).  La subvention non identifiée au générique de l'émission avait transité par BCE Média, filiale de la téléphonique Bell.

Acte II, le journaliste Normand Lester (Radio-Canada) révélait que les capsules télévisées «Les Minutes du patrimoine», dont Robert-Guy Scully est conseiller artistique et producteur, avaient reçu une subvention de sept millions de dollars du gouvernement fédéral, dont six millions du ministère du Patrimoine canadien, sans que cette contribution ne soit indiquée.  Dans ce cas, la subvention avait transité par la Fondation CRB de Charles Bronfman. 

Acte III.  Jeudi dernier, Robert-Guy Scully annonçait sa retraite du journalisme.  «Je ferai des entrevues, des téléséries, des Minutes historiques, mais je ne suis plus journaliste [...] Je remets le titre à ceux qui veulent me l'enlever.» De commenter Paul Cauchon, dans Le Devoir, «Autrement dit, Robert Guy Scully demande maintenant que ses productions futures ne soient plus jugées selon les critères journalistiques.» Pendant ce temps, en coulisses, le journaliste Normand Lester révélait que la direction de l'information de Radio-Canada lui avait demandé de cesser son enquête sur les subventions fédérales accordées aux Minutes du patrimoine, et l'avait muté à des fonctions subalternes.

Mais la pièce est loin d'être terminée pour le Syndicat des Communications de Radio-Canada (SCRC) qui demande une enquête publique sur l'affaire des «subventions discrètes», car «Reste à expliquer comment la Société Radio-Canada a pu permettre une telle confusion des genres entre information et publicité, et comment un commanditaire clandestin, le gouvernement fédéral, a pu s'insinuer dans les émissions de RDI.» Et d'ajouter le SCRC, «Monsieur Scully, dans son allocution télévisée, a voulu faire de la controverse une question de conflit entre lui-même et les membres de la profession journalistique.  Ce n'est absolument pas notre point de vue.  La vraie question, qui demeure entière, est de savoir comment la haute direction de Radio-Canada a permis de telles violations de ses propres politiques.»

Puis, le ton a monté dans le conflit qui oppose l'hebdomadaire VOIR à l'Association des journalistes indépendants du Québec (AJIQ).  L'affaire remonte au printemps 1995 et concerne la cession des droits des journalistes sur leurs articles, des contenus qui sont revendus sous forme électronique ou encore alimentent les sites Web de certains éditeurs.  Voir exigerait la signature d'un contrat individuel de cession de droits, à défaut de quoi il ne ferait plus appel aux services de ces pigistes.

Les échanges sont vifs sur les listes de discussion par courrier électronique consacrées à la presse et aux médias, un rapport signal/bruit qui n'avantage pas toujours la cause.  Certains journalistes ont exposé des cas, nommé des noms, raconté leurs déboires face à des éditeurs. 

C'était trop pour Richard Martineau, rédacteur-en-chef de Voir.  Dans un billet amer, Martineau écrit «Depuis la première fois où j'ai découvert le Web, j'ai toujours été un fan d'Internet.  Jusqu'à ce que la bête se retourne contre moi et se mette à attaquer le journal que je dirige [...] Si vous possédez une adresse électronique, fortes sont les chances que vous ayez reçu, au cours des derniers jours, des missives concernant le journal que vous êtes en train de lire.  Des missives nous accusant de tous les maux.  Des missives affirmant que nous “exploitons indûment les pigistes”, que nous “les traitons comme du bétail”, et que nous “utilisons des méthodes dignes des pires dictateurs”.  Prenez ces messages, et classez-les sous la rubrique LÉGENDES URBAINES.  Ce sont des tissus de mensonges.»

Martineau termine son billet, persiste et signe.  «Ça fait treize ans que Voir existe.  Treize années à défendre des oeuvres qui nous paraissent essentielles.  Treize années à défendre une idée qui nous semble nécessaire : l'indépendance d'esprit.  Le sens critique.  Ne donner le bon Dieu sans confession à personne.  Ni aux fédéralistes ni aux souverainistes.  Ni à la droite ni à la gauche.  Ni au Conseil du patronat ni à la CSN.  Devinez quoi? Nous allons continuer...»

Les lecteurs ne se privent pas pour commenter les propos de Richard Martineau sur le site même de Voir.  Mais dans ce débat sur les droits d'auteurs et de reproduction des oeuvres, le journaliste Jean-Hugues Roy y va de son analyse dans un texte intitulé «Zoom out sur le dossier Voir/AJIQ : survol en 10 mythes et réalités». 

Selon Roy, «Une poignée de pigistes s'opposent à Communications Voir, la plus petite des entreprises de presse en cause dans une poursuite menée par l'AJIQ et plusieurs journalistes pigistes contre certaines entreprises de presse et la compagnie Cedrom-SNI.  Une bataille mineure? Loin de là [...] Voir n'est pas tout seul là-dedans, et le portrait d'ensemble va émerger petit à petit.»

Après avoir exposé les mythes sur la taille modeste de Voir Communications et sur les contrats de cession de droits, Roy s'attaque au mythe #9 : Il n'y a pas d'argent à faire avec Internet.  «La bataille que mènent actuellement les pigistes de la presse écrite et l'AJIQ en est une pour les contenus dans le cyberespace.  Ces contenus ont de la valeur et ceux qui fournissent ces contenus, cette matière première, veulent seulement leur juste part.  Les contenus ont beaucoup de valeur sur Internet.  Pourquoi AOL a-t-elle acheté Time Warner, croyez-vous? [...] Vos contenus ont une valeur, ne serait-ce qu'une valeur sur papier (en bourse).  Qu'une partie de cette valeur percole jusqu'à vous, ne serait-ce que sur papier (en bourse), n'est que normal.»

Les positions sont très campées, et le climat n'est pas propice aux compromis.  La Fédération nationale des communications (FNC) presse la ministre du travail du Québec à intervenir pour permettre aux travailleurs autonomes de se regrouper et de négocier.  Ceux et celles qui se souviennent de conflits professionnels mémorables (je pense à la grève des réalisateurs de Radio-Canada en 1959) savent qu'ils laissent des séquelles très longues à guérir, alors qu'il faut quand même, éventuellement, recommencer à travailler ensemble.

D'écrire une correspondante sur un des forums d'échange, «Dans cinq ans, dans dix ans, je veux personnellement espérer que la question aura été réglée de façon équitable, comme les associations de pigistes, journalistes et auteurs essaient plutôt en vain pour le moment de le faire accepter aux médias partout dans le monde; ou même que ces pigistes et autres se seront radicalisés et auront entrepris de gérer eux-mêmes leurs droits électroniques, rassemblés en coopératives ou autres organisations du même genre.  On en parle, ici et là.»

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 En bref...
France : Une loi sur la liberté de communication qui exige l'identification préalable? Non, disent entre autres la Coordination permanente des médias libres (CPML) et Le Réseau Voltaire.  En vertu de l'amendement 43-6-4 de cette loi qui doit être votée ce jeudi, 15 juin, à l'Assemblée nationale, toute personne désireuse de publier sur le Web, ou de participer à une liste d'échange, un forum de discussion ou un newsgroup, sera tenue de donner ses noms, prénoms et adresses directement sur sa page, ou à son fournisseur d'hébergement.  On appelle donc à demander le retrait de cet amendement, car «Toute loi réglementant l'expression publique doit faire l'objet d'un large débat public, surtout si, comme c'est le cas, elle remet en cause les acquis et les usages en matière de respect de la vie privée des individus.» Chez IRIS (Imaginons un réseau Internet solidaire), on estime que si cette position est avancée de bonne foi, elle procède d'une fâcheuse erreur d'analyse car «se préoccuper uniquement de l'article 43-6-4 signifie entériner tacitement toutes les autres dispositions de la loi, notamment celles qui concernent la responsabilité des fournisseurs.» IRIS y va donc d'une proposition d'amendement qui est «conforme à l'esprit du texte adopté par l'Assemblée nationale en première lecture, et garantit l'équilibre entre la nécessaire liberté d'expression et la tout aussi nécessaire sanction des abus de cette liberté, dans le respect des droits fondamentaux.»

Un quatorzième site pour le réseau Branchez-Vous! d'InventionMedia.  Cette fois, c'est un portail destiné à la clientèle féminine du réseau, FemmeWeb.Com.  Qualifié de «portail horizontal» par Patrick Pierra, grand timonier d'InventionMedia, FemmeWeb.Com propose quatorze chaînes thématiques et sera alimenté de chroniques ponctuelles.  La direction en a été confiée à Josée Leclerc qui bénéficie de l'appui des autres personnes ressources d'InventionMedia.  Rencontrée au lancement de FemmeWeb.Com, Martine Gingras qui travaille dans la plus grande discrétion à des projets dont nous verrons la couleur cet automne, quelque part dans les sites du réseau Branchez-Vous.  Quant à l'entrée en bourse d'InventionMedia, Patrick Pierra nous dit que le dossier progresse rondement et que seuls quelques exigences administratives ont retardé la démarche.

Dans InternetActu, une nouvelle rubrique pour les professionnels de la documentation et de l'information (auteurs, libraires, éditeurs, bibliothécaires, documentalistes, etc.), c'est e-Doc, qui a été confiée à Marie Lebert.  Déjà deux textes en ligne, un premier sur certains inconvénients du courrier électronique, un second sur le besoin (ou non) d'imprimer tous nos documents.

«Si vous avez envie de “virer au numérique”, c'est, de toute évidence, le moment!».  On parle photo, évidemment.  C'est Pierre-Alain Buino qui signe un article intitulé, «Le numérique en dix questions», dans PixelActu, le netmag de l'image numérique.  À l'approche des vacances, l'article pourrait s'avérer utile à ceux et celles qui songent à faire le pas de l'argentique au numérique.  Choix de l'appareil, accessoires, transfert des images sur l'ordinateur, traitement, archivage, bref, une excellente introduction.

Frédéric Dard (San-Antonio) n'est plus.  Celui qui écrivait «Les hommes ne savent pas vivre! Heureusement qu'ils meurent!» et «La seule chose qui m'ennuie dans la mort, c'est d'être absent...» a pris son congé.  Pour les amateurs, dans la collection «Un siècle d'écrivains», la chaîne FR3 nous propose un dossier fort complet, un portrait en double, celui de Dard et de San-Antonio.  Puis, chez l'infatigable lecteur Gilles Jobin, et son site «Au fil de mes lectures», une trentaine de citations tirées des «Pensées de San-Antonio».  Enfin, dans l'espace bibliothèque du ministère français des Affaires étrangères, histoire et situation actuelle du «polar» français par Robert Deleuse.

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 Beau détour
Si vous êtes à Montréal, ou si vous «passez dans le coin» d'ici le 10 septembre prochain, il vous faut voir à la Cinémathèque de Montréal l'exposition de photographies «Sam Lévin, photographe des stars».  Sinon, faites une recherche sur le site Patrimoine photo où figurent 26 photographies de Lévin, de Gabin à Birkin en passant par Schneider et Piccoli.

Et sur ce, nous vous souhaitons à tous et toutes une excellente semaine.

Écrire à Jean-Pierre Cloutier


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