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Page daccueil Les Chroniques de Cybérie
Le mardi 10 avril 2001

Salutations à tous les Cybériens et Cybériennes!

Cette Chronique n'est optimisée ni pour Netscape, ni pour Internet Explorer, elle l'est pour ses lecteurs et lectrices.

Cette semaine...

  Fichiers témoins : feu vert d'un tribunal américain
La juge de district de Manhattan Naomi Reice Buchwald a rejeté la semaine dernière un recours collectif intenté contre la société de placement publicitaire DoubleClick pour son utilisation estimée abusive de fichiers témoins (cookies) et autres méthodes d'établissement de profils des personnes qui consultent des sites Web commerciaux.  DoubleClick est responsable du placement publicitaire sur 11 000 sites Web à travers le monde.

Les techniques de DoubleClick sont sophistiquées.  D'abord, DoubleClick recueille un ensemble de données «GET» qui révèle, par exemple, qu'un utilisateur a visité un site donné.  Un second ensemble de données, «POST», recueille les données qu'un utilisateur doit fournir à l'achat d'un bien, d'un service, ou lors de son inscription à un service donné.  Enfin, DoubleClick utilise des «Web bugs» GIF, petit code sur une page qui permet de suivre le parcours des utilisateurs sur un site et de connaître les renseignements recherchés et les informations présentées.

Selon les documents présentés devant le tribunal, ces renseignements sont compilés et appariés de manière à tracer des profils démographiques des utilisateurs.  Avec l'installation d'un fichier témoin, DoubleClick est alors en mesure d'identifier l'ordinateur de l'utilisateur et de lui servir des bandeaux publicitaires qui correspondent à son profil d'utilisation et à ses intérêts.

Les poursuites en recours collectifs reposaient principalement sur la collecte de données GET, POST et GIF et l'installation de fichiers témoins qui iraient à l'encontre de la Loi sur la protection de la confidentialité des communications électroniques (Electronic Communications Privacy Act - ECPA).  En vertu de cette loi, l'accès à un ordinateur et aux données qu'il contient doit être autorisé par l'utilisateur.

Les plaignants ont donc allégué qu'en ce cas, l'utilisateur était le consommateur qui pouvait ne pas avoir consenti à cette intrusion que constitue l'enregistrement d'un fichier témoin sur son disque dur.  La juge Buchwald, dans son jugement de 71 pages (format PDF), s'en est tenue à une interprétation étroite de la loi et a déterminé que l'utilisateur pouvait aussi être l'auteur du fichier témoin, ou l'entreprise qui crée et compile les données, ou encore le site Web affilié à DoubleClick.  Ce dernier étant consentant à l'accès des données par DoubleClick, la juge a estimé les recours collectifs irrecevables.

Selon certains observateurs, l'interprétation donnée par la juge Buchwald à la notion d'utilisateur ouvre la voie à un appel de cette décision.

Toute aussi intrusive que puisse être la technique des fichiers témoins, et même s'il est simple d'y échapper, les utilisateurs semblent nager en pleine insouciance.  La société WebSideStory (information marketing Web) publiait en début de mois une étude selon laquelle seulement 0,68 % des utilisateurs rejetaient les fichiers témoins en réglant les paramètres de leurs fureteurs qui permettent de le faire.  L'étude, menée en février, portait sur environ un milliard de page consultées par des fureteurs disposant de la fonction javascript.

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  AltaVista à vendre?
Fin juin/début juillet 1999, la nouvelle avait défrayé les manchettes technologiques.  AltaVista, moteur de recherche alors dominant sur le marché et jouissant d'un succès d'estime enviable auprès des utilisateurs était vendu par la société Compaq (propriétaire depuis l'acquisition de Digital) au holding CMGI.  Vendredi dernier, le Industry Standard rapportait qu'aux prises avec des difficultés financières énormes, CMGI songeait à se départir d'AltaVista, bien que la société ait qualifié la nouvelle de rumeur.

Depuis le début de 2000, la valeur boursière de CMGI, entièrement en prise de participation dans des sociétés technologiques, a fondu de 98 %.  De 165 $ en janvier 2000, l'action se transige maintenant autour de 3 $.  En octobre dernier, la société a dû licencier 25 % de son effectif et annonçait en janvier 2001 une nouvelle ronde de mises à pied.  CMGI songerait maintenant à se débarrasser de la moitié de son portefeuille en participation, ce qui soutient la théorie de la vente d'AltaVista.

Si la nouvelle se confirmait, et selon l'identité de l'acquéreur, la vente d'AltaVista pourrait bien relancer la guerre des portails et des moteurs de recherche.  À l'échelle MediaMetrix (chiffres d'octobre 2000), l'ensemble des sites AltaVista se classait au dixième rang en nombre de visiteurs, loin derrière Yahoo! (2e), Lycos (4e) et Excite (5e), mais devant Ask Jeeves (16e), Looksmart (18e) et Google (30e).

Mais la situation est bien différente de celle qui régnait lors des précédents affrontements entre moteurs de recherche, répertoires et portails.  Le marché de la publicité en ligne est en forte baisse, ce qui contribue aux difficultés de sociétés comme Yahoo! et force cette dernière à réviser ses politiques de services gratuits.  Les besoins de la clientèle évoluent au fur et à mesure que se crée un bassin d'utilisateurs plus expérimentés.  Enfin, l'apparition de nouveaux joueurs vient brouiller les cartes.

Le dossier est à suivre.

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  Mesures antivirales pour Microsoft
La société Microsoft semble avoir compris une partie du message : la plupart des virus/vers qui cheminent par voie de pièces jointes de courrier électronique s'attaquent au logiciel de messagerie Outlook.  Solution à la Redmond : interdire l'ouverture directe des pièces jointes.

Cette fonction sera intégrée à la version Outlook 2002 livrée avec la nouvelle suite Office XP à la fin mai.  Le service News.Com a eu droit à une démonstration du nouveau logiciel et rapporte qu'il sera désormais impossible d'ouvrir directement, depuis le logiciel Outlook, une trentaine de formats de fichiers (fichiers exécutables .exe, Virtual Basic, Java, photos en format CD, sauvegardes d'écrans, applications HTML, etc.). 

Jusqu'à présent, Microsoft avait livré des rustines de sécurité pour Outlook qui pouvaient bloquer l'ouverture de fichiers joints, mais les utilisateurs avaient le choix d'activer ou non cette protection.  Si on en juge par les ravages provoqués par «Melissa» et «I Love You», peu d'utilisateurs se souciaient de protéger leurs systèmes, voire de télécharger les rustines.  La réaction de Microsoft est simple : il sera très difficile, selon les bancs d'essai de News.Com, de désactiver le dispositif de sécurité de Outlook 2002.

Cette décision soulève de nombreuses critiques de la part d'utilisateurs consciencieux pour qui l'échange de fichiers est essentiel à leur travail et qui appliquaient les règles essentielles de sécurité : bon logiciel de protection antivirus mis à jour périodiquement, refus d'ouvrir les fichiers de provenance inconnue.  Ces utilisateurs reprochent à Microsoft d'appliquer une solution qui ne distingue pas entre les usagers professionnels et grand public, et de ne pas s'attaquer à la cause du problème, soit la vulnérabilité de Outlook et du système d'exploitation Windows.

Le spécialiste des questions de sécurité Richard Smith, bien connu pour avoir contribué à remonter la filière Melissa, se dit favorable à la mesure annoncée par Microsoft et estime qu'elle a été rendue nécessaire par l'insouciance des utilisateurs.  Il réplique aux détracteurs qui estiment nécessaire l'envoi de fichiers joints qu'ils n'auront qu'à les comprimer en format .ZIP.

Vague impression : ce débat est loin d'être clos, surtout qu'il existe des logiciels de messagerie plus performants qu'Outlook, moins vulnérables, et qu'on trouve également de très bons détecteurs de virus.

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  Courriel et hiérarchie organisationnelle
Selon le bulletin de cybermétrie Cyberatlas, il y a près d'un milliard de boîtes aux lettres électroniques sur la planète cyber, et pour la première fois depuis la courte histoire d'Internet, 51 % des détenteurs habitent ailleurs qu'aux États-Unis.  Mais pour ce qui est de l'utilisation du courriel en milieu de travail, les Américains remportent la palme.  La société United Messaging (services de messageries aux entreprises) estime que 75 % des salariés américains utilisent le courriel au travail, bien que la proportion de la main-d'oeuvre étatsunienne ne représente que 5 % des salariés de la planète.  La simple gestion du courriel (rédaction, lecture, réponse, réacheminement, classement, etc.) prendrait en moyenne quatre heures par jour et représenterait 75 % du flot de communication des entreprises.

David Owens, professeur adjoint en gestion organisationnelle à l'Université Vanderbilt (Nashville, Tennessee), s'est penché sur l'utilisation du courriel dans une société californienne de la nouvelle économie reconnue pour son concept de gestion horizontale, égalitaire.  Son intérêt premier était de déterminer de quelle manière, dans une structure horizontale, les individus cherchaient à se distinguer par des stratégies de comportement, ce que les psychologues industriels appellent des signifiants de rang ou d'importance.  Par exemple, à l'occasion d'une réunion, les personnes d'un rang supérieur s'installent au bout de la table; celles d'un rang intermédiaire sont celles qui parlent le plus; celles d'un rang subalterne blaguent et apportent le café.

Owen s'est ensuite intéressé à la manière dont les signifiants de rang pouvaient influer sur la communication par courriel.  Il a donc examiné près de 30 000 courriels échangés à l'intérieur de l'entreprise au cours d'une période de quatre ans, et a constaté que les mêmes signifiants étaient identifiables.

Les personnes appartenant au créneau hiérarchique supérieur envoient des courriels courts, directs.  Elles seront les plus lentes à répondre à un message, et les moins susceptibles d'utiliser la fonction de copie conforme (CC) parce qu'elles tiendraient à souligner qu'elles pratiquent une gestion individuelle de leur personnel.  Elles posséderaient la grammaire et l'orthographe les plus boiteux, communiquant ainsi l'impression qu'elles ont autre chose à faire que de peaufiner leur écriture.  Ces caractéristiques ne sont pas sans rappeler le style épistolaire de George Dubya Bush dont nous vous parlions dans une chronique précédente, soit des messages de deux ou trois phrases, très directes, en minuscules avec peu de ponctuation et simplement signées «gwb».

Owens a constaté que les personnes occupant un rang intermédiaire écrivaient de longues réponses, d'un style parfois alambiqué, au vocabulaire controuvé, et s'acharnaient à faire compliqué lorsqu'ils auraient pu faire simple.

Pour ce qui est des blagues par courriel, de l'utilisation des binettes (caractères ASCII qui, vus de côté, suggèrent la forme d'un visage dont l'expression est sensée traduire l'état d'esprit de l'expéditeur), de l'envoi de cartes de souhaits électroniques, Owens estime que c'est l'apanage douteux des salariés subalternes en quête d'importance.

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  Les «optionnaires» en difficulté
Dans la phase euphorique de l'économie pointcom, les options d'achat d'actions constituaient un moyen efficace pour les entreprises d'attirer un personnel qualifié et, surtout, de maintenir un effectif stable à l'abri des concurrents.  Par exemple, on offrait à un employé des options d'achat d'actions à 10 $ alors qu'on savait qu'elles allaient dépasser les 100 $.  Au terme convenu, l'employé déboursait donc 10 $ pour une action qui en valait 100 $.

Dans un marché haussier, le système favorisait ces «optionnaires» tout autant que les actionnaires de l'entreprise.  Mais dans un marché baissier, en vertu des règles du fisc américain, ceux et celles qui se sont prévalu des options risquent de payer très cher leur incursion dans le monde de la finance.  À ce point qu'à l'approche de la date limite pour le présentation des déclarations de revenus (16 avril), des législateurs démocrates de la Silicon Valley, qui ont obtenu de nombreux appuis d'autres régions, tentent de faire adopter de toute urgence un projet de loi visant à protéger les optionnaires.

Le Mercury News décrit le principe en jeu, soit celui du «Alternative Minimum Tax» (AMT), un taux d'imposition minimum.  Ce taux d'imposition s'applique le jour où un optionnaire se prévaut de ses options d'achat et vise le profit sur papier qui est réalisé à ce moment si l'action est conservée l'année suivante.  Dans notre exemple d'une option à 10 $ pour une action qui vaut 100 $, le montant imposable est de 90 $. 

Or, avec la chute vertigineuse de certains titres, et à moins que le fisc ne modifie ses règles, bon nombre d'optionnaires se verront acculés à la faillite.  D'une part, ces soi-disant profits étaient uniquement sur papier et ils n'ont jamais encaissé les actions.  D'autre part, que faire quand l'action qu'ils ont payé 10 $, qui valait 100 $, et sur laquelle ils doivent acquitter une imposition sur 90 $, ne vaut plus que 5 $? Même en liquidant tout leur portefeuille à perte, ces optionnaires ne réussiront pas à rembourser le fisc.

Le projet de loi proposé aurait une portée rétroactive, mais certains critiques font valoir que cette mesure serait injuste pour les optionnaires qui se sont déjà départi de leurs actions pour acquitter la note du fisc.

Décidément, chaque semaine nous apporte un nouvel éclairage sur la première récession de l'ère techno.

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  En bref : Shawinigate.ca et Shawinigate.com, un courriel rebondit, l'Allemagne prête à l'infoguerre
Trois partis d'opposition au parlement canadien investissent le Web pour demander une enquête judiciaire indépendante et publique sur ce qu'il est maintenant convenu d'appeler le «Shawinigate».  Le site, Shawinigate.ca, invite la population à signer une pétition en ligne, adressée aux parlementaires libéraux, pour la tenue d'une enquête visant à déterminer si «le Premier ministre a enfreint les règles relatives aux conflits d'intérêts concernant sa participation dans le Club de golf Grand-Mère et l'Auberge Grand-Mère et que les enquêteurs aient de larges pouvoirs dont celui d'exiger la production de tous les documents et témoignages pertinents.» Le site porte la signature du Bloc québécois, du Parti progressiste conservateur et de l'Alliance canadienne.  La réservation du nom de domaine a été effectuée par l'entremise d'un régistraire américain, Register.Com de New York.  Elle a été faite au nom de Brian Mulawka, président d'un cabinet de communication stratégique d'Edmonton (Alberta), First past the post, et le site est hébergé par une société d'Ottawa, Webminders, sur un serveur américain de NJ Tech Solutions (New Jersey).  Quant à Shawinigate.com, enregistré par un résident de Cobble Hill (C.-B) chez le régistraire Tucows, il est toujours en construction chez le service d'hébergement Look.

Neal Patterson, fondateur et premier dirigeant de la société Cerner (Kansas City, services conseils en logiciels de services de santé), a appris à ses dépens l'incroyable fluidité avec laquelle un courriel peut circuler et, comme un missile furtif, causer d'énormes dommages collatéraux.  Patterson a envoyé à 400 cadres de l'entreprise, le 13 mars, une note de service par courriel les accusant de manquer d'ardeur à la tâche.  À preuve, écrivait-il, le stationnement du siège social était encore vide à 8h00 du matin, et désert à 17h00.  Exigeant un redressement de la situation, et voulant voir le stationnement rempli dès 7h30 le matin, Patterson écrivait : «Vous avez deux semaines.  Tic tac...» La BBC reprenait sur son site d'autres extraits pour le moins étonnants de la part d'un dirigeant d'entreprise comme Cerner qui compte plus de 3 000 employés.  Dix jours plus tard, le courriel en version intégrale fait surface sur un des forums de discussion de Yahoo! Cerner Corp.  traverse-t-elle une crise de gestion? Les investisseurs s'inquiètent, le titre chute de 41 $ à 34 $, la valeur aux livres de Cerner perd 270 millions de dollars, le portefeuille d'actions de Patterson se voit amputé de 28 millions de dollars.  Dix jours plus tard, Patterson présente ses excuses à ses cadres...  par courriel.

On ne sait trop que penser de cette dépêche du correspondant Steve Kettmann du service de nouvelles Wired en poste à Berlin.  Le ministre allemand de l'Intérieur, Otto Schily, a déclaré que l'État allemand pourrait avoir recours à des attaques de déni de service contre des sites Web hébergés à l'extérieur de l'Allemagne et qui diffusent de la propagande néo-nazie.  Les attaques de déni de service sont celles dont on a tant parlé dans l'affaire Mafiaboy et qui peuvent temporairement paralyser des serveurs et rendre inaccessibles des pages Web.  L'Allemagne est aux prises avec une recrudescence d'actes de violence de la part de groupes d'extrême droite, et Schily fait porter le blâme sur des groupes qui font héberger leurs sites Web par des sociétés américaines.  Imaginons l'imbroglio politique et juridique : des serveurs d'un État indépendant attaqués par les services gouvernementaux d'un autre État.  Aux abris.

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  Beau détour
Cette semaine, vers le portfolio en ligne du photographe italien Franco Donaggio.

Et sur ce, nous vous souhaitons à tous et toutes une excellente semaine.

Site personnel de Jean-Pierre Cloutier

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