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Page daccueil Les Chroniques de Cybérie
Le mardi 20 février 2001

Salutations à tous les Cybériens et Cybériennes!

Cette Chronique n'est optimisée ni pour Netscape, ni pour Internet Explorer, elle l'est pour ses lecteurs et lectrices.

Cette semaine...

  Enquête sur les logiciels de filtrage de contenus
Le magazine américain Consumer Reports publiait la semaine dernière les résultats d'une enquête sur les logiciels de filtrage de contenus Internet destinés à protéger les personnes d'âge mineur de contenus offensants.

L'étude arrive à point nommé.  Nous vous parlions le mois dernier de l'entrée en vigueur de la Loi américaine sur la protection des enfants sur Internet (Childrens' Internet Protection Act, [CIPA]) qui dispose que toute école ou bibliothèque publique qui veut profiter de l'aide financière fédérale destinée aux équipements informatiques et de télécommunications (programme E-rate), doit installer un dispositif de filtrage sur les postes de travail offrant l'accès à Internet. 

Au banc d'essai de Consumer Reports, six logiciels de filtrage et le service filtre «Young Teen» de AOL.  Les chercheurs ont mis à l'essai ces logiciels avec 86 sites Web sur lesquels on trouve des contenus sexuels explicites, des éléments de violence ou de haine, qui font la promotion de certaines formes de criminalité ou de la consommation de drogues, d'alcool ou de tabac.  Le service AOL arrive en tête de liste pour l'efficacité, ne laissant passer qu'un seul site inconvenant dans son entièreté, et certaines parties de 20 autre sites.  Pour ce qui est des logiciels, ils échouent en ne bloquant nullement l'accès dans 20 % des cas.

En plus de leur inefficacité reconnue à bloquer les contenus offensants, on reproche souvent aux logiciels de filtrage de bloquer l'accès à des contenus légitimes.  Consumer Reports a donc mis à l'essai les logiciels avec 53 sites à contenus sérieux ou portant sur des sujets controversés.  Selon les chercheurs, la plupart des logiciels n'ont pas été trop sévères, mais les logiciels Cybersitter et Internet Guard Dog ont bloqué 20 % des sites de l'échantillon

Entre temps, jeudi dernier, L'American Civil Liberties Union, le Electronic Privacy Information Center et la Electronic Frontier Foundation adressait à la Commission fédérale des communications (FCC) une lettre lui demandant de surseoir à l'application, pour les bibliothèques publiques, de la CIPA.  Les trois organismes annonçaient aussi faire front commun dans une action judiciaire à venir et visant à faire déclarer la CIPA anticonstitutionnelle.

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  Concentration des médias
La première semaine d'audiences de la commission parlementaire québécoise sur la concentration de la presse s'est déroulée (et terminée) sans surprise.  Remarquons que, mardi dernier, M. Michel Roy, président du Conseil de presse a livré le mémoire de l'organisme qu'il préside sans toutefois reprendre verbalement la recommandation à l'effet «Que le gouvernement du Québec commande sans tarder une étude sur le domaine sans foi ni loi du “cyberjournalisme”».  En fin de présentation de mémoire, et ayant présenté aux parlementaires les autres recommandations du Conseil, M. Roy a simplement déclaré : «Alors, je m'arrête là.  Les autres recommandations - il y en a une ou deux encore - se trouvent dans le texte.»

Quelques citations tirées des audiences où on a timidement abordé la question d'Internet :

Madame Line Beauchamp, député libérale de la circonscription de Sauvé, a déclaré qu'il fallait que les membres de la Commission aient «une écoute certaine» de cette nouvelle présence qu'est Internet dans le paysage médiatique, mais qu'il était un joueur mineur en information, «c'est-à-dire que ce n'est pas un outil d'information qu'on utilise, que les citoyens utilisent communément pour aller chercher de l'information.  On sait que c'est toujours la télévision qui est le principal outil d'information suivi des journaux.»

Oui, mais pour combien de temps? Déjà en 1999, 11 % des Américains et Américaines estimaient qu'Internet était devenu une des premières sources d'information.  Chez l'ensemble des «branchés», c'est 25 % qui disaient s'informer chaque jour sur Internet.  Or, deux ans après, ne conviendrait-il pas de revoir de telles affirmations?

Madame Hélène Pichette de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ) a fort bien défendu le mémoire de la Fédération.  Sur l'information en ligne, elle a évoqué «les milliers de sites Internet qui sont censés être l'antidote par excellence à la concentration de la propriété des médias, des quotidiens et des télévisions.  Puisque tout le monde peut produire sa page personnelle, tous les points de vue ne peuvent-ils pas désormais avoir droit de cité dans l'espace public? Pourtant, en dehors des sites liés aux médias, peu de sites Internet disposent, pour le moment, d'une équipe de reporters qui effectuent un travail, une recherche d'information sur le terrain.  Sur bien des sites, on constate plutôt un recyclage et un retraitement d'informations déjà parues ailleurs.  Le Web est certainement une bibliothèque fabuleuse, mais ce n'est pas le lieu de rassemblement où les citoyens vont chercher leurs informations sur ce qui se passe dans leur société au jour le jour.»

Malgré la valeur de l'ensemble du Mémoire de la FPJQ, cette citation résume bien certains des clichés qui collent à la presse en ligne. 

Tout le monde peut avoir sa page personnelle.  C'est vrai, mais d'abord, tout le monde ne tient pas nécessairement à devenir éditeur.  De plus, la verticalisation du médium a fait en sorte que les «petits joueurs» auront fort à faire pour assurer à leur produit une certaine visibilité.  Il s'ensuivra alors une difficulté à rentabiliser les opérations.

Peu de travail de terrain.  C'est vrai, mais c'est aussi une question de ressources qui découle de la rentabilité des publications «pur Web».  Et c'est aussi pourquoi l'idée d'un fonds d'aide aux petites publications indépendantes devrait inclure les médias pur Web.

Recyclage et retraitement d'informations déjà parues ailleurs.  Là, on semble oublier que c'est également le cas de la presse traditionnelle.  Retirez des grands quotidiens les dépêches d'agences de presse et les communiqués officiels réécrits, assemblez tout le «contenu original» dans un seul cahier, et vous verrez que la moisson est mince si on tient compte de l'effectif des salles de rédaction.

On comprendra que ces audiences sur les mouvements de propriété dans les médias n'ont pas pour mandat l'analyse du facteur Internet dans le paysage médiatique.  On comprendra aussi que ce n'est qu'au rebond de la convergence qu'on y traite de l'information réseau.  Mais comme on s'y attendait, les audiences n'auront pas permis de déterminer la place que devrait occuper l'information en ligne si on exclut le phénomène de convergence qui, rappelons-le, est l'apanage des grands groupes de presse.

Et parlant de convergence, Madame Monique Giguère, membre de l'exécutif du Syndicat de la rédaction du quotidien Le Soleil, semble avoir tout compris.  Elle a déclaré devant la Commission : «Nos statisticiens tiennent leurs propres statistiques sur la Ligue nationale [Ndlr.  de hockey] et sont également responsables de l'archivage des photos et de la mise à jour et en ondes du site Internet.» Pardon? La «mise en ondes du site Internet»? On avait toujours cru qu'il s'agissait de mise en ligne, mais bon, ça doit être ça la convergence...

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  Autour de la presse en ligne
Pendant qu'au Québec on «met en ondes» des sites Web d'information, aux États-Unis on semble parler des vraies choses.

La Online News Association (ONA), association de journalistes qui produisent des contenus pour les médias en ligne, a retenu les services de deux consultants pour mener une étude sur la crédibilité et les valeurs des sites Web d'information.  L'étude visera à élaborer et promouvoir des principes et lignes directrices pour le journalisme en ligne et se penchera sur des thèmes comme : les rapports entre le contenu éditorial, la publicité et le commerce électronique; l'élaboration de principes de déontologie et les manières d'éviter les conflits d'intérêt; l'utilisation appropriée des hyperliens dans un contexte journalistique.  Pour mener cette étude, l'ONA recevra une aide financière de 225 000 $ de la Knight Foundation.

Par ailleurs, l'ONA s'oppose à la certification des sites Web d'information telle que proposée par certains groupes américains.  C'est à l'occasion d'un forum organisé par l'ONA de concert avec le First Amendment Center sous le thème «Certification des nouvelles et de l'actualité : devrait-il exister des sites “officiels” de nouvelles?» que Rich Jaroslovsky, président de l'ONA, a rejeté l'idée.  «La crédibilité n'est pas quelque chose qu'on étampe sur un site Web, ni un journal ou un magazine» a-t-il déclaré.

Jaroslovsky, qui est également rédacteur en chef de l'édition en ligne du Wall Street Journal, s'oppose aussi à l'attribution de nom de domaine .NEWS pour désigner des sites d'information «officiels».  Le .NEWS faisait partie des nouveaux noms de domaines de premier niveau proposés à l'ICANN l'automne dernier, mais le .NEWS n'a pas été retenu par l'organisme de gestion des noms de domaines. 

«On pourrait dire que, bon, d'accord, CNN, le New York Times, le Wall Street Journal et MSNBC et tous leurs sites Web sont des entreprises de presse et mériteraient d'être ainsi désignées» a déclaré Jaroslovsky lors des débats du forum.  Cependant, il prévient que ce serait s'aventurer sur une glace assez mince sur le plan du contrôle de l'information.  Selon lui, c'est que quelqu'un, quelque part, doit prendre cette décision d'attribuer ou non le suffixe .NEWS.  «Du moment où vous créez un organisme qui a le pouvoir de dire que le Wall Street Journal a droit de se désigner comme une entité de presse, mais que Matt Drudge n'a pas ce droit, c'est avancer sur un terrain glissant» de dire Jaroslovsky. 

Matt Drudge, dont le site accueille 1,5 million de visiteurs par jour, est le journaliste en ligne américain qui fut le premier à révéler l'affaire Clinton/Lewinsky alors que la grande presse américaine détenait les détails de l'affaire sans toutefois les publier. 

La journaliste et entrepreneure Esther Dyson, qui a dirigé les destinées de l'ICANN durant deux ans, s'est dite en phase avec les propos de Jaroslovsky.  «Je crois qu'il y a un tas de trucs sur Internet qui ne devraient pas y être.  Il y a des mensonges, des libelles, de la désinformation, des recettes pour fabriquer des bombes, des secrets commerciaux.» Que faire? «La solution est souvent de poursuivre si on subit un tort, et c'est ça la liberté de presse, l'absence de contrainte préalable.»

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  Nous sommes au regret de vous annoncer...
Qu'arrive-t-il de vos données en ligne, de votre courrier électronique, de vos pages Web et autres fichiers advenant votre décès? Le médium est jeune, une grande partie de sa clientèle aussi, et il n'y a pas encore eu de cause célèbre où on ait tranché ce problème qui pourrait s'avérer épineux pour vos proches. 

E revanche, avec l'atteinte d'une masse critique d'utilisateurs, leur vieillissement, et tout simplement avec le temps, la question pourrait faire l'objet de débats.  De plus, si certains aspects de la question seront réglés en vertu des différentes compétences nationales, le cadre juridique profiterait d'une réflexion sur le sujet.

La question était soulevée récemment sur la liste de discussion PolitechBot du journaliste Declan McCullagh du service de nouvelles Wired.  À savoir : lorsqu'une personne meurt, existe-t-il des lois ou des pratiques acceptées pour disposer de leur compte de courrier électronique, de leurs données stockées sur des serveurs (situation qui sera plus fréquente avec les applications en ligne), de leurs pages Web, etc.? Les fichiers sont-ils retournés à leurs proches ou sont-ils effacés? La succession installe-t-elle un message d'auto-réponse du courrier électronique ou un avis de décès sur les pages Web?

La question a suscité quelques réponses, la plus étayée étant celle de Jim Maule, professeur de droit à l'Université Villanova (Pennsylvanie).

D'abord, si le défunt a protégé ses comptes de courrier et d'accès par un mot de passe, et ne l'a confié à personne, il faudrait interpréter cette décision comme le souhait de conserver la confidentialité de ces données (même dans la recherche des motifs d'un suicide).

Si les services policiers tiennent à examiner ces données (suicide ou meurtre présumé), ils devraient obtenir l'autorisation de la succession du défunt, ou encore procéder comme si la personne était toujours vivante, c'est-à-dire obtenir un mandat de perquisition.

Si le carnet d'adresses de courrier électronique est accessible (non protégé par mot de passe), il serait convenant d'informer les personnes dont l'adresse y figure du décès du propriétaire.  L'utilisation de la réponse automatique pourrait être perçue comme fort peu élégante, mais Maule estime que c'est là davantage une question de nétiquette que de droit.

Les comptes financiers (banques, courtiers) qui permettent des transactions en ligne sont régis par des contrats d'adhésion qui permettent aux exécuteurs testamentaires d'y avoir accès.

Le contenu d'une page Web était la propriété du défunt et, par voie de conséquence, devient celle de la succession.  L'exécuteur testamentaire devrait prendre des mesures soit pour protéger et conserver le contenu, assurer son maintien en ligne, le remettre au bénéficiaire, etc.  Si le contenu fait partie d'un site commercial (société à propriétaire unique), le sort du contenu pourrait faire l'objet de dispositions préalables.  Maule déconseille de laisser des contenus Web en déshérence.

Grâce à ces quelques exemples (et on pourrait en citer nombre d'autres), on le voit, la disposition des biens numériques d'un défunt pourrait poser des problèmes nouveaux, tant pour les successions que pour ceux et celles qui pratiquent le droit successoral.

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  En bref...
En attendant la reformulation, par l'industrie du disque, de la demande d'injonction contre Napster, CNN rapporte que le président du comité sénatorial des affaires judiciaires, Orrin Hatch, a déclaré que son comité se pencherait sur la question.  Hatch s'est dit d'accord avec le tribunal sur les infractions aux droits d'auteurs commises par Napster, mais s'inquiète de ce que les utilisateurs n'adoptent des systèmes d'échange plus décentralisés comme Gnutella qui seraient plus difficiles à contrôler.  Puis, en Belgique, à la demande de l'IFPI (International Federation of Phonographic Industry), la police aurait servi des avertissements à des utilisateurs de Napster, les enjoignant de cesser l'échange de fichiers musicaux.  Olivier Maeterlincke, conseiller juridique de la division belge de l'IFPI, a déclaré au service ZDNet : «Nous effectuons encore les recherches à la main, mais dans un futur proche, nous espérons en effet profiter d'un système repérant automatiquement, et de manière internationale, des pratiques illicites d'hébergement de fichiers musicaux sur le Net».  Ce système de détection et de surveillance aurait attiré l'attention du ministère belge de la Justice qui a ouvert une enquête afin de déterminer si les techniques employées par l'IFPI étaient bien légales.

Aux États-Unis, deux membres de la Chambre des représentants (Heather Wilson, républicaine du Nouveau-Mexique et Gene Green, démocrate du Texas) ont présenté un projet de loi visant à limiter l'envoi de courrier électronique commercial non sollicité, le spam.  Le projet de loi (Unsolicited Commercial E-Mail Act of 2001, HR 717) est identique en tout point à un projet présenté l'an dernier par Wilson et Green, et appuyé à 427 contre un lors d'un vote à la Chambre des représentants, mais qui n'avait pas franchi l'étape de l'approbation par le Sénat avant la dissolution du 106e Congrès.  Le projet de loi prévoit donner le droit aux fournisseurs de services de bloquer les envois massifs de pourriels, et assurer les particuliers qu'ils peuvent demander à être retiré des listes d'envoi.  En outre, les fournisseurs de services pourraient poursuivre les spammeurs jusqu'à concurrence de 500 $ par message envoyé et seraient protégés contre des poursuites intentées pour des gestes de blocage.  Pas moins de six projets de loi avaient été présentés devant le 106e Congrès, mais aucun de ceux qui ont été adoptés ne semble avoir réussi à endiguer le flot de pourriels.

Le système de surveillance du courrier électronique Carnivore portera désormais le nom de DCS1000.  Cité par l'agence Reuters, un porte-parole de la police fédérale américaine a déclaré que la nouvelle appellation coïncidait avec une «mise à jour» du système et que l'ancienne suggérait dans l'esprit du public une image négative.  Pourquoi DCS1000? Le porte-parole a affirmé que le nom ne portait pas d'acronyme particulier et qu'il avait été choisi comme ça, au hasard.  Digital Communication Surveilance? Quoi qu'il en soit, le ministère américain de la Justice est à terminer un rapport d'examen interne sur le DCS1000 qui sera bientôt présenté au nouvel Attoney General John Ashcroft. 

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  Beau détour
Cette semaine, une exposition sur l'affiche suisse, de 1971 à nos jours, gracieuseté de l'Université Carnegie Mellon.  Rétrospective de trois décennies, près de 300 affiches classées par catégories, un style d'une élégance particulière.

Et sur ce, nous vous souhaitons à tous et toutes une excellente semaine.

Site personnel de Jean-Pierre Cloutier

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