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Les Chroniques de Cybérie
18 juillet 2000

© Les Éditions Cybérie inc.

18 juillet 2000

Salutations à tous les Cybériens et Cybériennes!

Cette Chronique n'est optimisée ni pour Netscape, ni pour Internet Explorer, elle l'est pour ses lecteurs et lectrices.

Cette semaine...

Carnivore : le FBI mis en cause, étude de cas et remous à Washington
Napster...  et justice pour tous
Le Condor obtient le droit au travail...
...  et un journaliste démissionne pour protéger ses sources chez les hackers
Feu vert aux nouveaux suffixes de domaines
Technologie et ruralité
En bref...
Beau détour
En vacances!

 Carnivore : le FBI mis en cause, étude de cas et remous à Washington
Qu'est-ce que la notion de vie privée? Bien que le concept remonte à Platon (qui l'associait à la notion de propriété), son incarnation moderne est définie dans ses grandes lignes par l'éthicien W.A. Parent comme étant le droit à être laissé seul, le droit à l'autonomie dans les questions qui ne concernent que soi, le droit de limiter l'accès à sa personne.

Carnivore.  C'est le nom d'un système de surveillance du courrier électronique par la police fédérale américaine (FBI) dénoncé mardi dernier par l'American Civil Liberties Union (ACLU).  Dans une lettre adressée au président et au doyen du sous-comité sur la Constitution du Comité des affaires judiciaires de la Chambre des représentants, l'ACLU demande instamment au sous-comité de forcer le FBI à respecter le quatrième amendement de la Constitution.

Le quatrième amendement protège les personnes, leurs domiciles, leurs documents et effets personnels contre la surveillance, les fouilles et saisies abusives.  Aucun mandat permettant ces activités ne peut être accordé sans cause probable, appuyé par un témoignage sous serment, et décrivant le lieu devant faire l'objet d'une perquisition, ainsi que le nom des personnes ou les objets recherchés.

On se souviendra que l'an dernier, le FBI avait proposé à un des organismes de normalisation technique d'Internet, l'Internet Engineering Task Force (IETF), de prévoir dans les nouveaux protocoles de communication Internet (Ipv6) des portes d'accès qui faciliteraient la surveillance des communications par les autorités policières et gouvernementales.  En novembre, lors de la réunion annuelle de l'IETF, une majorité écrasante des membres avait voté contre la proposition du FBI qui aurait alors décidé de faire cavalier seul et de déployer son système Carnivore.

L'ACLU soutient que Carnivore est très vorace.  Il s'agit d'un ordinateur placé chez un fournisseur d'accès Internet et qui fait un double de tout le courrier électronique qui transite sur les serveurs du fournisseur.  Le problème c'est que, justement, il intercepte ainsi tout le courrier, et non seulement celui d'une personne faisant l'objet d'une surveillance.  D'écrire l'ACLU, «Carnivore, qui est capable d'analyser des millions de messages à la seconde, ne retient présumément que les messages relatifs à la cible de la surveillance, mais ce processus se fait à l'abri de tout contrôle du fournisseur d'accès ou d'un tribunal.»

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 Carnivore : étude de cas
L'existence de Carnivore a été révélée en avril dernier par l'avocat Robert Corn-Revere qui témoignait devant le sous-comité sur la Constitution.  L'avocat a déclaré qu'en décembre 1999, un de ses clients fournisseur de services Internet (qu'il ne peut nommer en vertu d'une ordonnance de non publication) s'est vu imposer l'installation par des agents de police américains d'un système de surveillance du courrier électronique sur ses serveurs, un dispositif nommé «EtherPeek» (produit commercial de la société AG Group).  Les policiers entendaient intercepter la correspondance électronique d'un seul individu.  Vérification faite auprès du fabricant AG Group, le fournisseur constate que EtherPeek ratisse beaucoup plus large que ce que les agents fédéraux prétendent, et leur donne accès à de l'information sur la correspondance de tous ses abonnés.

Le fournisseur d'accès leur propose alors, en conformité avec le mandat dont ils disposent, une «solution maison» pour surveiller la cible de leur enquête, sans pour autant leur donner accès à la correspondance de ses autres abonnés.  Les agents acceptent, mais peu de temps après se disent insatisfaits de la solution proposée par le prestataire de services et insistent de nouveau pour installer leur propre dispositif, et cette fois on parle du système Carnivore, mis au point dans les laboratoires de recherche du FBI à Quantico (Virginie), à 48 kilomètres du QG de la CIA à Langley.  Autre irritant pour le prestataire, l'exploitation par les enquêteurs des données recueillies par Carnivore se fera à distance, laissant ainsi ouverte une porte d'entrée à son système.

Le prestataire s'est adressé au tribunal pour qu'il clarifie l'ordonnance d'installation de Carnivore, croyant que les demandes des enquêteurs étaient contraires aux dispositions de la loi sur la confidentialité des communications électroniques (Electronic Communications Privacy Act - ECPA).  Peu de sympathie de la part du magistrat qui a maintenu l'ordonnance.

Pour l'ACLU, il est urgent que les législateurs précisent les dispositions de la loi et interdisent aux services policiers la surveillance de personnes autres que celles pour qui ils ont une cause probable de croire qu'elles sont impliquées dans des activités criminelles.

Il y a également un dilemme pour les fournisseurs de services.  S'ils refusent l'installation d'un système de surveillance, ils s'exposent à être assignés pour entrave à la justice.  S'ils acceptent, ils contreviennent à leur engagement à respecter la confidentialité de leurs abonnés, voire à perdre une partie de leur clientèle qui se sentira flouée lorsqu'il sera dévoilé qu'il y a eu surveillance (ces choses finissent toujours par se savoir).

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 Carnivore : remous à Washington
Au cours de son point de presse hebdomadaire, jeudi dernier, l'Attorney General Janet Reno (de qui relève le FBI) a dit examiner la chose de près pour veiller aux droits des citoyens dans le présent contexte technologique.  Elle a cependant avoué être au courant des possibilités offertes par le système Carnivore depuis un certain temps, mais ne pas avoir été informée de son utilisation dans des cas précis.  Elle n'a pu, non plus, confirmer ou infirmer que Carnivore soit toujours utilisé : «C'est une bonne question, je vais y regarder de plus près» a-t-elle déclaré.

Vendredi, le fournisseur d'accès national EarthLink (4,2 millions d'abonnés) a déclaré qu'il n'installerait pas de dispositif Carnivore sur ses serveurs, citant des «incompatibilités techniques» et des inquiétudes sur le plan de la confidentialité.  Le fournisseur s'est cependant dit prêt à collaborer aux enquêtes du FBI, mais sans Carnivore.

Peu d'information officielle venant du FBI sur son système Carnivore.  On apprenait du Wall Street Journal que le système aurait été utilisé dans une centaine d'enquêtes depuis l'an dernier (chasse aux hackers, lutte anti-terroriste et aux trafiquants de drogue), que le FBI dispose d'une vingtaine de ces dispositifs renifleurs, et que la durée de surveillance moyenne est de 45 jours.

Puis, le service de nouvelles Wired révèle que le FBI s'efforce de rassurer les législateurs américains en organisant des séances d'information privées à leur intention.  Wired a toutefois appris que les dispositifs Carnivore sont exploités sous Windows 2000, qu'ils filtrent les communications des serveurs et que le résultat de leur recherche est versé sur une unité de stockage Jaz d'une capacité de 2 Go.  Les enquêteurs font périodiquement la collecte des données par l'entremise d'une ligne téléphonique, sans passer par Internet.

Le 24 juillet, le sous-comité sur la Constitution du Comité des affaires judiciaires de la Chambre des représentants tiendra une audience pour faire la lumière sur le système Carnivore. 

Entre temps, l'ACLU a aussi présenté au FBI une demande en vertu de la loi sur l'accès à l'information en vue d'obtenir tous les dossiers afférents aux programmes de cybersurveillance utilisant des dispositifs Carnivore, Omnivore et Etherpeek, y compris «lettres, correspondance, enregistrements audio, notes, données, notes de service, messages de courrier électronique, code et objet source de logiciels, manuels et spécifications techniques.»

Barry Steinhardt, directeur adjoint de l'ACLU et signataire de la demande écrit : «Le FBI utilise ce logiciel comme une boîte noire et nous dit "Faites-nous confiance, nous ne violons la confidentialité de personne".  Sauf le respect qu'on lui doit, nous aimerions déterminer nous-mêmes si c'est le cas.»

Une demande du code source d'un logiciel en vertu de la loi à l'accès à l'information constitue une première juridique selon l'ACLU, qui soutient que la jurisprudence établit qu'il est une forme d'expression qui n'est pas différente des documents écrits et qui n'échappe pas à la loi.

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 Napster...  et justice pour tous
«Les palais de justice sont peints en vert (la couleur de l'argent)...  l'argent parle...  les loups du pouvoir sont à vos portes...  écoutez-les rôder.» Quatre lignes d'une chanson éponyme du groupe Metallica, tirées de l'album «...And Justice for All», résument bien l'ambiance qui régnait mardi dernier dans la salle d'audience du Comité sénatorial sur les affaires judiciaires à Washington.  Un seul point à l'ordre du jour : «L'avenir de la musique numérique : Y a-t-il un avantage au téléchargement?»

Convoquée par le président du Comité, le sénateur Orin Hatch, l'audience avait pour but de renseigner les législateurs sur les questions entourant la diffusion et l'échange de fichiers musicaux en format MP3, et aussi sur l'action du logiciel/répertoire Napster jugée prédatrice par certains.  Le sénateur Hatch a donné le ton : «D'entrée de jeu, laissez-moi préciser que ce n'est ni le rôle, ni l'intention, du comité d'intervenir dans le processus des poursuites et des discussions de règlements en cours.» On sait que la société Napster fait l'objet de poursuites par la Recording Industry Association of America (RIAA) qui représente les producteurs, diffuseurs et artistes du disque aux États-Unis.  La RIAA accuse Napster de favoriser le piratage des oeuvres musicales et leur échange sur Internet en format MP3. 

Lars Ulrich, porte-parole du groupe Metallica (qui a aussi assigné en justice la société Napster pour viol de droits d'auteurs), a expliqué aux membres du Comité ses principales récriminations à l'endroit de l'exploitant du logiciel/répertoire.  Il accuse Napster d'avoir pillé la musique de Metallica, privant ainsi les créateurs d'une partie importante de leurs droits d'auteurs.  «Il est clair que si la musique est proposée en téléchargement gratuit, l'industrie n'est pas viable.»

Point de vue différent pour Roger McGuinn, ex-leader du groupe folk/rock The Byrds qui a joui d'une grande popularité de 1964 à 1973.  McGuinn a tracé un portrait peu reluisant de ses relations avec les grandes compagnies de disques, malgré l'énorme succès des albums enregistrés sous le nom du groupe puis au cours de sa carrière solo.  Tout au long de sa carrière, les étiquettes Columbia, Capitol, Arista et autres n'auraient versé à McGuinn que de modestes avances sans jamais verser de redevances sur les ventes de ses disques.  En 1994, McGuinn explique qu'il s'est mis à enregistrer des chansons traditionnelles, dans un but de préservation du patrimoine musical, et à les offrir en téléchargement gratuit sur son site Web.  En 1998, un représentant de la société MP3.Com lui propose de rendre disponibles ses enregistrements sur le site Web de sa société.  Cette offre est assortie d'un contrat non exclusif d'enregistrement, et de redevances de 50 % sur le produit brut des ventes des disques compacts. 

«Depuis, j'ai touché des milliers de dollars de la vente de ces chansons sur MP3.Com et je m'estime privilégié de pouvoir utiliser le format MP3 et Internet comme véhicules de mon expression artistique» a déclaré McGuinn, ajoutant «MP3.Com m'a offert plus de liberté créatrice que toute autre société traditionnelle d'enregistrement.»

Le modèle économique de MP3.Com devait être décrit plus tard en journée par son premier dirigeant, Michael Robertson, qui a révélé que le site héberge avec leur permission 74 000 artistes, et propose 469 000 fichiers musicaux en format MP3.  Le programme de redevances «Payback for Playback» (littéralement, «des sous si ça joue») permettrait même à certains artistes de toucher 20 000 $ par mois.

Hank Barry, premier dirigeant de la société Napster, a dressé un historique intéressant de l'évolution du format MP3 pour ensuite réitérer les arguments soutenus depuis longtemps pour défendre la position du service de répertoire Napster.  L'écoute de la musique en format numérique est tributaire de la copie d'une pièce musicale sur le disque dur d'un ordinateur, de sa compression en format MP3, et de son transfert sur Internet.  De dire Barry, «Napster ne fait rien de ces choses.  Pourquoi s'acharner sur nous? [...] Napster est un service de répertoire Internet.  Napster ne copie pas de fichiers, n'offre pas une technologie qui permet de le faire.  Napster ne comprime pas les fichiers, ne sert pas à leur transfert.  Napster ne fait que faciliter la communication.»

Barry a aussi fait étalage de force statistiques pour réfuter les arguments selon lesquels l'échange d'oeuvres musicales en format MP3 porte atteinte aux créateurs et aux diffuseurs.  Citant les chiffres mêmes de la RIAA, les ventes de disques compacts aux États-Unis ont progressé de 11 % en 1999 pour atteindre 12,8 milliards de dollars.  Pour le premier trimestre de 2000, elles sont en hausse de 8 % par rapport au chiffres du trimestre correspondant de 1999.  Il s'est aussi attaqué au drôle de calcul que fait la RIAA sur la baisse des ventes de disquaires à proximité d'universités et de collèges (importante clientèle pour Napster) de 1997 à 2000.  «La RIAA néglige de dire que Napster n'était pas disponible avant la fin de 1999» a affirmé Barry.

C'est Fred Ehrlich, président de la division des nouvelles technologies et du développement des marchés chez Sony Music, qui est venu exposer le point de vue des gros joueurs de l'industrie.  Ehrlich a décrit en menus détails ce qu'il appelle la «chaîne de valeur» de la production musicale, un écheveau complexe d'interactions créatives orchestrées par les grands diffuseurs.  La création musicale commence, bien sûr, avec les auteurs compositeurs.  Mais avant qu'un disque ne soit mis en marché, il y aura eu l'intervention des arrangeurs, des techniciens d'enregistrement, des choristes et musiciens d'appoint, des graphistes pour la pochette et les affiches promotionnelles, etc.  Le prix d'un disque va donc servir à rémunérer tous ces spécialistes, d'où l'importance pour l'industrie de percevoir des droits d'auteurs.

Selon Ehrlich, l'échange de fichiers musicaux (que facilite Napster) compromet la viabilité de cette chaîne de valeur car près de 90 % des fichiers échangés sont copiés illégalement : «Il ne fait aucun doute que ce contournement des droits d'auteurs dissuadera toute initiative de participation future dans la chaîne de valeur.»

Au nombre des solutions proposées par l'industrie figure la Secure Digital Music Initiative (SDMI), un regroupement de plus de 180 entreprises (dont ironiquement Napster fait partie), qui vise l'élaboration de normes pour la diffusion «sécurisée» d'oeuvres musicales sur Internet, lire ici qui respecterait les droits d'auteurs et de diffusion.  L'adoption de cette norme donnerait lieu à la production de dispositifs portatifs de lecture (semblables aux baladeurs de type Rio) et d'interfaces de lecture pour chaînes de sonorisation.

On le voit, c'est une question de gros sous qui prend parfois l'allure d'une querelle entre modernes et anciens.  D'une part, des entreprises comme Napster et MP3.Com ont créé de toutes pièces des créneaux de marché potentiellement très rentables.  D'autre part, l'industrie de la musique réagit fortement contre ces nouveaux venus qui lui disputent, selon elle, une part de leurs revenus.  Le débat n'est plus tellement sur le téléchargement des oeuvres, mais sur ceux qui pourront les proposer «légalement», en respectant les droits de reproduction.

Entre en jeu la désintermédiation, l'élimination des intermédiaires, qui dans l'industrie de la musique, signifie que l'on pourra consommer à la carte, n'acheter qu'une ou deux ou trois pièces musicales d'un disque, et non les 10 ou 12 qu'il pourrait contenir.  Le consommateur y voit un avantage, mais qu'en sera-t-il pour les artistes?

Présentement, l'artiste reçoit des droits pour l'ensemble des chansons qui sont sur un disque, qu'il n'y en ait que deux ou trois qui accrochent, peu importe.  Or, dans une structure de diffusion musicale désintermédiée, l'artiste ne percevra des droits que pour les oeuvres individuelles qui plairont au public et aux diffuseurs, et non pour l'ensemble d'un disque.  C'est donc tout le schème de production et de diffusion qui sera revu.  Et si ce nouveau modèle économique risque bien de faire des malheureux, il ne se bornera cependant pas à la musique mais rejoindra une foule d'autres contenus accessibles sur Internet.

Rappelons que c'est le 26 juillet que la juge Marilyn H. Patel, de la cour de district de San Francisco, se prononcera sur l'opportunité d'accorder à la RIAA une injonction temporaire interdisant le fonctionnement du répertoire Napster jusqu'à ce que les tribunaux statuent sur les poursuites en cours.

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 Le Condor obtient le droit au travail...
À la suite de sa requête en clarification des conditions de sa remise en liberté, le mythique hacktiviste Kevin Mitnick, surnommé Le Condor, a obtenu le droit d'accepter de nombreuses offres d'emploi qui lui avaient été faites, dont celle de rédiger une chronique sur les périodiques imprimés consacrés à l'informatique pour le mensuel Contentville.

En avril, l'agent de libération conditionnelle de Mitnick lui avait interdit d'accepter des offres d'emploi liés de près ou de loin à l'informatique, et lui avait suggéré de se trouver un emploi dans une autre sphère d'activité.  En juin, Mitnick s'était adressé au tribunal pour obtenir une clarification sur les activités qui lui étaient permises.  Lundi dernier, le Bureau des libérations conditionnelles informait Mitnick qu'il était libre d'accepter plusieurs offres d'emploi et d'activités, dont des allocutions à titre de conférencier invité, des services d'expert-conseil en sécurité informatique, d'animation d'une émission radiophonique, et de chroniqueur spécialisé.

D'après le Online Journalism Review, l'agent de libération conditionnelle de Mitnick a même eu de bons mots au sujet du Condor, le qualifiant de «chic type» qui se «débrouille très bien» avec les conditions qui lui sont imposées depuis sa remise en liberté.

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 ...  et un journaliste démissionne pour protéger ses sources chez les hackers
Le 13 septembre 1998, le site Web du New York Times était victime d'une attaque revendiquée par le cybergang «Hacking for Girlies» et était paralysé pendant neuf heures.  La page d'accueil du Times avait été remplacée par des contenus offensants et une diatribe s'en prenant, entre autres, au journaliste John Markoff pour sa couverture de l'affaire Kevin Mitnick, ainsi que sa présumée participation dans l'arrestation de Mitnick.  À l'époque, une certaine presse avait même accusé Mitnick d'avoir télécommandé cette attaque depuis son lieu de détention.

Le journaliste Adam Penenberg, du périodique financier Forbes, publiait en novembre 1998 un article dans lequel il affirmait avoir rencontré les deux membres du cybergang responsables de l'attaque contre le Times, noms de code Slut Puppy et Master Pimp.  Penenberg donnait de nombreux détails sur l'attaque, en plus de confirmer la participation du groupe dans des attaques contre les serveurs Web de la NASA, de la société Motorola et du magazine Penthouse.  Le journaliste a signé depuis de nombreux articles sur le hacking dans Forbes, et est reconnu comme une autorité en la matière.

Mais Penenberg vient de remettre sa démission.  C'est que les procureurs du ministère public ont conclu une entente avec l'avocat du magazine Forbes et veulent faire témoigner le journaliste sur l'exactitude de certains détails de son article de novembre 1998.  Penenberg affirme que son employeur veut le forcer à témoigner et dit ne pas faire confiance aux procureurs du ministère public, craignant que ceux-ci insistent pour qu'il nomme ses sources.  Selon le Washington Post, Penenberg a retenu les services de son propre avocat, qui incidemment est le fils du juge en chef de la Cour suprême des États-Unis, et entend refiler la note à Forbes.  La direction du magazine a affirmé que Forbes ne paierait pas les frais juridiques de Penenberg qui, dit-elle, est déjà représenté par son service du contentieux.

Pour Penenberg, il est hors de question de témoigner.  «Ça pourrait ruiner ma carrière» a-t-il déclaré au Washington Post, ajoutant «J'écris des articles sur le hacking vu de l'intérieur, j'obtiens des primeurs, et je ne pourrais continuer à le faire si on pensait que je collabore à une enquête du ministère de la Justice.  J'ai l'impression d'avoir été trahi par mon éditeur.»

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 Feu vert aux nouveaux suffixes de domaines
Ce qui sera désormais connu sous le nom de «Réunion de Yokohama» dans l'histoire d'Internet marque un point tournant pour la gestion des noms de domaines et des suffixes.

En effet, aux grandes assises de l'Internet Corporation for Assigned Names and Numbers (ICANN) qui se tenaient au Japon la fin de semaine dernière (juste avant la réunion annuelle de l'Internet Society), les dix-neuf membres du comité de direction ont approuvé la mise en place des premiers nouveaux suffixes de noms de domaines de premier niveau depuis le début des années quatre-vingt.  L'ICANN est l'organisme mandaté pour gérer l'attribution des noms de domaines.  Outre les domaines nationaux (basés sur la désignation ISO des entités nationales, deux lettres, .FR pour la France, .CH pour la Suisse, .CA pour le Canada, etc.), les domaines de premier niveau utilisables étaient jusqu'à maintenant .COM, .NET, .EDU, .ORG, .INT et .MIL.

Quels seront les prochains suffixes de noms de domaines? On ne sait pas encore car le comité de direction de l'ICANN a établi un processus par étape.  Dans un premier temps, il recevra des demandes d'accréditation d'entreprises qui souhaitent devenir régistraires pour les nouveaux noms de domaines (frais exigibles de 50 000 $).  Les entreprises sélectionnées proposeront ensuite des suffixes de noms de domaines, et devront expliquer les critères en fonction desquels ils pourront être attribués et gérés.  Une décision finale pourrait arriver avant la fin de l'année.

Depuis des mois, on entend parler de propositions comme .SEX ou .XXX (pour désigner les sites pour adultes), .SHOP (pour les cybermarchands), .TRAVEL (pour les voyagistes), .WEB (pour les organismes pur Web) et aussi en plaisantant une catégorie fourre-tout, le .ETC.  On pourrait aussi imaginer des suffixes français, tout dépendra de l'intérêt des régistraires francophones éventuels. 

Le but est de permettre au public de mieux distinguer la nature des sites et des entreprises d'après le suffixe, et aussi d'alléger les suffixes .COM et .NET dont les variations possibles commençaient à manquer.  Cependant, il y a fort à parier que les nouveaux suffixes entraîneront tout autant de confusion que le système existant, et tout autant de plaintes d'appropriation illégitime de noms de domaines.

L'ICANN tient aussi une élection pour désigner cinq représentants régionaux à son comité de direction.  Pour avoir qualité d'électeur, il suffit d'être âgé de seize ans ou plus, et d'avoir une adresse de courrier électronique et une adresse postale valides.  Le vote se fera en fonction des candidats pour la région que vous habitez (Afrique, Asie/Pacifique, Europe, Amérique latine et Caraïbes, et Amérique du Nord).  Pour voter, vous devez vous inscrire avant le 31 juillet.  La liste des candidats au titre de représentants régionaux sera connue en août, les candidats pourront faire campagne en septembre, et le vote se tiendra en ligne du 1er au 10 octobre.

Et parlant de gouvernance d'Internet, signalons que c'est aujourd'hui, 18 juillet, que débute à Yokohama la conférence INET 2000 de l'Internet Society (ISOC).  Un programme chargé sur lequel nous aurons l'occasion de revenir.

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 Technologie et ruralité
N'en déplaise au ministre québécois des Finances Bernard Landry, qui voit dans la concentration d'entreprises de la nouvelle économie dans de grands centres/cités des retombées bénéfiques, l'avenir appartiendrait aux régions périphériques.  Dans une étude réalisée par le Cutter Technology Council (CTC), et dont le service Newsbytes fait état, l'augmentation croissante de la bande passante incitera bon nombre d'entreprises à quitter les agglomérations urbaines au profit des régions périphériques.

Le CTC estime que pour les prochains dix ans, la bande passante disponible doublera à tous les dix-huit mois.  Cette disponibilité de connexion à haut débit permettra à des entreprises de quitter les centres métropolitains et d'insuffler une nouvelle vie dans des collectivités rurales en y installant des unités satellites.  Tom DeMarco, expert conseil au CTC, voit une renaissance du modèle des petites villes du XIXe siècle, de petites collectivités dont la population est relativement sédentaire, mais dont l'activité est basée sur l'économie du XXIe siècle.

Aux prises avec des problèmes de recrutement et de rétention de personnel, les entreprises qui quittent les villes pour les collectivités périphériques pourraient compter sur une main-d'oeuvre locale plus stable, désireuse d'acquérir de nouvelles compétences, en plus de proposer à des ex-ruraux un retour dans leur milieu d'origine, et à des urbains un milieu de vie plus agréable hors des grands centres.  Il en résulterait pour ces entreprises, selon le CTC, des gains de productivité appréciables. 

Au Québec, du moins, les tendances tracées par le CTC seraient favorisées par deux facteurs.  D'abord, l'augmentation de la bande passante hors des régions métropolitaines est depuis le dernier budget provincial appuyé par des mesures fiscales.  Les entreprises qui implanteront des réseaux de fibre optique en région bénéficient d'un taux d'amortissement accéléré de 125 %, une mesure évaluée à 15 millions de dollars.  Puis, les résultats d'un récent sondage révélaient que 60 % des citadins âgés de 18 ans et plus se disent désireux de vivre en région rurale dans les années à venir ou lors de leur retraite.  Fait marquant, dans le créneau des 25 à 34 ans, clientèle de choix pour les recruteurs des entreprises technologiques, ce pourcentage passe à 89 %! Bande passante et potentiel de main-d'oeuvre : la tendance annoncée par le CTC pourrait bien s'affirmer au Québec sous peu.

En revanche, si la migration vers les régions périurbaines constituera à terme un avantage concurrentiel pour les entreprises, il convient d'en étudier les retombées potentielles sur la ruralité, et plus généralement l'appropriation des nouvelles technologies par les populations en milieu rural.  C'est le mandat que s'est donné le Réseau cyber-rural qui organise en octobre prochain une importante rencontre sur les défis et les occasions offertes par les technologies de l'information.  Une première rencontre d'un groupe de travail, en janvier, a permis de dégager certains des grands axes de discussion qui seront poursuivis cet automne. 

Par exemple, pour que les technologies contribuent à la revitalisation du milieu rural, il faut clarifier comment elles peuvent appuyer certaines initiatives du milieu et ne pas constituer une finalité qui ne servirait qu'à attirer des entreprises à la recherche de connexions par fibre optique dans des cadres bucoliques.

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 En bref...
Des étudiants accros du Net.  D'après une étude de Keith J. Anderson, psychologue au Rensselaer Polytechnic Institute, environ 10 % des étudiants seraient des accros d'Internet, au point où leur rendement scolaire en souffrirait.  L'étude, menée auprès de 1 300 étudiants de sept établissements d'enseignement collégial et universitaire, a établi que ces consommateurs excessifs passaient en moyenne 229 minutes par jour à utiliser Internet à des fins autres que scolaires; au moins 6 % y passaient 400 minutes.  Conséquence : les notes sont en chute libre, on constate un manque chronique de sommeil et un phénomène d'isolement social.  Des 106 accros du Net répertoriés, 93 étaient de sexe masculin, environ les trois quarts étaient inscrits en sciences.  De plus, Anderson note que son étude pourrait sous-représenter les cas extrêmes : son étude repose sur des questionnaires remplis en salle de classe, et les accros affichent un taux de séchage de cours très élevés.  Ah non! Pas une relance du débat sur la cyberdépendance!

Un départ, une arrivée.  Le départ du Web, c'est celui du Journal de Montréal qui tire sa révérence.  Dans une note signée par Pierre Francoeur, v.p.  exécutif et chef de l'exploitation au JdM, on peut lire sur le site : «Suite à différentes analyses menées en consultation avec des experts externes, Le Journal de Montréal et Le Journal de Québec ont décidé de cesser la diffusion en ligne de leur quotidien respectif.  Les conclusions des consultations effectuées ont démontré que la simple reproduction en ligne d'un quotidien sans valeur ajoutée ne représente aucun intérêt pour les lecteurs du Journal et les internautes en général et ne s'inscrit pas dans la mission stratégique des deux quotidiens en terme de développement des affaires.» On invite les lecteurs à dorénavant consulter le site Canoë, comme le JdM propriété de la société Quebecor.  L'arrivée, c'est celle (imminente) du contenu des articles du quotidien parisien Le Figaro.  Dans ZDNet France on apprend que «Suite à l'accord sur les droits d'auteur signé début juillet entre la direction du Figaro et le Syndicat national des journalistes, majoritaire au sein du journal, le quotidien devrait bientôt mettre ses articles en ligne [...] si la première publication est rémunérée par les salaires versés, les journalistes percevront une complément salarial pour la réutilisation de leurs œuvres sur l'Internet.»

On apprenait avec un brin de tristesse le décès, la semaine dernière, de Gary Brickman, un des pionniers du cyberjournalisme et des nouveaux médias.  Brickman fut un des premiers journalistes à intégrer le texte et le défilement audio et vidéo, à l'époque sur le site Web de Interactive Age, et à constamment repousser les frontières du «techniquement possible» et du «médiatiquement souhaitable».  Au moment de son décès, Brickman était responsable des services Internet à large bande de la chaîne de télévision NBC.  Brickman était atteint d'une rare maladie dégénérative des os qui le confinait à un fauteuil roulant.  Ses confrères ont monté un site Web hommage à ce précurseur des nouveaux médias qui s'est éteint à l'âge de 38 ans.

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 Beau détour
De quoi tenir pendant des semaines, l'exploration de l'espace Horvatland de Frank Horvat, une rétrospective de cinquante ans de photos.

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 En vacances!
C'est le temps de faire notre pause estivale.  Les Chroniques ne seront donc pas publiées les 25 juillet et 1er août, mais seront de retour dès le 8 août.  Et d'ici là, si ce n'est déjà fait pour vous, nous vous souhaitons de bonnes vacances.

Écrire à Jean-Pierre Cloutier


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