6.2  Modèle «taxe Web»

L'an dernier, l'éditeur Web indépendant ARNO* (Arnaud Martin), membre du collectif européen uZine, dégageait certaines pistes de solutions pour la survie des producteurs indépendants, et soulevait l'idée d'une «taxe Web» sur les abonnements.  Selon Martin, «l'idée de la "taxe Web" consiste à prélever une somme minime sur chaque abonnement à l'Internet.  Par exemple un franc sur les 100 francs payés par l'utilisateur à son fournisseur d'accès.  Somme utilisée pour financer la création sur le Net. [...] Il ne s'agirait pas d'un impôt supplémentaire prélevé par l'État; [...] on peut imaginer une sorte de SACEM du Web (organisme qui gère les droits des artistes). Un système mis en place et géré par les créateurs.»

L'idée mérite d'être examinée.

Selon une étude ScienceTech, Multimédia, Internet, Québec : Perspectives sur l'industrie et le marché du multimédia et d'internet au Québec, il y avait au Québec 256 000 foyers branchés en 1997.  Si on établit, selon les tendances observées lors des enquêtes du RISQ, la moyenne des frais mensuels d'abonnement à 25 $ (300 $ par année), on peut donc évaluer à un peu plus de 75 millions de dollars les frais d'abonnement perçus par les fournisseurs.  Ces données recoupent substantiellement celles de l'enquête menée par ScienceTech et dont les auteurs estimaient à 256 000 le nombre de ménages branchés au Québec, un marché annuel pour les fournisseurs d'«environ 76 millions de dollars».

Dans le contexte actuel, une «taxe Web» d'un pour cent rapporterait donc 750 000 dollars par année, soit à peu près l'équivalent des recettes publicitaires nettes perçues par les diffuseurs de contenus en 1997.  De plus, l'augmentation graduelle du taux de branchement viendrait bonifier cette somme au fil des ans.

Ce modèle d'appui à la production de contenus soulève cependant de nombreuses questions, notamment sur la gestion et la distribution aux producteurs des sommes ainsi recueillies.

Si on imagine la création d'un organisme de gestion des remises aux producteurs et éditeurs Web (perception et redistribution), force est de constater qu'il ne pourrait fonctionner de manière équitable pour les producteurs que s'il existait un service général, uniforme et reconnu de mesure de l'achalandage de tous les sites Web afin de déterminer la quote-part qui reviendrait à chacun, une sorte de bureau de vérification.

De plus, faudrait-il distinguer la fréquentation selon l'origine de l'achalandage (Québec, Francophonie, autres) ou de la langue du produit offert (français, anglais, autres langues)?

Même fixé à 1 %, taux relativement faible qui équivaudrait selon l'exemple cité à tout au plus 3 $ par année par abonné, cette légère hausse du coût de l'accès pourrait-elle introduire un élément dissuasif envers la clientèle potentielle, au moment où le Québec accuse un certain retard en matière de taux de branchement des foyers (8 % comparativement à la moyenne nationale de 13 %)?

En outre, dans une optique d'accès quasi-universel telle qu'envisagée dans les politiques gouvernementales déjà formulées, comment intégrer au modèle de contribution à la production de contenus les accès des écoles, maisons d'enseignement, bibliothèques et autres points d'accès publics qui représenteront éventuellement un volume important de consommation des contenus sur le Web?


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URL : http://www.cyberie.qc.ca/etude/62.html
Mise en ligne : 31 mars 1998