4.2  Marché de la publicité

À l'occasion des journées Boomerang (3 et 4 décembre 1997, Montréal), trois importants acteurs du marché québécois de la publicité en ligne dévoilaient les résultats d'une étude conjointe sur la valeur du marché.  Invention Media, Soussy.Com et InfiniT/Vidéotron annonçaient que, pour l'année 1997, les dépenses publicitaires sur des sites québécois étaient de l'ordre de 1,4 million de dollars.

Pour citer le communiqué, «cette évaluation correspond au total des achats d'espaces publicitaires effectués au Québec par des annonceurs sur des sites-média sous forme de boutons, bandeaux et commandites.  Elle prend aussi en compte des recettes publicitaires perçues par des sites qui ne sont pas représentés par l'une ou l'autre des trois entreprises mentionnées ici [...] ce montant est à comparer à des investissements publicitaires sur le Web d'environ 50 000 $ pour l'année 1995 et 350 000 $ pour l'année 1996 - soit une multiplication par sept entre 1995 et 1996, et une multiplication par quatre entre 1996 et 1997.»

Le dévoilement de ces résultats, s'il a été bien accueilli, a tout de même suscité de vives discussions lors de tables rondes des journées Boomerang.  En outre, quelques semaines auparavant (29 octobre), à l'invitation de Cossette Interactif, une douzaine de personnes avaient répondu à l'invitation à réfléchir et échanger sur l'expérience du médium acquise au cours des deux dernières années.  Deux semaines plus tard (12 novembre), le Forum des inforoutes et du multimédia (FIM) tenait à son tour une séance d'échange sur la viabilité financière des sites à contenus et sur le développement de l'industrie publicitaire sur le Web.

Il ressort de tous ces échanges certains points communs qu'il serait utile de résumer ici.

Problèmes chez les agences.  Il semble que les représentants médias des agences de publicité soient réfractaires à l'idée de lancer des campagnes de promotion sur le Web, ou encore à inclure un volet Web dans leurs plans médias. Selon Céline Ranger, conseillère publicitaire, nouvelles technologies, Radio-Canada, «Il existe encore des directeurs médias qui ne sont jamais allés sur Internet!».  Cette perception est partagée par Olivier Soussy, président de Soussy.Com, pour qui «à part quelques agences de publicité ou de placement médias qui s'y connaissent un peu et qui sont prêtes à tenter des expériences, il existe une inertie remarquable par rapport à l'Internet.» Selon certains intervenants rencontrés aux fins de la présente étude, c'est souvent une question d'individus au sein d'agences que de politique générale de ces dernières.  On se demande si des agences spécialisées en communication interactive ne verront pas le jour pour occuper l'espace négligé par les agences établies, comme ce fut le cas aux États-Unis et en Europe.

Problème de «timidité» chez les annonceurs auprès de qui il faut faire la promotion du média, selon Romain Bédard, rédacteur en chef du périodique Info Presse.  «Il me semble qu'il est difficile aujourd'hui d'avoir un discours uni de promotion d'Internet devant des annonceurs, qu'il faut éduquer et convaincre du média.» Donc, faiblesse du médium à faire sa propre promotion.  «Notre réel problème demeure de promouvoir le média» déclarait Yves Williams, président de Netgraphe, éditeur de la Toile du Québec.  Ce n'est pas tant que le médium manque de visibilité dans la presse traditionnelle, mais plutôt que les annonceurs potentiels connaissent mal ses rouages.

Problème de «masse critique».  Avec plus ou moins 700 000 Québécois et Québécoises branchés à Internet (8 % des foyers selon Statistique Canada), peut-on véritablement parler de marché de masse ou doit-on adopter le modèle de marché de créneaux (ciblés, spécialisés).  «Mais pourquoi veut-on à tout prix atteindre un large public?» demande Jean Gaudreau, directeur général de Cossette Interactif.  «Avec Internet, l'objectif est de créer une relation avec l'internaute [...] La publicité sur Internet est un complément à une stratégie existante, comme la commandite.»

Problème de naïveté ou de candeur chez les éditeurs et producteurs de contenus qui, selon Yves Williams, président de la société Netgraphe, «pensaient faire fortune avec Internet, que les annonceurs allaient les contacter, que tout coulerait de source».  On verra ailleurs, dans le présent rapport, certaines des faiblesses structurelles, sur le plan commercial, des éditeurs de cybermédias.


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URL : http://www.cyberie.qc.ca/etude/42.html
Mise en ligne : 31 mars 1998