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Les Chroniques de Cybérie
Chronique du 20 octobre 1998

© Les Éditions Cybérie inc.

Le 20 octobre 1998.

Salutations à tous les Cybériens et Cybériennes!

Cette Chronique n'est optimisée ni pour Netscape, ni pour Internet Explorer, elle l'est pour ses lecteurs et lectrices.

Cette semaine...

Peppergate, le PM et le journaliste
Décès de Jon Postel
Zap zappe
Retour du modèle des sites à péage
Et maintenant, le careware
Optimisation pour webtélé?
Lectures rapides
En bref...
Beau détour

 Peppergate, le PM et le journaliste
La tempête politique soulevée autour de l'affaire Peppergate, et l'enquête de la Commission des plaintes du public de la Gendarmerie royale sur l'implication directe du Premier ministre canadien dans la répression de manifestations anti-APEC en novembre dernier, ne semble pas vouloir se dissiper.  Dernier rebondissement : le Premier ministre Jean Chrétien affirme en Chambre que l'utilisation du poivre de cayenne pour disperser les manifestants est plus «civilisée» que le recours aux bâtons de baseball.  Décidément, la période des questions à la Chambre des communes prend des allures de comédie de très mauvais goût.

Le poivre de cayenne, de son nom poétique l'oléorésine capsicum en aérosol, est un produit utilisé par les forces policières pour maîtriser les personnes violentes.  Dans un document d'évaluation, le National Institute of Justice de Washington retrace à l'an 2300 avant J.-C. l'utilisation du poivre comme arme par des armées chinoises.  Très civilisé, en effet.

L'affaire du Peppergate déborde cependant sur un autre front, celui des pratiques journalistiques, de l'éthique des rapports entre un journaliste et ses sources d'information, et de l'utilisation possible de communications privées échangées par courrier électronique.

Déjà, des communications par courrier électronique entre politiciens et diplomates canadiens et indonésiens avaient été rendues publiques.  Mais vendredi dernier, le Bureau du Premier ministre a adressé une plainte à l'ombudsman de la Canadian Broadcasting Corporation (CBC), la chaîne publique canadienne de télévision de langue anglaise.  Dans sa plainte, M.  Peter Donolo, directeur des communications au bureau du PM, accuse le journaliste de la CBC Terry Milewski d'avoir fait des reportages partiaux sur les événements de Vancouver, et d'avoir travaillé secrètement avec une des parties en cause, Craig Jones, un des plaignants à l'enquête de la Commission des plaintes.  Pièces à conviction : des courriers électroniques échangés par Jones et Milewski et dont le contenu a été rendu public devant la Commission des plaintes.  Le journaliste aurait même suggéré des approches juridiques à Jones et son avocat, en plus de comparer le gouvernement aux «forces de l'ombre».

La haute direction du réseau CBC a rapidement répondu au Bureau du PM, précisant qu'un examen de la situation était déjà en cours, et que d'un commun accord avec Milewski, ce dernier avait été retiré de la couverture de l'enquête de la Commission.

Cette dernière affaire ne manquera pas de soulever une foule de questions sur l'éthique journalistique, sur le degré de proximité des journalistes de leurs sources, et sur le franc parler entre interlocuteurs qui communiquent par courrier électronique, sachant que le contenu de ces communications pourrait éventuellement être rendu public et diffusé à tout venant.

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 Décès de Jon Postel
Un des pionniers du Web, Jon Postel, est décédé samedi dernier à l'âge de 55 ans des suites d'une intervention chirurgicale.  Postel était l'Internet Assigned Numbers Authority (IANA), le grand responsable du premier système d'adressage numéral des noms de domaines sur Internet.  Le décès de Postel survient à un moment critique car l'administration des noms de domaines fait l'objet d'intenses discussions entre gouvernements et entreprises.

Très rapidement la nouvelle s'est répandue à l'échelle du globe et plusieurs personnes l'ayant connu ont tenu à souligner son énorme contribution au réseau tel qu'on le connaît aujourd'hui.  Encore récemment, en juin à Genève à l'occasion de la rencontre INET'98, Postel recevait la médaille d'argent de l'Union internationale des télécommunications (UIT) pour le rôle essentiel qu'il a joué dans la réussite d'Internet.

Vint Cerf, celui que l'on nomme le «père de l'Internet», a rappelé aux abonnés d'une liste spécialisée (texte disponible sur le site de l'Internet Society - ISOC) que Jon Postel avait été le premier membre individuel de l'ISOC, résultat d'une gageure avec un autre pionnier du réseau, Steve Wolff, à savoir lequel des deux pourrait remplir le formulaire d'adhésion et acquitter ses droits le plus rapidement.  Vint Cerf a aussi proposé la création du Prix Jonathan B. Postel qui sera décerné annuellement pour services exceptionnels rendus à la communauté des réseaux.

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 Zap zappe
D'abord annoncée en mai dernier, la venue de la société Zap promettait du nouveau dans l'univers des sites Web à contenus.  Une importante société aux poches bien profondes mutait en éditeur de contenus et faisait dans un premier temps l'acquisition de deux sites.  Peu de temps après, Zap en remettait et parlait alors d'une trentaine de sites qui feraient l'objet d'acquisitions, laissant croire à la constitution d'un autre site portail.

Changement de cap pour Zap qui vient de zapper ses projets de concurrencer les grands éditeurs présents sur le Web.  Le site Web de Zap est en refonte; on ne propose des liens vers les netmags Word et Charged, premiers a avoir été achetés par Zap.  Rien ne va plus pour la flopée de sites à qui Zap avait formulé des propositions d'achat et qu'il vient de retirer.  Raison officielle : la morosité des marchés technologiques et le climat peu propice au lancement de nouveaux produits.

Abandon définitif des projets Web pour Zap? Repli stratégique dans l'attente de conditions plus hospitalières sur les marchés? Difficile à dire.  Avram Glazer, premier dirigeant de Zap, disait au New York Times que l'idée est de prendre un certain recul, de réévaluer la stratégie et de laisser les marchés s'épurer. 

C'est néanmoins la grogne chez les petits producteurs de contenus laissés en plan par Zap et qui, après quelques mois d'avoir cru aux contes de fées, devront se trouver d'autres sources de financement.  Selon le Times, Zap proposait d'acheter les petits éditeurs pour environ 5 $ par visiteur (moyenne de fréquentation de leurs sites) et de revendre ces sociétés sur les marchés public à des prix variant entre 25 et 40 $.  En guise de paiement, Zap offrait des formules mixtes (argent liquide et actions de Zap).

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 Retour du modèle des sites à péage
On discutait beaucoup il y a un an du modèle des sites «à péage», de sites Web où en contrepartie du versement d'une certaine somme on offre une valeur ajoutée au contenu proposé au grand public.  Illustrant bien les incertitudes sur le modèle économique pouvant permettre aux éditeurs et diffuseurs Web de financer leurs activités, on a vu diverses tentatives d'implantation et d'adaptation de ce modèle.  Et voilà que Salon Magazine emboîte le pas avec une nouvelle extension de sa formule, le Salon Emporium, cercle virtuel des lecteurs avec frais annuels d'adhésion de 25 $ US.

En contrepartie de cette contribution, les membres auront droit à des rabais de 25 % sur des produits dérivés de Salon (vêtements, accessoires) et accès à une section réservée où ils pourront échanger avec les journalistes, responsables et invités spéciaux de Salon.

Le rédacteur en chef et premier dirigeant de l'entreprise, David Talbot, explique dans une lettre à l'intention des futurs membres qu'en participant à ce programme de soutien financier, les lecteurs affirmeront leur attachement aux principes de «journalisme de pointe, de design élégant et de communauté de lecteurs éveillés» qui ont, selon lui, fait jusqu'ici la réputation de Salon.

L'annonce a suscité de nombreuses réactions, surtout que Talbot insiste dans sa lettre sur ce qu'il estime un récent fait d'armes de Salon, soit la publication le 16 septembre dernier d'un article sur une relation extra conjugale vieille de trente ans qu'aurait entretenu Henry Hyde, président du comité des affaires judiciaires de la Chambre des représentants, responsables des procédures en destitution contre Bill Clinton.  La publication de l'article a entraîné le congédiement de Jonathan Broder, correspondant à Washington de Salon, qui a ouvertement exprimé son désaccord avec ce genre d'exploitation journalistique de la vie privée de politiciens.  On a alors accusé Salon, dans la presse spécialisée, de ne pas tolérer la critique même venant de l'intérieur, et d'avoir recours à des tactiques surannées d'homogénéisation de l'opinion éditoriale.

Puis, le modèle financier.  Selon Patrick Keane de Jupiter Communications, la décision de Salon ne fait que souligner l'impossibilité pour les contenus en ligne d'atteindre un degré de viabilité financière uniquement avec la publicité.

Pour sa part, le prestigieux quotidien financier The Wall Street Journal, pionnier du modèle à péage, annoncera sous peu une hausse des frais d'abonnement à ses services à valeur ajoutée qui passeront de 50 à 60 $ par année.  Fort de ses 250 000 abonnés, le Wall Street Journal élargira l'éventail des services, dont des délais de rétention plus longs des archives.  L'annonce sera faite aux personnes renouvelant leur abonnement ou souscrivant un nouvel abonnement à compter du 1er novembre.  Les détails au service de nouvelles News.Com.

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 Et maintenant le careware
Au début des années quatre-vingt, j'ai fait mes premières armes en traitement de texte avec le logiciel AppleWriter.  La trousse complète venait sur deux disquettes 5.25 pouces (capacité 140K) et tournait sur un Apple ][ doté d'une mémoire vive de 64K.  Le logiciel permettait de composer un texte, de le sauvegarder, de le récupérer.  On pouvait aussi imposer les justifications d'usage et utiliser les fonctions gras et souligné, en plus de faire une correction d'orthographe (disquette 2). 

Cette petite merveille d'efficacité, compte tenu des limites du matériel, était le fruit du talent du programmeur Paul Lutus.  Il travaillait depuis une modeste cabane en Oregon, alimentée en électricité par une rallonge artisanale de 400 mètres.  Un des premiers millionnaires de l'informatique personnelle, Lutus empocha ses droits d'auteurs, fit l'acquisition d'un voilier de 10 mètres, et s'embarqua en 1988 pour un voyage de trois ans et demi en solitaire autour du monde.

En 1996, il développe un logiciel d'édition HTML, Arachnophilia et lance l'idée du CareWare, la distribution des produits sans frais pour l'utilisateur (comme le freeware, gratuitiel), mais avec une petite obligation morale.  Lutus dit «Voici le marché que je vous propose : cessez de rechigner pour une journée, une semaine, et vous aurez gagné votre copie d'Arachnophilia.  Encouragez les jeunes autour de vous, faites leur sentir qu'ils sont bienvenus sur cette planète (bon nombre ne le sentent pas).  Montrez par l'exemple que nous n'avons pas besoin de tout ce dont nous disposons pour être heureux et productifs.»

Rafraîchissant, non? C'est aussi dans l'esprit du CareWare que Lutus vous invite à télécharger des dizaines de ses créations en Java, Javascript et autres depuis son site Web et à les incorporer sur vos pages Web.

Pour ce qui est de l'éditeur HTML Arachnophilia (en anglais, pour Win95/98/NT), il est irréprochable.  La trousse complète pèse 1,6 Mo en téléchargement, soit moins de la moitié de certains logiciels commerciaux, sans pour autant imposer de compromis sur l'efficacité, la souplesse et la puissance.  Les mises à jour, fréquentes, ne nécessitent que le téléchargement du «noyau» (arach.exe) de 380 ko.  Déjà reconnu par la presse spécialisée comme un produit supérieur, nous avons particulièrement apprécié la facilité de conversion des caractères accentués et signes diacritiques.  Pour l'entretien de votre site, ou la création d'un nouveau produit, ne vous en privez pas, et surtout respectez votre engagement au CareWare.

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 Optimisation pour webtélé?
Depuis quelques semaines, la consultation des données sur la fréquentation de nos pages Web nous révèle un fait nouveau.  Mis à part les plate-formes traditionnelles (Win, Mac et autres), on commence à nous lire en webtélé, cette console que l'on branche sur un téléviseur et qui permet de consulter le Web (là où le service est disponible).

Aux États-Unis, déjà 450 000 utilisateurs de webtélé, on en prévoit cinq millions d'ici la fin de 1999.  WebTV Networks, propriété de Microsoft, est donc en voie de se tailler une part de marché dont il faudra tenir compte, et ce malgré de drôles pratiques de surveillance de vos habitudes de navigation, et ce en temps réel.

Mais curieux de voir la présentation de nos pages sur cette nouvelle plate-forme, nous avons téléchargé une visionneuse webtélé et procédé à certains essais.  En plus d'offrir sur un écran un fac-simile de l'aspect sur webtélé, la visionneuse énumère sur un autre écran les problèmes de «lecture» du code HTML de la page visionnée.

Pourquoi cet intérêt? Certains sites exploitent des fonctions propres aux fureteurs de Microsoft ou Netscape, les soi-disant sites «optimisés», et il y a déjà problème d'interopérabilité entre les fureteurs et les plate-formes. 

Comme le souligne le Web Standard Project (WASP) dans son énoncé de mission, «L'obligation de créer de multiples versions de la même page Web à cause des incompatibilités entre fureteurs est une perte de temps et d'énergie pour les développeurs et leurs clients [...] Un autre prix à payer est que ces méthodes enlèvent aux pages Web la flexibilité nécessaire à leur visionnement sur le Web TV et les ordinateurs de poche.»

Il est bien normal qu'une plate-forme aussi différente que celle du webtélé présente un nouveau regard des sites Web.  En effet, toutes les fonctions dites avancées comme les multifenêtres (frames), les javascripts, les feuilles de style en cascade, les programmes de standard CGI sont traitées différemment par le webtélé. 

Bref, qu'avons-nous constaté? Qu'en interopérabilité comme ailleurs, la modération a bien meilleur goût.  En clair, plus une page est exempte de fonctions avancées, plus le résultat sera agréable à l'oeil en webtélé.  Le visionnement en webtélé, un test que bon nombre de concepteurs de sites aurait intérêt à faire au fur et à mesure que la plate-forme gagnera en popularité.

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 Lectures rapides
Alain Rey, responsable du Petit Robert, commente l'entrée des mots du multimédia dans l'édition 1998 du dictionnaire dans Libération. Concernant le mot e-mail qui fait son apparition dans le Petit Robert, M.  Rey dit «Personnellement, j'aurais préféré le mot-valise "courriel", clair et joli, inventé par les Québécois.  Mais la paresse a prévalu.  Dans le cas d'e-mail, il y a une fréquence réelle d'usage, qui justifie sa présence dans un dictionnaire comme le Robert.» Et sur les néologismes dont nous sommes tous friands, «Les Québécois, eux, agissent avant même l'emprunt à une langue étrangère.  Ils repèrent le néologisme dès son apparition en anglais et anticipent.  Il faudrait repérer les mots nouveaux en amont, tenter de créer un équivalent français avant que l'anglicisme ne sorte des milieux de techniciens et des cercles de professionnels.  Dans ces conditions, le mot français aurait des chances...»

«Internet et les administrations à l'étranger : Une source d'idées».  C'est le rapport préparé par Bruno Oudet, président du chapitre français de l'Internet Society (ISOC - France), pour le compte du Commissariat Général du Plan sur l'apport de l'Internet aux administrations gouvernementales de neuf pays (Australie, Belgique, Canada/Québec, États-Unis, Finlande, Grande-Bretagne, Israël, Singapour, Suisse).  Plusieurs constats, dont «En ce qui concerne les politiques de diffusion de l'information publique, la question qui a motivé initialement cette étude, celles-ci restent encore mal définies.  Aucun pays à notre connaissance n'a produit de nouvelles règles de diffusion de l'information à la suite du développement de l'Internet».  On ne peut qu'abonder dans le sens de l'auteur lorsqu'il écrit «On soulignera aussi l'importance de poursuivre ce type d'études malgré le côté éphémère de ses résultats.  Dans le monde de l'entreprise, on utilise le mot "benchmarking".  Cet exercice de comparaison entre administrations semble indispensable.  Il permet [...] de ne pas réinventer la roue, de tirer parti des idées émises et validées ailleurs.»

«La place des langues et cultures latines sur l'Internet - septembre 1998», étude préparée et diffusée par l'Association Réseaux et Développement FUNREDES.  Le français serait le mieux placé dans l'espace Web (2,81 %), suivi de près par l'espagnol (2,53 %), puis par l'italien (1,50 %), le portugais (8,82 %) et le roumain (0,15 %).  Des données et positionnements différents, cependant, dans l'espace des forums d'échange USENET.  Précisons que l'on parle ici des contenus, et non de la langue des utilisateurs, comme dans les données d'Euro Marketing que nous vous rapportions il y a quelque temps.

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 En bref...
Nouveau site, celui du Projet de recherche sur les politiques (PRP) de l'administration fédérale canadienne.  On y trouvera, entre autres, le bulletin «Horizons» qui brosse un tableau des recherches prospectives récentes sur les politiques au Canada et ailleurs, et une section de liens intéressants sur les questions de politiques publiques.

Autre nouveau site, celui-là consacré aux sciences, Circé présente des actualités scientifiques au quotidien, en plus d'une histoire des sciences dans les grandes civilisations, des biographies de scientifiques, un agenda rendant compte des dernières manifestations culturelles, et bientôt des synthèses de cours à l'intention des étudiants.  Fait intéressant et novateur, on propose aux étudiants de deuxième et troisième cycle universitaire d'héberger leurs travaux scientifiques (mémoires ou thèses).  Excellente initiative.

Dans un autre registre, Photo Résistance : nouveaux visages de la résistance de Hervé Clémenceau, photographe indépendant.  Clémenceau y présente une sélection de reportages photographiques dont l'idée commune est de rassembler des personnages, des lieux ou des événements qui illustrent les formes modernes de «résistance». 

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 Beau détour
Question de souligner la bonne nouvelle reçue par nos amis Chiliens et Chiliennes cette semaine, un beau détour vers les oeuvres de Catalina Donoso Barros.

Et sur ce, nous vous souhaitons à tous et toutes une bonne semaine.

Écrire à Jean-Pierre Cloutier


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URL : http://www.cyberie.qc.ca/chronik/981020.html