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Les Chroniques de Cybérie
Chronique du 28 juillet 1998

© Les Éditions Cybérie inc.

Le 28 juillet 1998.

Salutations à tous les Cybériens et Cybériennes!

Cette Chronique n'est optimisée ni pour Netscape, ni pour Internet Explorer, elle l'est pour ses lecteurs et lectrices.

Cette semaine...

Le CDA «junior» franchit l'étape du Sénat
Vie privée : deux optiques
La bourse et la vie
Quand un pilier sonde ses assises
Le rapport au papier...
...et les livres numériques
Cinéma et Web font bon ménage
En bref...
Beau détour

 Le CDA «junior» franchit l'étape du Sénat
«La liberté d'expression sur Internet est tombée dans une embuscade [tendue par] l'extrême droite théocratique.»   Voilà en peu de mots la réaction de l'Electronic Frontier Foundation (EFF) à l'adoption par le Sénat américain, la semaine dernière, de deux projets de lois visant à censurer certains contenus sur Internet.  Très similaires aux mesures de le Communications Decency Act (CDA) invalidées en juin 1997 par la cour suprême des États-Unis, ces projets de loi incitent les militants pour la liberté d'expression à reprendre la lutte contre la censure et à tenter de bloquer l'adoption des projets de lois par le Congrès plus tard cette année.

C'est sans être préalablement annoncées, et donc sans débat véritable, que des mesures ont été subtilement greffées à titre d'amendements à des projets de loi sur les affectations de crédit aux ministères de la Justice, du Commerce et du Département d'État.  On semble déterminé à agir tant sur la demande de «contenus jugés offensants» que sur l'offre.  Côté demande : le premier amendement forcerait toutes les écoles et bibliothèques recevant des fonds gouvernementaux à installer des logiciels filtres sur les postes de travail ayant accès au Web.  Côté offre : le second amendement imposerait une stricte censure sur les contenus diffusés sur le Web.

L'EFF remonte aux barricades et relance la Campagne du ruban bleu à laquelle viennent de se joindre quatre éditeurs de contenus en ligne, soit l'influent netmag Salon, FEED Magazine, le Silicon Valley Reporter et SonicNet.

Un des champs de cette nouvelle bataille, les logiciels filtres dont nous avons déjà soulignél'inefficacité flagrante et aussi les multiples controverses que leur utilisation a suscitée. 

L'EFF pourra certainement compter sur ses alliés traditionnels dans cette nouvelle Campagne du ruban bleu, dont Peacefire, organisme qui compte près de 3 000 militants membres de la Youth Alliance Against Internet Censorship (Alliance de la jeunesse contre la censure d'Internet).  Condition d'adhésion : être âgé de moins de 21 ans.  À consulter sur le site de Peacefire, la liste très partielle des sites interdits par les logiciels filtres.  C'est à se demander si Les Chroniques de Cybérie ne seront pas prises dans les mailles trop fines de ces filets de fausse sécurité qui ne fonctionnent pour le moment, heureusement pour nous, qu'en anglais.

 Vie privée : deux optiques
D'un côté, on apprend que la police secrète russe mijote un projet qui porte le nom de code SORM (système d'enquête) en vertu duquel tout fournisseur d'accès Internet sur le territoire serait tenu d'installer sur ses serveurs un système de contrôle relié à une infrastructure parallèle.  À l'autre bout du fil de cette infrastructure, le FSB (autrefois KGB) qui aurait ainsi accès depuis son cagibi à toute communication en intrant ou en extrant des abonnés Internet russes.

Aux États-Unis, on assiste à des tiraillements politiques sur une éventuelle législation permettant aux utilisateurs de chiffrer leurs communications pour en assurer la confidentialité.  Réponse du secteur privé: un système d'accès aux dossiers et aux communications des abonnés Internet.  Sur requête d'un tribunal ou de la police, le système «private doorbell» (accès privé aux serveurs) serait activé par le fournisseur de l'abonné visé et livrerait à la «Sésame ouvre-toi» le contenu de ses communications.  Treize entreprises (dont Netscape, Microsoft, Novell, Cisco) endossent le système et espèrent ainsi amadouer les législateurs qui hésitent à autoriser l'utilisation et l'exportation de puissants logiciels de cryptographie en leur offrant, à demande, la clé de vos secrets les plus intimes.

Décidément, il commence à faire le même temps à Washington qu'à Moscou.

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 La bourse et la vie
Quelqu'un me demandait récemment quelles étaient les grandes tendances d'Internet et si quelque chose avait changé dans la couverture journalistique de l'espace cyber.  Après avoir feint de ne pas avoir entendu la question, question de songer à une réponse adéquate, je lui ai répondu qu'au début, un bon chroniqueur se devait d'avoir les deux pieds bien ancrés dans le milieu des technologues et des créatifs.  Maintenant, il importe d'avoir un bureau à mi-chemin entre le Palais de justice et la Place de la bourse, et de cultiver ses amis avocats et courtiers.

Boutade? À peine, et on l'aura constaté.  C'est que le médium a maintenant des répercussions si profondes sur notre société qu'il est maintenant impossible, pour en comprendre l'évolution, d'ignorer ses dimensions juridiques et économiques, et évidemment par ricochet politiques.

Concernant la dimension économique des nouvelles technologies, car c'est là le moteur de l'économie nouvelle, est-on en plein boom ou ne risquons-nous pas pas à court terme un sérieux rajustement, voire un nouveau krach?

Peter Schwartz et Peter Leyden signaient dans Wired, édition de juillet de l'an dernier, un article qui prédisait une ère de transformation marquée, amorcée en 1980 et qui allait s'étendre jusqu'en l'an 2020.  Selon les auteurs, la fin des années quatre-vingt-dix signale aussi le début d'une ère de prospérité économique qui pourrait durer deux décennies.  La conjonction d'une Europe réintégrée (incluant la Russie), d'une Amérique revitalisée et d'une Asie émergente allait servir de locomotive et entraîner le reste des nations vers cette prospérité.  À peine douze mois plus tard, le FMI se voit forcé de courir à la rescousse de la Russie, l'Asie est aux prises avec une crise financière sans précédent, reste l'Europe et les États-Unis (non sans problèmes) pour tirer la barque et renflouer celles qui risquent de sombrer.

Et la bourse.  La montée en flèche de certains titres fait rêver nombre d'investisseurs; même si la plupart des entreprises sont déficitaires, la valeur des titres ne cesse de grimper.

D'une part, si la bourse a la faveur des investisseurs, c'est en grande partie en raison de la faiblesse des taux d'intérêt.  Mais nous savons tous ce qui peut arriver en un trimestre à ce chapitre. 

Il y a aussi les attentes de croissance exponentielle à l'endroit d'Internet.  S'il est vrai que les choses vont bien, admettons qu'il y a plafonnement de la dite croissance. 

On dit que les fonds communs d'investissement et les caisses de retraite se sont rués sur les titres technos et ont fait grimper les prix.  Encore une fois, la prudence est de rigueur car au moindre signe de recul, ces gros investisseurs retireront massivement leur mise ne faisant qu'accentuer une éventuelle débâcle boursière. 

Finalement, on semble parfois constituer des sociétés et les inscrire à la bourse que pour les vendre plus tard aux gros joueurs qui, eux-mêmes, pourraient être affectés par les trois facteurs précédents et se faire plus sélectifs dans leurs acquisitions.

Certains spécialistes commencent à sonner l'alarme et à en appeler à un peu de réalisme.  Comme Guy Halverson du Christian Science Monitor qui suggère aux investisseurs de ne pas investir plus de un pour cent de leur portefeuille dans les nouvelles entreprises de technologie tellement ces titres seraient fragiles.  À suivre au cours des prochaines semaines.

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 Quand un pilier sonde ses assises
Quand un des piliers de l'information internationale, et en plus un des pionniers de l'édition en ligne (présent sur le Web depuis février 1995), sonde son lectorat, les résultats ne peuvent qu'intéresser.  Avec ses 200 000 requêtes de pages par semaine, Le Monde Diplomatique est un exemple de réussite d'édition de textes de fond dans le marché restreint qu'est la Francophonie. 

Clientèle fidélisée, internationale, les résultats indiquent que 50 % des personnes qui lisent l'édition en ligne du Diplo le font depuis plus de six mois, et que près des deux tiers vivent hors de l'Hexagone (25 % en Europe de l'Ouest, principalement Suisse et Belgique, 15 % au «Canada francophone»).  Plus de 80 % des lecteurs et lectrices passent plus de 15 minutes sur le site à chaque visite, recoupement possible avec ceux qui disent avoir l'adresse consignée dans leurs signets (82,3 %).

Comportement d'exception pour 32,4 % des répondants qui disent ne pas lire de manière régulière d'autres journaux en ligne et consulter plus souvent (60,7 %) des sites d'un autre type (éducation, divertissement, culture).  Cette clientèle a découvert le site Web du Monde Diplo dans les colonnes de la version imprimée (37,8 %) mais aussi par les moteurs de recherche (26,8 %) et par des liens sur d'autres sites (18,7 %).  C'est à 33,7 % que les répondants estiment que le site Web incite à la lecture de la version imprimée, et à 50 % qu'ils soulignent l'importance de la disponibilité des archives complètes.  C'est aussi 65,8 % des répondants qui sont inscrits à la liste de diffusion par courrier électronique «Info-Diplo».

La question du financement de l'imprimé avait donné naissance à des formules novatrices; l'enquête sur le site Web offre des perceptions intéressantes sur la manière d'assurer la viabilité du site.  Si pour certains la gratuité est essentielle, des répondants suggèrent une formule d'abonnement, de contribution obligatoire, de cotisation, une majorité suggère (et on présume serait disposée à accepter) la publicité sur le site.

À lire, les commentaires de Valérie Jeanne sur les résultats dans le journal Le Monde.

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 Le rapport au papier...
Si vous n'avez le temps que pour une seule lecture sérieuse au cours des prochaines semaines, allez à l'essentiel, c'est le numéro 4 des Cahiers de médiologie, maintenant en ligne, qui a pour thème «Les pouvoirs du papier».  Et si vous n'avez pas le temps, trouvez-le.

Régis Debray nous a habitués depuis avril 1996 à ses dossiers semestriels sur la médiologie, soit cette intersection technique/culture.  Ce numéro explore quatre facettes de notre rapport au papier : papier mémoire; papier croyance; papier pouvoir; papier art.  «Les nouvelles technologies se sont généralisées et imposées au point de remettre en cause, pour la première fois dans l'histoire, le rôle du papier comme support du texte et de l'image fixe; l'engorgement des archives et la question des papiers acides ont transformé notre vision du patrimoine écrit ; la progression vertigineuse de la production papetière et sa mondialisation se sont traduits par une redéfinition à la fois économique et sociale qui fait du papier un des enjeux majeurs du monde industriel contemporain.»

C'est à un regard nouveau sur le papier que nous convient les auteurs ayant participé à ce dossier.  «Vecteur fondamental de la communication écrite et de la transmission des idées, sur le papier pivote la graphosphère occidentale moderne.»

Voilà un dossier qui ne prendra pas la voie du papier d'Arménie.

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 ...  et les livres numériques
La société NuvoMedia ayant pour partenaires le géant de la communication Bertelsmann et le cyberlibraire Barnes & Noble, s'apprête à lancer le RocketBook, un support «livre numérique» qui ressemble à une tablette d'écriture dans lequel on pourra charger l'équivalent de 4 000 pages de textes et graphiques.  Poids d'un peu plus de 600 grammes, autonomie sur pile de 20 heures, le RocketBook permettra de télécharger des contenus pour lecture à l'écran, puis d'entreposer ces contenus dans des unités de stockage qui feront office de bibliothèques électroniques personnelles.

Chez SoftBook Press, c'est évidemment le SoftBook dont le principe s'apparente au RocketBook mais qui ressemble encore davantage à un livre, muni d'une couverture cuir, que l'on peut tenir d'une main comme un livre.  Les éditeurs partenaires sont Random House, Harper Collins et Simon & Schuster.

Aussi prévu pour l'automne, le EveryBook, produit concurrent des deux premiers, mais qui exploite une technologie différente, soit celle de pages/écrans DEL flexibles à haute résolution que l'on tourne comme les pages d'un livre papier.  Le développement de ce produit a incité le concepteur à déposer pas moins de 21 demande de brevets auprès des autorités compétentes. 

Disons que plutôt que de parler de livre, il faudra davantage parler d'interface de lecture et que comme toute autre technologie, elle sera tributaire de la disponibilité des contenus.

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 Cinéma et Web font bon ménage
Selon une étude de la firme RelevantKnowledge, les sites consacrés au Septième art représenteraient 14 % de l'achalandage total sur le Web.  Reflet de cet engouement, le populaire répertoire Yahoo! en recense plus de dix mille répartis dans différentes catégories (sites officiels, sites personnels, sites techniques, netmags, sites hommage/passion, etc.).

Le classique, de toute évidence (et notre favori), est l'Internet Movie Data Base (IMDB), la plus importante base de données en ligne de feu sur le cinéma établie en 1990 et qui vient de faire l'objet d'une acquisition par le cyberlibraire Amazon.Com dans le cadre d'une transaction évaluée à 20 millions de dollars.  IMDB enregistrera cette année 42 millions de pages vues et déjà vues, ce qui se traduit pour l'année de tous les dangers en commerce électronique par des recettes publicitaires de 100 000 $ par mois, même si avril est parfois meurtrier.

Malgré tout, le site IMDB ne se classe qu'au rang cinq en popularité des sites consacrés au cinéma selon RelevantKnowledge.  En première place au soleil, les sites de Pathfinder propriété de Time/Warner, suivi du site de la Warner Bros., de Sony Pictures Entertainment et de Disney.

RelevantKnowledge trace aussi un profil bas de la clientèle des sites cinéma qui diffère de la clientèle générale du Net.  L'enquête sur ces citoyens au-dessus de tout soupçon révèle une forte proportion d'hommes amoureux du cinéma dont la très grande majorité déclarent un revenu de moins de 60 mille dollars US par année.  En outre, la grande majorité s'inscrivent dans le créneau d'âge de cristal des 18/34 ans, alors que la population générale du Web ne compte que 39 % de personnes dans ce créneau.

On est loin de voir venir le déclin de l'empire américain du cinéma, tant sur le plan de la production que de la diffusion.  C'est une industrie qui, en cette année Juliette, enregistrera en entrées aux États-Unis des recettes de 6,3 milliards de dollars et 16 milliards en location de films sur bande à part vidéo.

Néanmoins, pour notre bon plaisir, citons quelques ressources d'intérêt en français sur la toile blanche, dont le pendant Web du magazine mensuel Première , le netmag québécois Hors Champ, le ciné-zine de vos nuits blanches, fauves ou américaines Écran Noir, et le regard d'Ulysse venue de Belgique sur Cinergie.  Seule dans son royaume et seule dans le noir, l'accompagnatrice Anne-Cécile a définitivement réduit au silence de la mer ses chroniques sur le site Anacoluthe, mais a eu la bonne idée de ne pas déclarer accès interdit ses archives de rubriques et critiques qui y sont toujours disponibles.

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 En bref...
Du 10 au 14 août sur le campus principal de l'Université de Montréal se tiendra COLING-ACL '98, événement qui combinera la 17e Conférence internationale sur la linguistique informatique (COLING '98) et le 36e Congrès annuel de l'Association for Computational Linguistics (ACL '98).  À lire en complément, «La traduction automatique 50 ans après» par Pierre Isabelle et Patrick Andries du Laboratoire de Recherche appliquée en linguistique informatique (RALI), et le mini-dossier préparé par Multimédium.  Concernant la traduction et les technologies d'appoint, soulignons l'article 33 de la Convention entre le Conseil du Trésor et le Syndicat canadien des employés professionnels et techniques, groupe de la Traduction, qui traite des transformations technologiques.

Diffusion du plus récent numéro d'Eurasie, le netmag des passionnés de culture asiatique.  On trouvera dans la section livres un sommaire de l'ouvrage de Jean-Luc Domenach, «L'Asie en danger» (Éditions Fayard), où l'auteur s'interroge sur les raisons sociales et politiques qui ont mis l'Asie contemporaine dans des conditions si instables qu'elles ont conduit à la crise financière que l'on connaît.  Signalons aussi une excellente section de liens sur le site d'Eurasie, véritable mini-Yahoo de sites francophones sur l'Asie.  Hautement recommandé à ceux et celles que cette région du monde intéresse.

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 Beau détour
Vers l'univers du photographe grec Yannis Psilakis et son exposition virtuelle Moments of Extinction, parcours des lieux menacés, des gens qui y habitent, des cultures qui y règnent.

Sur ce, nous vous prions de noter que nous ferons relâche les 4 et 11 août pour vous revenir en très grande forme le 18.  Nous vous souhaitons donc d'heureux moments et vous remercions de votre fidélité.

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Écrire à Jean-Pierre Cloutier


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