|
Édition spéciale 8 mars Journée internationale des femmes
Comme nous l'avons fait l'an dernier à pareille
date, nous vous proposons, avec cette
édition spéciale, un tour d'horizon,
tantôt sérieux, tantôt plus
léger, sur l'univers des femmes sur Internet,
ainsi qu'un survol de sites Web par et pour les femmes.
Le sujet est fréquemment abordé, il
existe (comme on le verra) des sites
spécialisés, mais le 8 mars c'est
l'occasion de dresser l'état de la
situation. Après tout, quand on dit
femmes, on parle de plus de 52 % de la population
du globe.
PRÉSENCE SUR LES INFOROUTES, PERSPECTIVE GLOBALE
Bien que, l'an dernier, le Graphic Visualization Unit
(GVU), responsable de la plus grande enquête
périodique sur le profil des utilisateurs et
utilisatrices de l'Internet, ait prévu une
proportion égale d'hommes et de femmes pour le
premier trimestre de 1997, force est de constater que
ce n'est pas le cas. Les résultats de sa
sixième enquête (automne 1996)
indiquent que la proportion entre les hommes et les
femmes n'a presque pas bougé depuis le printemps
1996. La population branchée se
composerait donc de 31,4 % de femmes et de
68,6 % d'hommes. Le GVU estime qu'en Europe
l'écart serait encore plus grand avec
80,2 % d'hommes. Là où il y
aurait eu croissance de la proportion de femmes
branchées, c'est dans le créneau
d'âge des 50 ans et plus, qui a connu une hausse
de près de 10 %. Le GVU souligne que
les hommes représentaient 95 % de la
clientèle du réseau lors de sa
première enquête menée au printemps
1994.
LES QUÉBÉCOISES BRANCHÉES
Profil «euro» pour le Québec? Le
Réseau interordinateurs scientifique du
Québec (RISQ) qui menait l'automne dernier sa deuxième
enquête sur le profil de la clientèle
québécoise constatait que le nombre de
répondants de sexe masculin était encore
beaucoup plus élevé que ceux de sexe
féminin : 81,7 % d'hommes contre
18,3 % de femmes. La proportion de femmes
était toutefois plus importante que lors de la
première enquête, soit une augmentation de
24,5 %. Rappelons au passage que le RISQ
mène présentement, du 1er au 31 mars, sa
troisième enquête, La parole est à
vous.
Ces résultats concordent, à peu de choses
près, avec ceux de l'enquête menée
auprès du lectorat des Chroniques de
Cybérie en décembre dernier,
81,2 %
d'hommes et 15,84 % de femmes (2,96 % ayant
décliné de répondre à la
question, mais la majorité des répondants
étaient du Québec et de l'Europe
francophone).
Notons ici qu'il s'agit, tant pour le GVU, le RISQ et
Les Chroniques de Cybérie, d'enquêtes
menées en ligne, et non de sondages à
échantillon aléatoire. La
distinction est importante dans la mesure où les
résultats pourraient être
différents s'il s'avérait que les femmes
sont plus ou moins portées que les hommes
à répondre à des questionnaires en
ligne, ce qui amènerait soit une
surreprésentation ou une
sous-représentation par rapport à leur
présence réelle sur les réseaux.
UNE QUESTION DE SOUS?
Mais quel que soit le pourcentage réel de femmes
à utiliser l'Internet, il est évident
qu'elles y sont minoritaires et que le facteur
économique joue un rôle certain dans cet
état de chose. Statistique Canada
estime en effet (données de 1994)
que les gains moyens des «travailleurs à
temps plein et autres» étaient de 31 087 $,
et ceux des travailleuses de 19 359 $, soit 62,3 %
de ceux des hommes. Si on ne tient pas compte de
l'accès aux inforoutes en milieu de travail, et
qu'on ne considère que le coût du
matériel requis pour un accès à
domicile (en plus de l'abonnement auprès d'un
fournisseur d'accès), on comprend que, pour des
questions d'argent, l'Internet n'est pas à la
portée de bien des femmes.
DU PAIN, DES ROSES ET... DES EMPLOIS
Et si on tient compte du milieu de travail, un autre
facteur pourrait jouer. Malgré que les
femmes aient fait des percées en grand nombre
sur le marché de l'emploi, elles se trouvent
néanmoins confinées dans un nombre
limitées de professions, et pas
nécessairement à des niveaux
hiérarchiques qui justifient un branchement
autre qu'aux réseaux internes. Ce
cloisonnement dans la mosaïque des emplois est
évoqué dans un document de la Centrale
des syndicats nationaux (CSN), qui cite Statistique Canada. Au
Québec en 1990, 42,1 % de la main-d'oeuvre
féminine était concentrée dans dix
professions. Pour atteindre 40 % de la
main-d'oeuvre masculine, il fallait compter 40 professions.
LE LIEN SCOLARITÉ-APPROPRIATION TECHNOLOGIQUE
On rapporte souvent que les utilisateurs et
utilisatrices de l'Internet constituent un
créneau très scolarisé et qu'il
existe un lien évident entre la scolarité
et l'appropriation des technologies. Par exemple,
l'enquête auprès de notre lectorat
révélait que pour l'ensemble,
74,95 % des répondants possèdent un
diplôme universitaire de premier (34,92 %),
deuxième (26,83 %) ou troisième
(13,20 %) cycle. S'il n'en tenait qu'au
profil de scolarité, les femmes (du moins les
jeunes) devraient être majoritaires sur
Internet. Le Bureau de la statistique du
Québec
nous apprend qu'en 1991, le nombre moyen
d'années de scolarité des hommes de 15 ans et plus était de 11,8 ans, et celui des
femmes de 11,5. Donc, peu de différences
à cet égard. Mais les
progrès les
plus significatifs ont été accomplis par
les femmes, particulièrement celles des jeunes
générations (15-24 ans) dont la
proportion de bachelières a augmenté de
0,2 % en 1951 à 5,0 % en 1991.
En outre, plus récemment, le taux de
fréquentation scolaire est sensiblement plus
élevé chez les femmes : en 1994,
76,0 % des femmes de 19 ans, comparativement
à 59,0 % des hommes, fréquentaient
un établissement d'enseignement, à plein
temps ou à temps partiel. De
plus, l'accès au 5e secondaire est plus grand
chez les filles que chez les garçons; en 1994,
il est respectivement de 79,8 % et de
69,5 %. Attention les gars, si la tendance
se maintient...
COMPARAISONS
En fouillant plus à fond la base de
données des résultats de l'enquête
que nous avons menée en décembre dernier,
nous sommes parvenus à des profils
différents, à certains égards, pour
les femmes que pour l'ensemble des
répondants. D'arrivée plus
récentes sur les réseaux, leur profil est
distinctif. Par exemple, si 74,95 % des
répondants possèdent un diplôme
universitaire, pour les femmes ce pourcentage grimpe
à 80 %. Si 20,52 % de l'ensemble
des répondants ont dit se brancher aux
inforoutes à leur travail, le pourcentage est de
29,6 % chez les femmes.
MINORITÉ ACTIVE
Bon. Minoritaires sur le réseau, et on
pourrait discourir longtemps sur les raisons de la
sous-représentation, mais présentes quand
même et actives si on en juge par le grand nombre
de sites Web réalisés ou signés
par des femmes, dont celui des Chroniques de
Cybérie ouvré patiemment (ce n'est pas
toujours de tout repos) par Mychelle Tremblay.
Autres exemples du Web québécois, pour
n'en nommer que quelques-uns : le site Web de la
Ville de Montréal,
dont l'équipe est composée de Diane
Mercier, Anne Montambeault et Carmen Campbell; celui du
RISQ, en grande partie le
fruit des efforts de Brigitte Poussart et Joëlle Stemp;
le site Web NetFemme du Centre de documentation sur
l'éducation des adultes et la condition
féminine (CDEACF), maintenu
par Sharon Hackett; le Web du Comité permanent
sur le statut de la femme (CPSF),
responsabilité de Hélène Guertin,
Andrée Labrie et Luce Payette, illustré
par Élisabeth Pérès; et la publication Multimédium à laquelle oeuvre Marie-Noël Pichelin.
En revanche, une récente étude en France
peignait un portrait du webmestre typique : homme,
jeune, 34 ans. On ajoutait que la profession est
à dominante masculine, et qu'on ne compterait en
France que 5 % de femmes occupant un poste de
webmestre, à peu près la même
proportion pour cette nouvelle forme d'art populaire
que sont les pages personnelles (voir plus loin).
L'IMPORTANT : COMMUNIQUER
Comment les femmes appréhendent-elles les
nouvelles technologies? L'aspect technique est-il si
rébarbatif? Pour Lut Verstappen,
féministe et technologue dont les propos
étaient recueillis, en avril dernier, dans le
cadre de l'émission Intérieur Nuit (Radio
Télévison Belge Francophone) sur le
thème «Où sont les femmes», là où les hommes s'amusent avec
des appareils, les femmes voudraient être utiles,
et gagner du temps plutôt que d'en perdre :
«[...] il faudra, en effet, apprendre à
connaître les techniques, mais tout en sachant
qu'il ne s'agit que de moyens, le but étant de
communiquer avec d'autres gens. C'est ce que
veulent les femmes.»
UNE PLACE À SE FAIRE
À lire aussi, sur la place des femmes en
technologie de l'information, la série de
reportages du Sacramento Bee, qui
abordent la question en examinant qui sont les dirigeants
des grandes sociétés de technologie de
pointe. Les femmes représentent 35 %
de la main-d'oeuvre de cette industrie, mais pas une
seule femme n'occupe un poste de premier dirigeant chez
les 50 plus importantes entreprises du secteur.
Au niveau des cadres supérieurs des
sociétés d'informatique faisant partie du
Fortune 500, on ne trouve que 10,6 % de femmes;
par contre, même situation dans les secteurs
autres que l'informatique, le pourcentage est de
11,1 %.
EN PERSONNE...
De son propre aveu, c'est pour combattre la domination
des «informaticiens boutonneux et
célibataires de sexe mâle, fans des
X-Files et de Cindy Schiffer, qui pullulent sur le
web» que notre collègue Guillermito
passe ses nuits à recenser les sites personnels
de femmes en France. Bilan de ses insomnies blues, 164 sites personnels de Françaises.
Qualité inégale, comme pour les pages de
gars, mais certains sites méritent bien la
visite, voire le retour périodique au gré
des nouveautés. Site américain,
cette fois, fem+mass
propose
une série de liens vers des sites de femmes,
mais pas n'importe lesquels, et pas n'importe quelles
femmes. Celles-là ont des opinions bien
campées, très variées, et elles ne
se cachent pas pour les diffuser.
Le genre chroniques personnelles,
régulières ou ponctuelles, style journal
intime, fait école sur le Web. La
première à le faire, c'est Brigitte Gemme
qui persiste et signe Montréal, Soleil et pluie, un billet quotidien
d'humeurs. Seule femme à occuper ce
créneau pendant des mois (une
éternité sur le Web), elle est maintenant
rejointe par Dominique Paluck qui nous livre ses
réflexions,
ainsi que des articles, des critiques de films et des
contes, en plus d'un site hommage à
l'émission culte The X-Files.
Femme plurielle, Élaine Lemire anime et tient
à jour à la fois un site personnel,
Bienvenue chez Élaine
où elle
diffuse ses chroniques toujours rehaussées d'un
brin d'humour, et un site ressource, Guide pour parents
d'enfants hyperactifs, un site
référence étoffé, complet
et régulièrement actualisé.
Marie-France Tassé
nous propose une
Route à deux voies, un axe scolaire pour ses
étudiants, et la section des
«divertissements culturels
cybernétiques» comprenant un journal
«La critique du Net», où
des sites sont évalués sur une
échelle de 0 à 5. Pour sa part,
c'est le Site du jour que propose Chantal Roy
depuis sa page personnelle, une sélection
quotidienne de sites francophones.
L'hybride entre la page personnelle et le site à
vocation professionnelle, c'est la tournée de
Martine Gingras,
notre Cyborg favorite, pionnière du genre qui
explore tant le chaos que l'osmose, sans oublier le
cinéma et la bouffe.
Dimension professionnelle, d'abord Netsurf d'Emily
Turrettini, qui a pour vocation de
renseigner quotidiennement sur l'actualité
générale et sur la technologie. Le
propos est davantage axé sur la réflexion
philosophique et sociale dans les MétaFuturs de
Monique Dumont,
apériodique, mais à haute teneur d'octane
intellectuel.
EN GROUPE...
Réflexion et accès aux nouvelles
technologies, Studio XX
(Montréal) est un groupe très actif qui,
en plus d'un site Web, anime des salons techno-artistes
«Les femmes br@nchées», une
série de rencontres informelles qui se tiennent
chaque quatrième vendredi du mois.
Ces quelques sites dont nous venons de parler ne sont
pas un portrait global de la présence
féminine sur le Web francophone. Il y en a
une foule d'autres, et les liens contenus sur ces sites
devraient vous permettre de les découvrir.
RESSOURCES, ÉTUDES, DOCUMENTS
Question de ressources québécoises
spécifiquement destinées aux femmes,
soulignons la section Références pour les
femmes de NETpop. Pas beaucoup de présences Web, mais les
coordonnées physiques et
téléphoniques de bon nombre de services
d'aide et de référence pour la
région métropolitaine.
Le collège américain de Swarthmore
(Virginie) dispose sur son site de ClicNet, un site
culturel et littéraire francophone, où
vous trouverez une liste exhaustive de textes en
français sur la condition féminine.
CYBERGRRLS, WEBGRRLS ET WOMENSPACE
Côté Web anglophone, c'est l'abondance
évidente. Pour vous y retrouver, je vous
suggère le site Femina, une sorte de répertoire à la Yahoo!
entièrement consacré aux sites par ou
pour les femmes.
Comment passer sous silence la page Women's Resources
on the Web du maître artisan de sites Web, David
Siegel, qui n'opte
certes pas pour le nombre de liens proposés,
mais pour leur qualité, tant sur le plan du fond
que de la forme.
J'y vais donc, à mon tour, de mes quelques
suggestions de sites anglophones sur le thème
des femmes.
Le site Brillo ne
vise certainement pas à ramener les femmes aux
casseroles sales, bien au contraire. C'est une
publication électronique de réflexion
où j'ai découvert un article brillant de
Virginia Eubanks, Fortress of Solitude : Travels
in Hyperpornography,
où l'auteure se penche sur un thème
chaudement discuté par les temps qui
courent. Le reste des articles et les autres
numéros sont de même calibre. Ne
manquez pas à chaque numéro la section
Hitlist, la liste des sites à proscrire, comme
celui des femmes pour l'unité aryenne, ou encore
le S.T.R.A.I.G.H.T.: Society To Remove All Immoral
Godless Homosexual Trash, ainsi que Backlash! qui
propose l'élimination du discours
«vagino-élitiste».
Women's Wire, c'est le site
quotidien de nouvelles et d'actualités,
destiné aux femmes. On y aborde tous les
sujets : travail, santé, sexualité,
débats (clonage, les Oscars, habillement).
C'est un site très riche, très actuel et
fort intéressant à consulter,
malgré son optique axée uniquement sur la
perspective culturelle américaine.
J'aime beaucoup les entrevues de Foxy Online, une
autre publication électronique, car elles sont
menées sans ambages, et le choix des personnes
interviewées est fort intéressant.
Mais j'ai aussi bien ri en lisant, vestiges d'une
ère révolue, les conseils que l'on
donnait aux jeunes filles et futures épouses
pour plaire à Monsieur, dans les années
1950 (Home Ec In the 50's), et ce dans le cadre des
cours d'économie domestique.
Autre site de retour en arrière, Women in
America : 1820 - 1942, présente une perspective historique fort
éclairante.
BILAN
Et voilà, c'est notre tour d'horizon du Web
à l'occasion du 8 mars 1997. Un bilan ne
saurait être que bien
éphémère, car on sent qu'il y a
mouvance chez les femmes par rapport à
l'Internet et aux inforoutes. Peut-être pas
aussi rapide que certaines pourrait l'espérer,
mais ça bouge. La semaine dernière
se tenait, à Montréal, le Forum
québécois de l'Internet, un
événement axé sur la formation du
personnel des entreprises. On y a constaté
une bonne représentation des femmes, mais
certainement pas égale à celle des
hommes. Puis, la ministre de la Culture et des
Communications, Louise Beaudoin, a annoncé que
l'un des prochains projets d'envergure du Fonds de
l'autoroute de l'information tiendrait compte de la
question des femmes et des inforoutes.
Formation en entreprise, action positive et
subventions; ces moyens pour rétrécir
l'écart entre hommes et femmes dans
l'appropriation de la technologie ne sont certes pas
à exclure. Mais il semble bien que face
à cette question, comme toujours, rien ne sera
acquis sans la détermination des femmes à
agir pour elles, en fonction de leurs besoins et de
leurs aspirations.
BEAU DÉTOUR
C'est sur quelques images de la photographe Sarah Moon que
nous terminons cette édition spéciale du
8 mars, dédiée à toutes les
femmes, qu'elles soient branchées ou non.
jpc@cyberie.qc.ca
|