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Planète Internet Québec
Numéro 5, mai/juin 1997

RAPPORT AU TEMPS

On a tous constaté, chez soi ou dans notre entourage, que l'Internet modifie le rapport au temps. Soit que l'on se surprenne d'être impatient dans l'attente d'un courrier électronique souhaité, ou que, sans trop s'en rendre compte, on vienne de passer six heures à interroger et dépouiller les résultats d'un moteur de recherche, on voit que l'Internet modifie notre perception de l'instant et de la période.

«Objects in mirror are closer than they appear». C'est la mise en garde gravée dans le rétroviseur de la plupart des véhicules. C'est que pour offrir une perspective plus large on doit introduire une certaine distorsion optique, un «effet grand angle», ce qui nous fait percevoir comme plus éloignés des objets pourtant rapprochés.

Et c'est un peu cette distorsion, mais temporelle, qui nous arrive avec l'Internet. Certains événements, présentement tenus pour acquis, sont quand même encore très près de nous. S'agit-il de rappeler que le premier logiciel en français d'édition HTML ne vient que de célébrer son premier anniversaire? Devrait-on aussi souligner que le mot Internet est apparu pour la première fois dans un grand quotidien au Québec au printemps de 1994? Et pourtant, nombreux sont ceux et celles qui ont l'impression qu'Internet est dans leur vie depuis des lustres.

C'est vrai, tout va extrêmement vite. Récemment, un groupe de spécialistes des communications tentait lors d'une conférence tenue à New York de faire le point sur la publicité sur Internet. Shelley Zallis, vice- présidente principale de la société ASI Market Research, a dit être très confiante que la publicité sur Internet allait connaître très prochainement ses premières heures de gloire (lire de haute rentabilité). Pourquoi? Tout va tellement vite. Selon Zamis, pour atteindre une masse critique de 50 millions d'unités exploitables, il a fallu à la radio 38 ans, à la télévision 13 ans, à la câblodistribution 10 ans. Pour l'Internet, on prévoit 5 ans, c'est-à- dire demain.

Imaginez l'histoire de la téléphonie de 1874 à nos jours : lignes communes, puis lignes privées, interurbains, commutation directe, téléavertisseurs, télécopie, cellulaire, systèmes de communication personnels, messageries vocales, et le reste. Essayez ensuite de comprimer l'ensemble des percées techniques de ce moyen de communication sur une période de cinq ans.

Et encore, le téléphone est essentiellement un outil de communication de personne à personne. L'internet, lui, permet en plus la communication de un à plusieurs, empruntant ainsi aux médias de masse des schèmes de fonctionnement, de structures, de commercialisation.

Mais un danger de cette accélération ne serait-elle pas le manque de temps qu'on laisse à notre société, ses acteurs et ses spectateurs, pour s'adapter. Bon nombre se voient dépassés, croulent sous l'avalanche d'informations parcellisées, se sentent inondés par le déluge informationnel. Un peu comme l'averse tombée trop rapidement, la technologie n'a pas le temps de pénétrer et de féconder cette terre pourtant si fertile. Et la course folle continue. La demie-vie des logiciels est d'environ six semaines; celle du matériel dépasse à peine 12 mois.

Dans le contexte actuel, proposer un moratoire sur le développement relèverait de l'hérésie. Les investissements consentis jusqu'à maintenant sont énormes, le rendement doit s'afficher, et rapidement. Mais penser ainsi c'est oublier que le développement durable, pérenne, ne se fait qu'au moyen de technologie adaptée et intégée qu'il faut donner à la masse, critique ou non, le temps d'absorber.

Jean-Pierre Cloutier

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Mise en ligne : 14 juin 1997