Le mardi 19 octobre 2004, Laurent Laplante a prononcé une conférence dans le cadre des Grandes conférences du mardi de l'Université du troisième âge de Québec. Voici ses notes de conférence.

 


La démocratie a-t-elle fait son temps ?

Introduction

- Nous sommes dans le cadre de l'université du 3e âge. C'est sans doute le bon moment de nous rappeler, comme anciens enseignants ou tout bonnement comme parents ou grands-parents, que la meilleure façon d'apprendre quelque chose, c'est d'essayer d'en parler. Préparer cette conférence m'a convaincu que j'en savais bien peu sur la démocratie. Merci de m'avoir forcé à avouer mon ignorance et à lutter contre elle.

- Raison de plus pour que je mette à contribution des auteurs sérieux. Je m'appuie surtout, au risque de les mal citer à l'occasion, sur des classiques et sur des plus actuels : Platon, Tocqueville, Alain Touraine et, tout près de nous, Louis Balthazar, que vous avez rencontré, et Daniel Jacques, l'un des meilleurs spécialistes québécois de Tocqueville. Qu'ils me pardonnent ma piraterie et qu'ils excusent mes raccourcis.

1. La démocratie a-t-elle fait son temps ?

- Si vous entretenez en vous l'esprit de contradiction, vous avez sûrement corrigé cette question pour en tirer ceci : la démocratie a-t-elle déjà eu son temps ? Si oui, quand et où ? Quand on nous vante les réussites démocratiques d'Athènes, nous nuançons presque automatiquement. Ni les femmes ni les nombreux esclaves ne votaient. Seule s'exprimait une cohorte d'une dizaine de milliers d'hommes dits libres. L'intuition était en place, mais pas l'engouement populaire.

- La réaction est à peu près la même quand on survole quelques-unes des révolutions survenues au cours des derniers siècles. Au départ, à peu près toutes promettaient de disséminer le pouvoir à travers la société et de mieux respecter le peuple, mais la promesse a presque toujours, sinon toujours, été interceptée. Les barons anglais ont fait comprendre au roi que « nul n'est au-dessus des lois », mais l'Angleterre a ensuite connu ce qu'on a appelé les « bourgs pourris », c'est-à-dire des circonscriptions fictives. Lord Somebody parlait au nom d'un électorat inexistant. La révolution française a décapité sa noblesse, souvent au sens strict du terme, mais la bourgeoisie et non le peuple s'est substituée à l'ancien pouvoir. La révolution de 1917 n'a pas transféré le pouvoir des tsars aux moujiks, car la bureaucratie s'est interposée. Au Québec, la révolution tranquille a démocratisé l'éducation, temporairement et partiellement peut-être, mais elle a profité davantage à certains corps intermédiaires, comme les ordres professionnels, les policiers, les enseignants, les médias. Au pied de la pyramide, les changements n'ont pas été si radicaux. Aujourd'hui encore, les enfants d'universitaires sont plus nombreux à l'université que les enfants de ceux qui n'y ont jamais eu accès. Au total, rien de parfait comme performance démocratique. Peut-être la démocratie n'a-t-elle pas encore eu son temps.

2. Y a-t-il une définition unique de la démocratie ?

- Autre façon d'évaluer les progrès de la démocratie, demandons-nous si elle présente toujours les mêmes caractéristiques. Bien sûr, nous avons assez de références grecques pour nous rappeler demos et kratein et pour affirmer que la démocratie est le pouvoir du peuple. À cela s'ajoute l'ajout moderne : le pouvoir par le peuple et pour le peuple. Ce qui ressemble plus à une simplification démagogique qu'à un mode d'emploi utile. Le peuple, en tout cas, ne peut gouverner lui-même, du moins pas dans une société complexe, et il ne sera jamais simple de démontrer qu'une mesure a été adoptée pour le peuple. Retenons quand même que le discours démocratique situe le peuple au centre de l'organisation politique et sociale. Sur ce terrain, le début d'un texte étatsunien fondamental est exemplaire : « We, the people... »

- Un corollaire découle de ces affirmations : pas de démocratie sans un quelconque processus électoral. C'est déjà quelque chose. Notons quand même les limites de ce processus. Aux États-Unis, le vote transite par de grands électeurs. En outre, un peu partout, ce sont les partis qui choisissent leurs chefs et l'électorat choisit entre les chefs. Quand les pays pratiquent le bicaméralisme, une partie du pouvoir retombe souvent entre les élus de personnes non élues. Le peuple a rarement le contrôle complet du pouvoir.

- Le processus électoral débouche sur une forme de parlement ou d'assemblée législative. Là aussi, selon les modes de scrutin, les distorsions sont fréquentes. Règle générale, le parti qui arrive premier bénéficie d'une plus-value, le deuxième est lui aussi surestimé, mais moins que le premier, et les suivants sont désavantagés. Malgré cela, la confusion est courante entre la démocratie et le parlementarisme, avec le résultat que les critiques suscitées par le parlementarisme deviennent des accusations contre la démocratie.

- Rares sont, au-delà du principe de l'élection, les dénominateurs communs entre les régimes dits démocratiques. Une théorie répandue souhaite la séparation des pouvoirs et elle ne manque pas de mérites. Sans doute se souvient-on du cumul des rôles pratiqué par saint Louis. Selon l'imagerie populaire, saint Louis, roi de France, rendait la justice en public sous un grand chêne. Il incarnait à lui seul le pouvoir législatif puisqu'il définissait la loi, le pouvoir exécutif car il commandait les armées pour la croisade et le pouvoir judiciaire en interprétant lui-même la loi. On a jugé nécessaire de modifier la doctrine.

- La pratique s'écarte cependant très souvent de cette doctrine. Les États-Unis, comme le montre bien Louis Balthazar, ne remettent pas la théorie en cause, mais ils la contournent : les pouvoirs sont séparés, mais ils ne sont plus égaux. La primauté de la présidence stérilise le merveilleux système des « checks and balance ». Le Canada, depuis le demi-rapatriement de la constitution, est assis entre deux chaises : il a une constitution comme les États-Unis, mais chaque fois qu'un parti détient la majorité en Chambre une seule personne contrôle le pouvoir législatif, le pouvoir exécutif et nomme les détenteurs du pouvoir judiciaire. D'autre part, certains anachronismes subsistent chez nous qui fleurent bon l'arbitraire du prince. À titre d'exemple, la date des élections relève toujours, étrangement, du caprice du premier ministre.

- D'un pays à l'autre, la démocratie change de visage. La France, particulièrement changeante dans ses constitutions et ses modes de scrutin, aime bien le régime présidentiel, mais n'interdit pas la cohabitation. Elle pratique selon les années la proportionnelle, le scrutin direct à deux tours, le cumul des fonctions électives ou leur séparation...

- Contrairement au Canada où le gouvernement central nomme ceux et celles qui arbitreront les litiges entre les provinces et Ottawa, la France a un conseil constitutionnel plus équilibré pour connaître de ces litiges. Israël pratique la proportionnelle pure et parfaite, ce qui multiplie les partis et accroît le poids des extrémismes. L'Allemagne, prudente et passablement décentralisée, pratique une proportionnelle pondérée et s'en remet aux länder d'une foule de décisions. Le Mexique a réussi le tour de force de nommer un parti « Parti de la révolution institutionnelle » (PRI) et de le garder au pouvoir, par scrutin démocratique assurément, pendant 75 ans. Ne rions pas, car nous avons un parti à la fois progressiste et conservateur et un Nouveau Parti Démocratique qui prend de l'âge. Et je ne dis rien des élections donnant au vainqueur 99 % du suffrage. Je serais tenté de parodier madame Rolland : « Démocratie, démocratie, que d'inventivité on déploie en ton nom ! »

- Heureusement, il arrive que des mécanismes bizarres donnent de bons résultats. Ainsi, la France, coincée entre l'extrémisme de Le Pen et la droite de Jacques Chirac, s'est rangée massivement (92 %) du côté de Chirac. En mettant fin brutalement à la cohabitation et en renvoyant la gauche dans les limbes, la France a pu parler avec force et consensus. Sans les excès de Le Pen, la France n'aurait pas pu s'opposer aussi clairement à l'invasion de l'Irak. Cercle vertueux ?

- Pas facile, on le voit, de porter jugement sur la démocratie.

3. Politique et société

- On admettra néanmoins que la démocratie dépend de la société dans laquelle elle s'incarne autant ou plus que des principes abstraits de la science politique. Cette dépendance mutuelle entraîne des conséquences d'au moins deux ordres. D'une part, chaque société définira la relation entre sa culture et la démocratie. D'autre part, l'exportation de la démocratie et surtout d'une démocratie particulière requerra une délicatesse presque surhumaine.

- La relation entre la société et la politique ne saurait surprendre. En schématisant à outrance et imprudemment, on peut s'attendre, par exemple, à ce que le culte de l'égalité inscrit dans l'histoire de la France l'incite à multiplier les tendances, les écoles de pensée, les partis. Il aura fallu toute l'habileté d'un Mitterrand pour regrouper la gauche et le regroupement, c'est le moins qu'on puisse dire, ne lui a pas survécu spontanément. Chacun tient à son égalité, quitte à contribuer à la multiplication des partis. La liberté elle-même consentira même à quelques sacrifices s'il lui est démontré qu'aucun passe-droit n'est accordé. L'Italie, dont l'unité ne remonte pas loin dans le temps, garde quelque chose du morcellement qu'elle a longtemps connu sur le plan politique. L'Angleterre trouvera plus pragmatique de s'en tenir à deux partis, au maximum trois. Aux États-Unis, le groupe, l'association, le lobby interviennent de façon systématique entre la société et la politique. Il n'y a que deux partis, mais d'innombrables influences traversent la société et lui permettent d'agir sur la législation et la politique internationale.

- Selon les époques et les pays, les programmes politiques sont futiles ou importants, inexistants ou trompeurs. La gauche de Mitterrand a rarement gouverné à gauche, les travaillistes de Tony Blair sont partagés entre leurs traditions et un conservatisme qui leur vaut des succès financiers.

- S'il en est ainsi en différents contextes, peut-être faut-il remonter un instant en arrière. Au cours des années 60, des dizaines de pays ont accédé à l'indépendance. Les empires se morcelaient. La riposte financière est venue rapidement : les conglomérats et les grandes institutions que sont le Fonds monétaire internationale ou la Banque mondiale ont vite édicté des normes qui ont souvent réduit à presque rien la souveraineté des États. On a laissé en place la démocratie formelle, mais les décisions ont été prises de plus en plus à un autre palier. Les dirigeants politiques ont été souvent de simples paravents. Il est difficile d'attendre grand-chose de la démocratie quand les élus sont encadrés par Standard & Poors. Il est également aléatoire de reprocher à un pays sa politique internationale s'il fait l'objet des pressions du FMI ou si on le menace de sanctions économiques dans l'hypothèse où il ne participerait pas à une guerre préventive.

- Une réalité dont on tient trop peu compte en analysant la démocratie, c'est la présence, en face du peuple et des êtres humains, des personnes morales. C'est une invention occidentale que cette prétention de créer des êtres éternels, invisibles, capables d'ubiquité. Au lieu de demander si les robots finiront un jour par penser, peut-être devrions-nous regarder ce qui nous reste de pouvoir après le passage des personnes morales que nous avons créées. (Cf. Lévesque-Kierans).

4. La désaffection à l'égard de la politique

- Il y aurait, selon certains critiques, désaffection croissante par rapport à la politique. Le principal argument invoqué est celui de la moindre participation dans les scrutins. Cela est particulièrement vrai aux élections municipales et scolaires, mais vérifiable aussi dans les scrutins québécois et fédéraux.

- Raisonner ainsi est à la fois juste et réducteur. Ce ne sont pas toujours les citoyens qui s'abstiennent. Quand il n'est pas possible de débattre en chambre du bouclier antimissiles, la démocratie perd une tribune importante. Ce n'est pas toujours un mal, car ce sont les manifestations publiques du Québec qui ont empêché le gouvernement Chrétien de se rallier à l'invasion de l'Irak. Difficile de voir là un recul de la participation démocratique. Tenons compte, en plus, des diverses facettes de la participation démocratique. Celle qui semble en crise, c'est la démocratie parlementaire qui fait la part trop belle aux stratèges et aux partis. La démocratie demeure vivante dans d'innombrables activités. D'ailleurs, quand le pouvoir est partagé, comme c'est le cas présentement au Canada, même la démocratie parlementaire réapprend la politesse.

- Il serait sans doute plus juste de comprendre que le citoyen d'aujourd'hui réclame un processus politique proche de son quotidien et dont il puisse s'expliquer les décisions. Si on le lui refuse, c'est vers la démagogie et une immédiateté sauvage qu'il se tourne. Si l'ADQ est mal traitée par le mode de scrutin, elle compense en proposant des orientations populistes qui peuvent limiter ses choix futurs. Si elle n'obtient pas le statut de parti reconnu, elle prend les ondes ou la rue. Si la Californie regrette son vote de l'année précédente, elle s'octroie le droit d'en rejeter les résultats. À l'inverse, un pays comme le Vénézuela, qui a sagement prévu une évaluation de mi-mandat, résiste aux coups de force tentés de l'extérieur et tablant sur la classe possédante. J'avoue avoir plus d'admiration pour la prudence du Vénézuela que pour les sautes d'humeur californiennes.

- La solution ne réside pas dans les coups de force, mais dans l'amélioration des conditions d'exercice de la démocratie. J'entends par là qu'il faut contrer la concentration de la presse, rendre inamovible la date du scrutin, refléter fidèlement la volonté populaire dans la composition de la chambre, réduire le rôle des démarcheurs, exiger la transparence sur l'origine des projets de lois, instaurer d'urgence une forme de proportionnelle, mettre à la disposition des individus les avantages financiers présentement réservés aux partis, resserrer les contrôles sur les contributions occultes aux caisses électorales (tournois de golf...)...

5. Démocratie, éthique et individualisme

- Tocqueville admirait l'idéal démocratique, mais il redoutait certaines retombées de la démocratie. Il craignait même la dictature de la démocratie. Platon ne se faisait pas non plus d'illusion. À force de favoriser l'individualisme, la démocratie cultive la démission, l'atomisation de la société, l'opacité des pressions.

- Le risque d'une dictature de la démocratie est d'autant plus grand aujourd'hui qu'une confusion règne entre démocratie et majorité. (Exemple de la tarte partageable en cinq et interceptée par une majorité de trois au détriment des deux laissés-pour-compte.) La différence entre le totalitarisme et la démocratie réside précisément là : dans le fait que les minorités conservent en démocratie le droit de s'exprimer. Les langues reconnaissent pourtant la différence entre le peuple et la foule, entre the people, the crowd, the mob rule... Conclure, parce qu'il y a foule, que la loi doit changer immédiatement et avantager exclusivement et de façon immédiate un groupe important ou même majoritaire, cela ressemble à la démagogie plus qu'à la démocratie. Un pays comme la Suisse recourt fréquemment au référendum, mais elle requiert quand même des participations plus exigeantes s'il s'agit de toucher à des textes fondamentaux.

- Ne concluons pas trop vite à une dégradation morale de la vie collective. La culpabilisation des citoyennes et des citoyens est un paravent pour faire oublier que le système et ses familiers résistent à la transparence. L'état actuel de la démocratie peut et doit inspirer le doute, la vigilance, la lucidité, mais pas la culpabilité.

- Daniel Jacques est clair : l'individualisme moderne n'est pas une tare du coeur, mais un défaut de l'intelligence. Il y a soi et les droits universels. On sépare politique et société. On ne voit plus ce qui pourtant existe entre l'État et soi. Avant le révolution tranquille, il y avait soi, des solidarités diverses et un État embyonnaire. Depuis que l'État a laissé croire qu'il pouvait s'occuper de tout, l'individualisme s'est développé au détriment du palier intermédiaire. Nos parents qui ont élevé des familles sans filet de sécurité restaient attentifs aux besoins de l'entourage. Quand l'État s'est employé à faire disparaître différentes causes d'insécurité, l'individualisme a pris de l'expansion : les solidarités horizontales se sont affadies. La démocratie formelle a subi certaines retouches, mais les consensus sociaux sont devenus plus difficiles.

- Une grande différence existe - et c'est agréable de pouvoir en parler entre nous sans expliquer d'abord qui était Réal Caouette - entre la pédagogie de la démocratie moderne et celle qui prévalait au temps du Crédit social. Au temps de Réal Caouette, il y avait ce que les analystes américains de la communication ont appelé le « two-step flow ». Entre Caouette et ses fervents créditistes, il y avait les discussions sur le perron de l'église. On avait écouté Caouette et on expliquait Caouette. Il y avait, au vrai sens du terme, une médiation entre le chef de parti et la base. C'est ce palier intermédiaire qui est disparu.

- Ce ne sont pas seulement les gens modestes et peu instruits qui ont besoin de ce palier intermédiaire. Souvenons-nous de l'ICAP, l'Institut canadien des affaires publiques, qui médiatisait de la même manière les grands débats sociaux. Pensons aussi à ce qu'étaient les médias avant que la concentration de la presse les rende à peu près interchangeables ou dévoués aux intérêts des conglomérats. Tocqueville avait prévu, tout en vantant la démocratie, que les démocrates seraient aussi des individualistes et que le palier intermédiaire risquait de dépérir et, avec lui, le liant social.

- Cela est particulièrement observable dans le culte dont jouissent les sondages. Ceux-ci ignorent complètement les associations, les groupes de pressions. S'il y a débat télévisé, le sondeur intervient avant que le citoyen ait pu discuter avec son environnement. On le veut nu, isolé, coupé des influences collectives, sans ses solidarités professionnelles, amicales, familiales. Le sondage fait du citoyen un solitaire et il le traite en solitaire ; il ne faut pas s'étonner si le solitaire tire ses propres conclusions des révélations du sondage : il ne bougera que si les sondages lui indiquent la pertinence ou la rentabilité d'une intervention. Ce n'est pas toujours le cas.

- Tocqueville l'avait d'ailleurs prévu : en cultivant l'individualisme, la démocratie homogénéise sans apparenter. « Le pouvoir en vient à se concentrer en proportion de la solitude des hommes ; moins ils sont liés, plus l'État étend nécessairement son influence sur la société tout entière. À cela s'ajoute le fait que l'individu, désormais privé des repères de la tradition, s'en remet (... ) à l'opinion publique, se cherchant une identité parmi les images qu'elle véhicule. En conséquence, le développement de l'individualisme pourrait bien conduire - quelle que ce soit par ailleurs l'opinion des individus quant à l'origine de leur existence - à une uniformisation graduelle de l'ensemble du corps social » (Jacques, p. 74-75). Conclusion de Tocqueville : « ...le grand objet du législateur dans les Démocraties doit donc être de créer des affaires communes, qui forcent les hommes à entrer en contact les uns avec les autres ».

6. Exportation impossible

- Exporter la démocratie n'est pas chose facile. Peut-être est-ce même une chose impensable. Certes, on peut imposer la règle électorale à un pays qui ne la connaît pas, mais on se place en situation paradoxale : comment exiger une élection sans se substituer à la souveraineté nationale ? D'autre part, si chaque démocratie est, comme je le crois, intimement dépendante de la culture nationale, comment une nation peut-elle plaquer sa démocratie sur la culture d'un autre État ? Comme chaque pays voit son système démocratique assailli par les initiatives des individus et des groupes qui veulent se substituer au peuple, il n'est d'ailleurs pas facile de prévoir quelles formes prendront les distorsions et les interceptions dans un pays autre que le sien...

Conclusion

- La démocratie étant une utopie toujours éclairante, mais jamais achevée, comment lui reprocher d'avoir raté son passage ? Elle est inachevée, peut-être en proie à des distorsions d'une ampleur particulière, mais elle est encore capable de merveilles.

- On l'évalue de façon trompeuse si on limite l'examen au terrain proprement parlementaire et si, en plus, on se borne aux aspects rigides du processus électoral. Il convient de voir la démocratie dans l'ensemble de ses capacités politiques, mais aussi sociales.

- L'individualisme est une retombée équivoque de la démocratie. S'il n'est pas tempéré par la création ou la résurrection de mille solidarités horizontales, il achèvera de vider la démocratie de son sens. Ce ne sera pas un péché d'égoïsme, mais un manque de lucidité.

Merci de votre attention.

Dixit Laurent Laplante