Dixit Laurent Laplante, édition du 3 janvier 2005

En guise d'adieu

L'aventure de Dixit se termine ici. Je crains trop l'ironie de la vie pour oser écrire le mot jamais. Prudemment, je me bornerai à ceci : Dixit disparaît sans promesse de retour.

Pourquoi? En partie pour les raisons prévisibles : fatigue, santé, coût excessif de ce bénévolat... Mais surtout pour des motifs d'ordre professionnel. Je l'ai souvent dit, le métier d'analyste est de ceux qui, à mes yeux, ne peut ni ne doit se pratiquer de façon trop prolongée. Au bout de quelques années, trois ou quatre dans mon cas, les rengaines se multiplient, les redites surabondent, la pensée s'embourgeoise. Lectrices et lecteurs n'ont qu'à lire le titre et à repérer ma signature pour deviner ce qui se loge entre les deux. Il est temps d'aller faire autre chose.

Ma vie durant, par choix personnel ou sous la pression des circonstances, j'ai pratiqué l'alternance entre l'analyse journalistique et l'immersion dans une activité circonscrite. Après quatre ans dans un hebdomadaire de la Côte-Nord et deux ans à la direction du quotidien L'Action, je me suis plongé dans une commission d'enquête sur l'administration de la justice. Au début de cette transplantation, je jetais sur la justice, le crime et les criminels le regard d'un homme de droite; j'en suis sorti scandalisé des inepties et des cruautés du système. Je pouvais écrire autrement. Après quelques années à l'éditorial du Devoir et du Jour, je suis passé à la Régie des services publics, avant d'assumer la présidence de la Commission de l'évaluation au Conseil des collèges. Ces années de travail discret me déroutèrent, mais elles me permirent elles aussi de revenir à l'analyse journalistique moins prisonnier de mes marottes et plus sensible à d'autres réalités. Quitter un métier dont les responsabilités sociales sautent aux yeux ne fut jamais facile; le quitter quand même ne fut jamais stérile.

Mon travail d'analyse doit trop à ces périodes de recul, de renouvellement et de dépaysement pour que je m'entête à rouler dans les ornières de Dixit. Il est temps pour moi de suspendre le beau butinage que constitue l'analyse à chaud de l'actualité, temps de mener une réflexion circonscrite, temps peut-être d'écrire un livre. Le septuagénaire que je suis devenu en 2004 n'aura peut-être pas l'occasion ou l'énergie de revenir ensuite à un travail d'analyse aussi astreignant que Dixit, mais, si cette chance m'était de nouveau offerte, je m'y serais préparé de mon mieux.

Je remercie de toute la force de mon amitié Mychelle Tremblay dont la recherche intelligente et généreuse a tant de fois guidé ma rédaction, Jean-Pierre Cloutier qui a inventé la formule de Dixit et qui en a constamment soutenu la survie. Merci à celles et à ceux qui nous ont lus. Un merci particulier à celles et à ceux qui nous ont fait l'amitié de commentaires.

Bonne année 2005.

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URL : http://www.cyberie.qc.ca/dixit/20050103.html

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