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Dixit Laurent Laplante
Québec, le 2 septembre 2002

Notes éparses

Trop d'événements sollicitent mon attention ou titillent mes nerfs pour que je laisse toute la place à un seul sujet.

Bush et baseball
Il était touchant d'entendre le président américain supplier les propriétaires d'équipes et les joueurs professionnels de ne pas déclencher un arrêt de travail au moment où l'on doit commémorer les attentats du 11 septembre. Crainte de voir les nouvelles à propos des négociations occuper trop d'espace par rapport au spectacle son et lumières en préparation? Désir de ne pas laisser deux institutions américaines, le patriotisme et le baseball, se nuire l'un à l'autre?

Je pense à la justesse infiniment drôle du superbe roman de Philip Roth, The Great American Novel, où il est démontré que le baseball est un pilier du civisme américain. Toucher au baseball, c'est commettre un crime de portée fondamentale. À une certaine époque, raconte Roth le plus sérieusement du monde, il y avait trois ligues de baseball aux États-Unis : Américaine, Nationale... et Patriote. Lorsque l'on découvrit que la ligue Patriote avait été infiltrée par les communistes, le gouvernement décréta son abolition. C'est pourquoi on ne trouve plus trace que de deux ligues dans les statistiques... Peut-être M. Bush aurait-il dû menacer les gens du baseball de frappes préventives, tant les valeurs américaines étaient menacées.

Afghanistan
Toujours aussi peu d'informations au sujet de l'Afghanistan. On a quand même dû relever enfin le nombre de personnes tuées, militaires et civiles, bonnes et méchantes. On a quand même dû additionner les différentes bavures et signer quelques chèques. Et évaluer les dommages causés. Dénombrer, ne serait-ce que par inventaire perpétuel, le nombre de mines antipersonnel ajoutées au stock déjà monstrueux de l'Afghanistan. Combien y a-t-il encore de soldats étrangers? Que font-ils? Cherchent-ils encore quelqu'un? La construction des infrastructures pétrolières et gazières a-t-elle commencé à l'abri des regards? À croire qu'une guerre disparaît de l'actualité en devenant éternelle. À croire que les médias ont un meilleur accès à la Tchétchénie.

Comme il est maintenant question de synchroniser le rappel tonitruant des attentats de 2001 avec des gestes contre l'Irak et contre le Vénézuéla, il est à craindre qu'un compte rendu fiable à propos de l'Afghanistan cesse d'intéresser l'opinion à compter des prochains jours. Selon la technique appliquée depuis septembre dernier, une information vient systématiquement chasser la précédente. Le compte rendu sur l'Afghanistan pourrait, en raison du rôle joué systématiquement par le Pakistan et ses services secrets dans les affaires intérieures de son voisin, comporter quelques mots sur le durcissement et la prolongation du régime militaire de Musharraf. La défense de la démocratie semble, en effet, s'accommoder sans heurt de la dictature du général pakistanais. Quelle est la différence entre la dictature irakienne et la tyrannie pakistanaise?

Savoir passer le témoin
Je m'explique mal l'intrusion de l'ancien premier ministre Jacques Parizeau dans le débat portant sur l'entente entre des nations autochtones et les gouvernements de Québec et d'Ottawa. D'une part, ce n'est pas en imitant les anciens premiers ministres fédéraux Diefenbaker et Trudeau qui n'ont jamais su s'en tenir à une retraite élégante et discrète que M. Parizeau va rendre service. D'autre part, M. Parizeau est en retard de plusieurs trains s'il croit toujours possible d'arracher aux autochtones l'extinction de leurs droits. Ce temps est révolu et doit le demeurer. M. Parizeau a tort quant au fond et quant à la manière.

Vengeance de M. Parizeau à l'égard de son successeur Bernard Landry? Probablement pas. De toutes manières, comment savoir? Je crois tout simplement que M. Parizeau, qui s'est rarement trompé, n'est pas habitué à remettre ses intuitions en question. Il a mis du temps à reconnaître l'erreur commise dans la nationalisation de l'amiante. Il n'a jamais reconnu que l'idée de loger un premier ministre dans une résidence offerte par une chambre de commerce était une indécence. Son verdict sur les droits ancestraux s'inscrira probablement parmi ses rares erreurs et ses pires entêtements.

Piétinements de Johannesbourg
Ce que Rio a fait, Johannesbourg peut le défaire. Rio avait suscité fierté et enthousiasme en donnant aux humains l'espoir d'un développement rendu compatible avec la survie de l'espèce et le mieux-être des prochaines générations. Johannesbourg retentit plutôt des bruits de freins : report des échéances, tolérance face à l'intolérable, appel au réalisme débilitant, escamotage des responsabilités des pays riches, intrusion massive de la désinformation, morcellement délibéré de l'ordre du jour...

Le pire, c'est peut-être le malaise qui s'est infiltré à l'intérieur même du choeur des ONG. À Rio, on se découvrait et on se sentait en complicité. Depuis Davos, certaines ONG ont accepté, comme un « beau risque », de faire un bout de route avec les transnationales et d'explorer toutes les possibilités de coexistence pacifique imaginables entre les tenants du dividende à tout prix et les missionnaires de l'équité, de la transparence et de la gouvernance humanisée. Le pot de terre acceptait de faire un bout de chemin avec le pot de fer. S'agissait-il de naïveté? Pouvait-on espérer vraiment une entente entre les carnassiers et les brebis? Toujours est-il que, depuis les derniers flirts, beaucoup des missionnaires observent leurs confrères de manifestations avec méfiance en cherchant à savoir s'ils voisinent avec un masque ou avec un allié. Quant de puissants intérêts capitalistes arborant des noms dans le style World Business Council for Sustainable Development participent avec une ferveur verbeusement généreuse à la « réflexion communautaire », il est peut-être prudent de ne pas croire ce qui est inscrit sur les macarons des délégués. De Rio à Johannesbourg, la récupération du discours écologiste par des intérêts souriants et trompeurs a beaucoup progressé, sans entamer la voracité du libéralisme tout terrain.

Et le Canada?
Le premier ministre Chrétien a tardé comme à plaisir à faire connaître la position canadienne au sujet de Kyoto. Il a allégué avoir besoin de consulter les provinces. Il lui aurait pourtant suffi de lire les journaux pour y trouver depuis des semaines les objections albertaines et les réticences de certaines chambres de commerce. M. Chrétien aurait été plus crédible s'il avait honnêtement posé la question à laquelle en arrivent le ministre québécois Jean-Pierre Charbonneau et tel premier ministre de l'Ouest : le gouvernement fédéral doit-il attendre avant d'agir que l'unanimité se fasse entre le gouvernement central, les provinces et les territoires? Poser la question, c'est y répondre, n'en déplaise à M. Charbonneau, et le gouvernement central montre des scrupules bien tardifs et peu crédibles quand il fait semblant de reconnaître un droit de veto à qui que ce soit. M. Charbonneau doit pourtant savoir que, oui, nous vivons sous le règne du fédéralisme impérial.

M. Chrétien aurait complété correctement sa description des enjeux s'il avait soupesé à haute voix les deux versants de son alternative : obéir au président Bush ou respecter l'appui que 75 pour cent des Canadiens donnent au protocole de Kyoto.

De belles occasions pour Mario Dumont
L'actualité offre au parti politique montant, l'Action démocratique du Québec, de bien belles occasions de pratiquer la philosophie censément rajeunie dont il nous promet les bénéfices. Or, M. Dumont les laisse filer sans grands commentaires. On veut bien qu'un parti se méfie des carcans idéologiques caractéristiques des formations politiques vieillissantes et cartésiennes, mais nous aimerions bien, pauvres électeurs obtus, que la nouvelle garde fournisse quelques exemples de ce qu'elle fera une fois aux commandes. Pas un programme, mais des aperçus. Pas une théorie, mais une leçon de choses. Pas des plans quinquennaux, mais un tour de piste. Apparemment, Mario Dumont préfère laisser à l'électorat le plaisr de la découverte : « Élisez-nous d'abord et vous verrez de quoi nous sommes capables ».

Pour prudente et classique (vieille?) qu'elle soit, cette esquive engendre une certaine inquiétude. Le chef de la fringante ADQ, M. Mario Dumont, a beau promettre à l'État québécois une cure d'amaigrissement, on aimerait savoir si un gouvernement adéquiste interviendrait auprès de l'agonisante municipalité de Murdochville. On aimerait le voir se situer dans le débat sur les relations entre les nations autochtones et les gouvernements québécois et canadien. On aimerait l'entendre à propos des suppressions d'emplois pratiquées par General Motors. Tout comme on aimerait que l'ADQ dise si, à propos de Kyoto, elle s'aligne avec le courant écologiste ou avec les pétrolières. Que M. Dumont se rassure, nous n'en déduirions pas qu'il s'est empêtré dans un programme; nous saurions tout simplement si les adéquistes sont de simples attentistes.

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