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Québec, le 5 août 2002 Un temps qui ne mise que sur l'ordre Ordre et liberté ne font pas toujours bon ménage. Il est d'ailleurs sain que les deux besoins exercent des pressions contraires. Trop d'encadrement stérilise l'initiative et la pensée; une liberté romantiquement illimitée pave parfois la voie à la démagogie, à l'exploitation des naïvetés, à la surenchère de tous les appétits. J'ai malheureusement le sentiment que nous vivons, à en juger par diverses personnalités, une période de déséquilibre où seul le souci de l'ordre, de l'autorité et du contrôle trouve son compte. Le cas Kofi Annan Quand on lui a intimé l'ordre de constituer une commission d'enquête sur les événements de Jénine, Kofi Annan a donné suite à l'exigence. Israël a gagné du temps en faisant mine de collaborer avec les enquêteurs. Ariel Sharon a ensuite fait volte-face et a torpillé l'enquête exigée par l'ONU. Docilement, Kofi Annan a pris acte de l'attitude d'Israël et a démembré son inutile commission. Les choses auraient pu en rester là et la mesure aurait déjà été dépassée. Non, il a fallu que quelqu'un, doté d'un sens de l'humour plutôt douteux, exige de Kofi Annan qu'il rédige quand même un rapport sur Jénine. Obéissant et même servile, Kofi Annan a donc raconté des événements qu'il n'a pu observer. Le rapport ne fait honneur à personne. Israël, qui a stérilisé l'enquête et ridiculisé Kofi Annan, louange un rapport inepte. Comme si ce n'était pas assez, Kofi Annan a décapité le Haut-Commissariat aux droits de l'homme au motif patent, mais inavoué, que la présidente Robinson critiquait trop volontiers l'inaction américaine. Autre geste glorieux de la part d'un secrétaire général qui gouverne l'ONU selon la conception américano-israélienne de l'ordre mondial. Une Église à peine moins triomphante L'Église a si peu perdu sa propension au triomphalisme qu'un archevêque québécois s'en prenait ces jours derniers aux médias francophones coupables, selon lui, d'avoir minimisé les aspects positifs des Journées mondiales de la jeunesse et mis en exergue l'arrestation de prêtres pédophiles. À l'entendre, la société québécoise fut autrefois trop complaisante à l'égard du clergé et elle se rachète aujourd'hui par une sévérité excessive. Autrement dit, la société eut tort d'être complaisante et elle a tort de se montrer pointilleuse. Dans cette analyse, la société a tort quoi qu'elle fasse et l'Église échappe à tout regard externe. Un ordre toujours triomphant malgré la tristesse et la honte. Aurait-il fallu que, au nom d'un ordre qui ne rend de compte à personne, le Woodstock papal occulte un problème grave? Frapper au nom de l'ordre En brandissant la matraque contre des individus au lieu de modifier le système qui engendre les conflits d'intérêts, les États-Unis persévèrent dans une politique qui assure un ordre malsain. Ce pays punit plus que tous les autres, mais conserve ses championnats de la criminalité. Plus de Noirs croupissent dans les prisons américaines qu'il n'y en eut jamais dans les prisons d'Afrique du Sud au temps de l'apartheid. Un ordre assuré de cette manière est un déshonneur. À l'autre bout du monde, Ariel Sharon déduit la même chose de sa conception de l'ordre. Il faut frapper jusqu'à l'agenouillement d'une nation, frapper de plus en plus fort à mesure que les coups et les assassinats se révèlent inefficaces. Ainsi, Israël, gouvernée par l'armée et les services secrets, se déshonore en autorisant l'expulsion des familles des kamikazes. Et si, d'aventure, quelqu'un ose dire qu'on n'a de preuves que contre un seul des 21 membres d'une famille, la réponse du pouvoir est ignoble : comment faire peur si l'on n'expulse qu'un individu et non pas 21? L'ordre, qui tient à faire peur parce qu'il voit dans la peur un levier efficace, exige, pour faire nombre, qu'on jette dans le même sac innocents et coupables. L'ordre ainsi conçu transforme en bourreau un peuple martyr. Et un certain juge |
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© Laurent Laplante et les Éditions Cybérie |