Dixit Laurent Laplante
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Québec, le 21 septembre 2000
Des jeux toujours trompeurs, mais désacralisés

Nous n'échappons pas, en raison de la connivence de maints intérêts, au déferlement médiatique que suscitent tous les quatre ans les jeux olympiques.  Gavés de ce qu'ils aiment et peuvent comprendre, les médias répercutent vers nous des images, des records, des tricheries, des déceptions, des instants de gloire.  Ils en oublient que les jeux n'ont guère changé.  Seule amélioration, on en soupçonne un peu plus sur leur aptitude congénitale à la tricherie et on se laisse moins éblouir par leur auréole de fabrication maison.

Le Comité internatonal olympique (CIO) prétend s'être réformé en profondeur.  À l'examen, on constate que l'inclusion dans le CIO de quelques rares personnalités plus représentatives des légitimités politiques n'empêche pas l'organisme d'être encore, très majoritairement, un club privé où un pouvoir colossal appartient à des gens cooptés.  Sa Majesté Juan Antonio Samaranch intimide toujours les capitales, mais il n'est représentatif que de sa personne.  Son titre d'Excellence est usurpé.  Ceux et celles qu'il a recrutés selon son bon plaisir ont encore moins de valeur représentative.  Selon des sources britanniques, certaines nouvelles figures du CIO, bien loin d'assainir la situation et d'accroître la légitimité de l'organisation, entretiendraient de peu rassurantes relations avec le crime organisé.

On aura également remarqué que le CIO, un instant sensibilisé à la vénalité de ses membres, a négligé d'examiner la sélection de Sydney avec l'attention minimale montrée à propos de Salt Lake City.  Pourtant, la victoire de Salt Lake City fut si nette que même la pire corruption ne pouvait l'expliquer à elle seule : dès le premier tour, la ville américaine obtenait plus de voix que toutes les autres candidatures réunies.  Sydney n'appartient pas à la même catégorie.  Sa victoire sur Beijing n'a été remportée que par deux maigres voix et pourrait tout devoir, elle, aux moeurs douteuses qui caractérisent le CIO depuis longtemps.  Ceux qui ont cru à une quelconque contrition de la part du CIO n'ont certes pas creusé longtemps le dossier de Sydney.

Le CIO, d'autre part, prétend avoir lancé enfin une offensive sérieuse contre le dopage.  Le président Samaranch a même promis que les jeux de Sydney seraient totalement propres.  À l'examen, le compte n'y est pas.  D'une part, parce que les contrôles antidopages ne sont effectués que sur un infime pourcentage des athlètes et ne cherchent à détecter que certaines substances et non tous les produits dopants.  D'autre part, parce que le CIO et les diverses fédérations internationales s'entendent pour rendre poreuse la réglementation applicable aux cas de dopage.  Ainsi, le sauteur cubain Sotomayor participe aux jeux alors qu'il ne le devrait pas, le cavalier canadien Lamaze est blanchi par l'arbitrage, mais heureusement banni par sa fédération nationale, les haltérophiles roumains déclarés « propres » participent aux jeux, malgré la réglementation, en échange d'une amende de 50 000 dollars, un médaillé d'argent bulgare perd son titre de vice-champion...  La conclusion la plus plausible qu'on puisse tirer, c'est que la dissimulation du dopage, surtout dans les pays mieux équipés, a progressé plus vite que ne veut le faire la détection olympique.

Deux autres maux perdurent.  Le premier, c'est l'acharnement que mettent le CIO et les pays participants à imprégner les jeux olympiques d'un chauvinisme triomphant.  Le second, c'est que le choix et la prolifération des disciplines favorisent toujours davantage le spectacle aux dépens du sport.

On persiste, en effet, même si les jeux sont censés couronner des athlètes et non des pays à faire retentir les hymnes nationaux à chaque médaille.  Et le tableau des médailles s'obstine à comparer les pays.  Dans les deux cas, les vanités épidermiques des pays interceptent le mérite de l'athlète et l'hommage promis à la fraternité universelle est enterré sous les accents cocardiers.

Quant au choix des disciplines, il contredit sans vergogne les principes toujours inscrits dans les diverses moutures de la charte olympique.  Les sports ne deviennent disciplines olympiques, répètent les chartes successives, que s'ils sont pratiqués de façon massive dans un très grand nombre de pays.  Le soccer plutôt que le dressage des chevaux, la course à pied plutôt que le parachutisme.  S'il était respecté, ce principe établirait une distance entre l'olympisme et l'élitisme.  Ce n'est pas le cas quand les jeux accueillent des disciplines aussi artificielles et peu répandues que le triathlon, aussi étrangères au sport que la nage synchronisée, aussi indésirables que la boxe.

Le progrès accompli face à l'olympisme, c'est sa désacralisation.  Il ne parvient plus à se maquiller en mouvement éducatif et révèle sa voracité financière.



Voir aussi Le CIO demeure un club privé (16 décembre 1999)

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© Laurent Laplante / Les Éditions Cybérie, 1999, 2000
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