Dixit Laurent Laplante
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Québec, le 14 août 2000
Autour de Ginette et de Jean-Pierre

En blâmant avec emphase et mauvaise foi la présence des artistes Ginette Reno et Jean-Pierre Ferland à un mariage placé sous le haut patronage des Hell's Angels, une certaine presse se donne bonne conscience.  Soyons d'accord avec elle pour blâmer nos deux vedettes, mais, de grâce, ne les laissons pas seules à boire le calice jusqu'à la lie : ils sont nombreux, en effet, ceux qui ont rentablement préparé ce manque de jugement et qui, pourtant, lancent aujourd'hui la pierre.

Commençons quand même par nos deux vedettes.  Ginette Reno déclare avoir vécu une expérience regrettable.  Jean-Pierre Ferland dit être sorti sitôt sa chanson offerte.  Les deux affirment, comme si cela n'était pas un facteur aggravant, qu'ils n'ont reçu aucun cachet pour leur performance.  Tous deux admettent que des gens peuvent penser que...  Aucun des deux n'avoue clairement, grâce dans au moins un cas au beau travail d'une grosse entreprise de relations publiques, avoir commis une malpropreté de première grandeur.  Comme façon d'empocher les avantages de la notoriété sans en assumer les responsabilités, on ne fait pas pire.

Mais regardons aussi autour de nos deux Ponce Pilate.  Guy Fournier a eu pleinement raison de demander, en entrevue à Radio-Canada, si le clergé, dans ses rapports publics et officiels avec ce qu'il faut pudiquement appeler les bandes de motards criminalisées, ne se conduit pas plus mal encore que nos deux talentueuses têtes de linotte.  Pour ma part, je réponds oui.  Car il ne s'agit pas de la part du clergé d'une bourde isolée ni d'une invitation à laquelle on n'a peut-être pas réfléchi.  Qu'il s'agisse de mariage ou de funérailles, les cérémonies religieuses requises par ces groupes reçoivent, d'une fois à l'autre, une scandaleuse caution de la part du clergé.  Qu'on n'aille pas présenter comme excuse l'infinie miséricorde du Christ ou une interprétation moderne de la parabole de l'enfant prodigue.  Car il ne s'agit pas de sacrements, mais de spectacles tonitruants.  Le prêtre n'apparaît pas là en messager de paix et de justice, mais en bénisseur de l'inadmissible.  Il s'agit ici d'une honteuse collusion du clergé avec la criminalité triomphante et non pas d'un contact entre un pasteur et la traditionnelle brebis égarée et repentante.  Quand le clergé chilien s'est tenu trop près du dictateur Pinochet, il avait tort.  Quand le clergé allemand s'est tu devant le nazisme, il s'est discrédité.  Quand le nôtre fournit sa contribution aux relations publiques de bandes responsables de la distribution de la drogue dans notre société, je ne vois vraiment pas quel évangile peut le justifier.

Mais pensons aussi aux médias, y compris à ceux qui ont aujourd'hui le blâme verbeux.  Le vedettariat qui, visiblement, monte à la tête de certains et fait oublier à ses bénéficiaires leur appartenance à l'espèce humaine, qui le cultive et qui en partage les bénéfices avec les vedettes?  La promiscuité qui sévit entre les vedettes et la petite clique journaleuse qui les idôlatre, qui en profite sinon les vedettes elles-mêmes et les thuriféraires qui trouvent leur gloire à les approcher?  Au Québec, à force de confondre responsabilité culturelle et gluante servilité à l'égard des vedettes réelles ou appréhendées, on permet tout à des gens qui ont souvent démontré du talent en matière de chant, d'interprétation ou d'art dramatique, mais dont la maturité sociale n'a jamais été démontrée.  On n'oserait d'ailleurs pas faire le tri entre leurs réussites et leurs ratages.  On ne critique pas, on encense.  On pousse le public vers des spectacles qu'on n'a pas encore vus, parce que « ça risque d'être bon ».  Une fois qu'on a hissé sur un piédestal une idole qui n'a pas le jugement pour vivre correctement à cette hauteur, il ne faudrait quand même pas oublier qu'on a empoché et qu'on empoche toujours le salaire des apprentis-sorciers.

N'oublions pas non plus que le vedettariat que propagent les médias et dont ils vivent en prétendant ne pas y toucher, on l'a étendu aux bandes de motards criminalisées comme aux chanteurs populaires.  Si tant de gens croient aujourd'hui à l'immunité d'individus qui arborent fièrement l'affirmation de leurs crimes, à qui fera-t-on croire que les médias n'y sont pour rien?  Quand, après quelques dizaines de reportages, les vedettes du monde artistique et les vedettes du crime triomphant se sont mutuellement admirées à loisir grâce au beau travail des médias, il peut arriver que les vedettes d'un secteur assistent au mariage d'une vedette de l'autre secteur aussi distraitement que si elles se rendaient à un gala Métrostar et y croisaient un voisin de palier.

Oui, blâmons les irréfléchis, mais gardons une bonne pensée pour ceux qui ont eu le temps de réfléchir avant de commettre la même bourde et une autre bonne pensée pour ceux qui prospèrent à propulser les vedettes vers des hauteurs où sévit le vertige.


Déclaration de Madame Ginette Reno

Communiqué de Les Restaurants Mikes Inc. : Mikes maintient sa confiance en Ginette Reno



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© Laurent Laplante / Les Éditions Cybérie, 1999, 2000
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