Dixit Laurent Laplante
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Québec, le 19 juin 2000
Mauvaise lune chez nos politiciens

Les affrontements politiques taxent lourdement les nerfs de ceux qui y participent.  Surtout quand les mêmes tempéraments sont trop souvent et trop longtemps confrontés les uns aux autres.  On glisse aisément à l'impatience, à l'exaspération, aux gros mots.  Les premiers ministres du Québec et du Canada en sont à ce stade où, à propos de deux formules de congé parental, le sarcasme remplace le raisonnement.  La population risque d'y perdre beaucoup.

Sur le fond du débat, le Québec a d'emblée raison.  D'une part, le financement et les modalités du congé parental proposés par lui l'emportent aisément sur la proposition fédérale.  D'autre part, strictement rien ne s'objecte à ce que le gouvernement central verse au Québec ce qu'il entendait dépenser de toutes manières au Québec en vertu de son programme.  En remettant sa part au Québec, le gouvernement central ne dépenserait pas un dollar de plus.  Si le Québec décide ensuite de bonifier le programme fédéral en y ajoutant, on ne voit pas pourquoi le gouvernement fédéral s'offusquerait.  Les précédents ne manquent pas et aucune province ne pourrait reprocher au gouvernement central d'accorder au Québec un traitement de faveur.

Il n'y a donc aucune trace de logique dans le refus fédéral de s'incliner devant le bon sens.  Les Québécois risquent d'y perdre les avantages supplémentaires que leur vaudrait le surplus offert par le Québec, tandis que le gouvernement central sortira de l'affrontement avec exactement les mêmes dépenses, mais avec, à la clé, la légitime amertume de la population québécoise.  Cette amertume, même des militants du Parti libéral du Québec l'éprouvent vivement, au point qu'ils pressent Ottawa de se montrer conciliant.

Quand, de surcroît, le premier ministre Jean Chrétien formule son refus sans le justifier le moindrement et en l'assortissant de commentaires agressants, l'échange court à l'enlisement.  Malheureusement, le premier ministre du Québec a choisi d'imiter le manque de manières de M. Chrétien.  Tandis que la ministre chargée du dossier persiste, presque héroïquement, à répéter qu'elle va demander et redemander au gouvernement central d'assouplir sa position, le premier ministre Bouchard, lui, réplique à l'entêtement simpliste de M. Chrétien par des commentaires disgracieux.

Que M. Chrétien ait réagi de façon hargneuse à la demande du Québec, cela ne fait pas beaucoup de doute et cela peut se dire.  Que la désinvolture avec laquelle M. Chrétien balaie une argumentation sensée et poliment formulée révèle chez lui une pathologie, voilà ce que M. Bouchard ne saurait évidemment pas prouver et ce qu'il ne devrait pas dire.  Que le diagnostic soit fondé ou non, il n'honore pas M. Bouchard.  S'il est fondé, M. Chrétien mérite un traitement et de la compassion; si le diagnostic n'est pas fondé, M. Bouchard a répondu au simplisme et à l'arrogance par une accusation irresponsable et perfide.  Il serait temps, de part et d'autre, au nom de ce qui est en cause et dont Québécoises et Québécois ont besoin, de prendre une grande respiration par le nez et de faire effectuer à la langue les classiques sept tours qui évitent les excès.

Terminons quand même sur un sourire.  S'il est un homme qui n'a pas la moindre compétence pour redonner sa sérénité au débat, c'est bien le ministre fédéral Stéphane Dion.  Il ose pourtant, le doigt dressé comme pour une semonce professorale, offrir au premier ministre québécois une leçon de bonnes manières.  Ne succombons pas à ce nouvel assaut de prétention fédérale et prenons en bonne part cette intervention intempestive : M. Dion a lui-même tant fait pour rendre le débat constitutionnel hargneux à l'extrême qu'il peut, malgré tout, s'y connaître en hargne.




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© Laurent Laplante / Les Éditions Cybérie, 1999, 2000
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