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Décision 1997

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Une campagne à la sauce médiatique
LAURENT LAPLANTE
Le 29 mai 1997

Depuis le début de cette campagne électorale qui n'a toujours pas révélé sa raison d'être, tous les bulletins d'information commencent et finissent par un carnet mondain : «Aujourd'hui, le chef libéral est à Kamloops, le chef conservateur fait campagne dans les Maritimes, Gilles Duceppe demeure dans sa circonscription...»  Tout se ramène ainsi, pour le public qui ne peut voir de la réalité politique que ce que daignent lui en montrer les médias, à l'équivalent d'une course à la présidence.  Nulle référence au programme si ce n'est à travers les propos du chef, pas ou peu de contacts avec l'équipe formée par le parti, évacuation totale des enjeux locaux ou régionaux.

Étrangement, cette centralisation de la couverture médiatique sur la personne des chefs se produit au moment même où le pouvoir politique, au Québec en particulier, prétend se mettre à l'écoute des régions et où le pays lui-même se fragmente en régions de plus en plus distinctes.  Imperturbables, les médias, la télévision en particulier, accordent pourtant préséance à leur propre agenda et à leurs besoins sur la réalité politique.

Cela n'est pas nouveau, mais cela doit inquiéter.  Dans un livre remarquable, The Powers That Be (Alfred A. Knoff, 1979), le journaliste David Halberstam avait déjà analysé l'influence déterminante des médias sur le système politique.  Il avait constaté, par exemple, que les médias américains, en ne s'occupant que des vedettes, avaient remanié à leur gré la répartition du pouvoir politique.  Alors que le système américain repose théoriquement sur l'équilibre des pouvoirs, sur le fameux «checks and balances», les médias, eux, concentrent leur attention sur les personnes et, le plus souvent, sur le seul président.  Le pouvoir judiciaire, réparti entre plusieurs juges d'ailleurs peu enclins à s'exprimer devant les cameras, se prête mal au jeu des médias.  Le pouvoir législatif, morcelé et régionalisé, ne suscite l'intérêt des médias que si, comme récemment, il s'incarne dans un individu flamboyant comme Gingrich.  Ne reste pour les médias que la personne du président, chef de l'exécutif.  La radio, raconte Halberstam, a donc dorloté et déifié Roosevelt et ses «Conversations by the fireplace», au point d'en faire un président inamovible.  Au début des années 60, la télévision, de la même manière, jeta son dévolu sur Kennedy.  Par la grâce des médias, le pouvoir exécutif occupait tout l'espace politique.

La campagne électorale canadienne qui s'achève a obéi elle aussi aux volontés de la télévision.  Les deux débats télévisés ont polarisé l'attention sur l'image des chefs.  La couverture offerte depuis lors par la télévision a poursuivi dans cette veine.  Certes, les partis ont quand même rédigé des programmes, de manière à respecter le rituel en place, mais ce sont les médias, la télévision surtout, qui ont imposé leurs critères d'évaluation.  Notre démocratie, c'est leur vedettariat.

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Courrier
Mise en ligne : Le 29 mai 1997.
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Montréal (Québec)
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