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Décision 1997

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Manning a tort et raison
LAURENT LAPLANTE
Le 26 mai 1997

En affirmant que le Québec moderne a trop souvent produit les premiers ministres du Canada, le chef réformiste a énoncé un fait, qu'il a ensuite mal décodé.  Il a souligné, ce qui est incontestable, que le Canada anglais n'a jamais hissé l'un des siens à la tête du Canada depuis plus de trente ans, depuis, disons, l'époque des Diefenkaber et Pearson.  De cela, il conclut, ce qui mérite contestation, que cette apparente emprise québécoise sur la politique canadienne a biaisé en faveur du Québec la gestion nationale.  Bon constat, mauvaise analyse.

M. Manning n'invente rien quand il note que l'absence presque totale de leaders pancanadiens issus du Canada anglais dure depuis trente-cinq ans.  De Trudeau à Chrétien, ce sont, en effet, des Québécois qui occupent la résidence de la rue Sussex.  Seules font brièvement exception quelques figures fragiles comme Joe Clark et Kim Campbell.  John Turner lui-même disparut en même temps qu'il s'éloignait du Québec.

Des chefs politiques de taille respectable ont pourtant surgi dans le Canada anglais depuis 1963, mais sans jamais accéder au palier fédéral.  Robarts, Davis, Harris, Rae, Romanow, McKenna..., autant de chefs politiques qui ont connu d'énormes succès sur la scène provinciale et aucun sur la scène fédérale.  Si osmose il y eut, elle a plutôt joué dans l'autre sens, comme dans le cas d'un Tobin, qui a préféré le titre de capitaine de chaloupe à celui de quartier-maître sur un paquebot.

Contester le diagnostic de Manning, ce serait nier l'évidence.  Manning, cependant, s'aveugle quand il laisse entendre que le Québec a tiré d'exorbitants bénéfices de cette situation.  Le Québec, en fait, décentralisait plus efficacement l'État canadien à l'époque où le premier ministre canadien provenait du Canada anglais.  Quand, par exemple, Pearson acceptait les demandes d'un Jean Lesage, personne ne soupçonnait le premier ministre fédéral de déviation crypto-séparatiste.

À l'inverse, il aurait suffi qu'un Chrétien, un Mulroney ou un Charest ose promettre des «points d'impôt» au Québec pour que déferlent aussitôt les accusations de déloyauté en provenance du «Rest of Canada».  C'est d'ailleurs un Québécois, Jean Charest en l'occurrence, qui a formulé au cours de la campagne 97 les propositions les plus centralisatrices.  Par exemple, en éducation et à propos des jeunes contrevenants.  Québec n'a rien retiré de la présence des siens au Sussex Drive si ce n'est une tutelle plus musclée.  Car chaque chef fédéral issu du Québec s'efforce, sitôt franchi le canal Rideau, de «remettre le Québec à sa place».  Comme aurait dit le Rosie de Tit-Coq, ces leaders québécois en donnent plus que le client en demande...

Sans suivre M. Manning dans son analyse à saveur raciste, on peut souhaiter, comme lui, mais pour des raisons inverses, que le «Rest of Canada» s'incarne bientôt dans un leader de stature pancanadienne.  Le Québec pourra respirer.  Le Canada aussi.

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Courrier
Mise en ligne : Le 26 mai 1997.
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Montréal (Québec)
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