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Décision 1997

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Charest et son désert
LAURENT LAPLANTE
Le 19 mai 1997

La question est disgracieuse, mais légitime : Jean Charest aurait-il davantage dominé les débats des chefs si les réseaux de télévision avaient coupé le son?  La réponse, aussi peu gentille que la question, ne peut que susciter l'inquiétude : il est probable, en effet, que le chef conservateur aurait encore mieux réussi si une panne de son l'avait rendu inaudible.

Une telle panne, en tout cas, n'aurait rien supprimé d'essentiel.  Ce qu'a dit M. Charest ne nous apprend rien sur ce qu'il ferait advenant un oui québécois à la thèse souverainiste, ni sur ce qu'il demanderait, lui, à la Cour suprême, ni sur ses attitudes face au virage à droite qui emporte aujourd'hui notre société, ni sur sa façon à lui d'harmoniser la lutte contre le déficit et le maintien des programmes sociaux, ni sur l'avenir des relations entre le Canada et les États-Unis, ni...  Car M. Charest n'a transmis aucun message clair quant à ces divers enjeux.  Sans rien dire, il a conquis de nouveaux appuis.  Ce qui justifie la question.  Ce qui en dit long sur notre culture politique.

À cette étonnante constatation, une deuxième s'ajoute.  M. Charest monte à l'assaut sans la moindre référence à une quelconque équipe conservatrice.  Bien malin, en tout cas, qui pourrait citer les noms de ceux et celles qu'une victoire conservatrice verrait accéder au conseil des ministres.  Cela aussi mérite réflexion.  Certes, nos campagnes électorales sont devenues, à toutes fins utiles, l'équivalent d'une course présidentielle à la française ou à l'américaine.  Nous votons, et le vedettariat que favorisent et imposent les médias y est pour quelque chose, pour un chef beaucoup plus que pour un député local.  Cela admis, la qualité des candidatures locales conserve normalement une certaine importance.  Dans le cas de M. Charest et de son parti, le désert commence dès qu'on a cessé, je ne dirais pas d'écouter le chef, mais de le regarder.

Ce n'était pas différent au moment où Lucien Bouchard entraînait dans son sillage victorieux un assez fort pourcentage de nullités?  J'en tombe d'accord.  À une différence près cependant : Lucien Bouchard, à défaut d'une équipe de calibre, brandissait tout de même un credo politique au dessein précis.  Il avait, pour compenser le manque de formation de trop d'aspirants députés, un programme auquel pouvaient adhérer même ceux que l'égocentrisme du chef rebutait déjà.

On revient donc à la case départ : Jean Charest monte au front sans programme ni équipe.  La foi, qui déplaçait les montagnes, modifie maintenant les convictions.

Ne concluons quand même pas trop vite.  D'une part, l'avance libérale est telle que M. Charest est encore à cent lieues du pouvoir; d'autre part, une autre image, celle de Lucien Bouchard, bien qu'un peu ternie, peut encore influer sur le vote.  Qu'on se rappelle 1993 : M. Charest avait dit à son chef Mulroney : «Je me charge du Bloc!»  Avec quels résultats?

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Courrier
Mise en ligne : Le 19 mai 1997.
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Montréal (Québec)
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