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Décision 1997

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Y a-t-il eu crime?
LAURENT LAPLANTE
Le 10 mai 1997

Dans ce que les médias dénomment l'affaire Parizeau, on trouve un assez large choix d'aspects indigestes.  Le plus troublant est peut-être celui-ci : les plus beaux cerveaux de notre élite politique et médiatique, sans se sentir ridicules, ont d'emblée crucifié un livre dont ils n'avaient même pas entrevu la couverture.  Exceptons pourtant Michel Venne qui, au Devoir, a d'abord admis l'incongruité d'analyser un bouquin absent... avant d'effectuer son propre survol.  À l'unisson ou presque, ce beau monde a vilipendé l'ancien premier ministre, devinant (!) dans ses propos à venir une nouvelle preuve de sa propension aux noirs complots ou y trouvant confirmation d'un manque d'éthique déjà connu.

Le plus scandaleux, dans cette étonnante chasse à courre lancée contre un «renard littéraire» pas encore né, ce sont les porte-parole souverainistes qui l'ont fourni.  M. Bernard Landry, au lieu d'être prudemment muet, a opté pour une verbeuse amnésie.  M. Lucien Bouchard, plongeant dans le vide, a dénoncé un manque flagrant de sens démocratique sans, bien sûr, en fournir la preuve.  M. Gilles Duceppe, qui, lui non plus, n'a pas besoin de lire pour savoir, a promis de ne plus jamais se faire photographier au côté de M. Parizeau.  Avec de tels amis, M. Parizeau peut se passer d'ennemis; avec des politiciens qui lisent sur la page encore vierge ce que l'auteur a dans la tête, j'imagine que les journalistes peuvent se dispenser d'écrire.

En comparaison de la charge menée par ces alliés (?) de M. Parizeau, les malhonnêtetés fédéralistes semblent bénignes.  Que Stéphane Dion trouve dans ce livre qu'il n'a pas lu la preuve qu'aucun partenariat n'est pensable entre le Québec et le reste du Canada, cela ne surprend pas.  Quand un ministre censément informé se cache derrière Alliance-Québec pour retarder la déconfessionnalisation des commissions scolaires québécoises, c'est pour lui un jeu d'enfant que de tordre méchamment un texte souverainiste qu'il n'a pas lu.

Admirons quand même en M. Chrétien l'art du sophisme porté à l'incandescence.  Prompt à conclure à la malhonnêteté de M. Parizeau, M. Chrétien s'appuie sur un livre qu'il n'a pas lu pour se féliciter de l'appel qu'il a lancé à la Cour suprême du Canada.  Quel est le rapport?  Je le cherche vainement.  En effet, M. Chrétien demande l'avis de la Cour suprême à propos d'une déclaration d'indépendance survenant après une année de négociations entre Québec et Ottawa, alors que, dans son livre qu'on n'a pas lu, ce mécréant de Jacques Parizeau proposerait plutôt une déclaration hâtive. M. Chrétien, en somme, est tout fier d'avoir posé la mauvaise question à la Cour suprême...

Ce qui inquiète, plus qu'un hypothétique accroc à la démocratie de la part de M. Parizeau, c'est l'inquiétante, mais universelle aptitude de notre classe politique (et médiatique) à actionner la guillotine avant d'avoir prouvé le crime.  Terrifiant.

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Courrier
Mise en ligne : Le 10 mai 1997.
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