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Décision 1997

La campagne vue du Web

À chacun sa stratégie
JEAN-PIERRE CLOUTIER
Le 10 mai 1997

Contrairement à bien des gens, tant du camp fédéraliste que souverainiste, ce qu'il est maintenant convenu d'appeler l'«affaire Parizeau» n'a pas secoué en moi de sentiment profond d'avoir été trompé.  Après lecture et relectures de l'extrait du livre à paraître lundi, j'en ai conclu que l'homme analysait ses options, un point, c'est tout.

On a tout entendu.  Jean Chrétien a parlé de «complot», Andrew Coyne (The Montreal Gazette) de «coup d'État», William Johnson (The Montreal Gazette) de «plan machiavélique».  Murray Maltais (Le Droit) a affirmé que Jacques Parizeau «rapetisse la démocratie , et Alain Dubuc (La Presse) l'a traité de «retraité imprévisible au comportement déséquilibré», et Ken McQueen (The Ottawa Citizen) de «paria».

On ne peut certainement pas reprocher à Jacques Parizeau d'avoir élaboré une stratégie en cas de refus formel de la part du gouvernement fédéral de négocier un éventuel partenariat.  Quel aurait été le choix alors du gouvernement du Québec, avec en main un mandat de souveraineté assorti d'une exigence de négocier, si Ottawa avait adopté la ligne dure.  De toute manière, attendons d'avoir lu le livre au complet pour voir si, comme le prétendait Michel Vastel en conversation radiophonique avec Marc Laurendeau cette semaine sur les ondes de CBF Montréal, la clé de l'énigme se trouve vraiment à la page 49 du livre de Jacques Parizeau, Pour un Québec souverain.

Le gouvernement fédéral disposait-il pour sa part d'un plan quelconque en prévision d'un OUI au référendum?  Ces jours-ci, Preston Manning accuse Jean Chrétien de ne pas avoir eu de stratégie à l'époque.  Chrétien n'en avait peut-être pas, mais le ministre des Finances du Canada, Paul Martin, si.  Malheureusement, sa teneur demeure un secret soustrait à la Loi sur l'accès à l'information.

Le vendredi 25 avril, deux jours avant l'annonce de l'élection, le Ottawa Citizen publiait un article qui est passé relativement inaperçu dans le brouhaha et la fébrilité préélectorale, «Government had Yes-vote dollar plan: Strategy to keep currency afloat could be used in future crisis».

Au début de 1996, Jacques Parizeau déclarait, en entrevue au réseau TVA, que le gouvernement québécois avait, au moment du référendum, un plan de stabilisation des titres de l'Hydro-Québec et des obligations d'épargne.  Le gouvernement disposait de 19 milliards de dollars, crédits de réserve puisés dans les coffres du ministère des Finances, de l'Hydro Québec et de la Caisse de dépôt et de placement du Québec.

Peu après la diffusion de cette entrevue, un journaliste du Montreal Gazette a demandé à Paul Martin si le gouvernement fédéral avait coordonné une action de stabilisation avec le gouvernement québécois.  Le ministre des Finances a alors déclaré qu'il n'y avait pas eu d'entente à ce sujet, ajoutant que l'utilisation prévue dans le plan Parizeau de sommes provenant des caisses de retraite était tout à fait «improper».  À savoir si le gouvernement fédéral avait son propre plan, M. Martin a répondu que si un tel plan existait, il ne le confirmerait certainement pas.

Le Montreal Gazette et Southam Newspapers (société mère du quotidien montréalais) ont présenté en décembre dernier, en vertu de la Loi sur l'accès à l'information, une demande de divulgation de documents portant sur le bien-fondé et/ou les effets d'une intervention de la Banque du Canada sur les marchés financiers à la suite d'un OUI au référendum sur la souveraineté du Québec.

Le ministère a répondu que les documents en question constituaient des avis au ministre ou contenaient des renseignements dont la publication pourrait porter préjudice aux intérêts du Canada, ce qui lui permet de les soustraire aux dispositions de la Loi sur l'accès à l'information.

Devant ce refus, Southam et The Gazette ont porté plainte auprès du Commissaire à l'accès de l'information, John Grace.  Ce dernier informait les requérants en avril que de tels documents existaient, mais qu'il estimait fondée la décision du ministère des Finances de ne pas divulguer ces informations car elles pourraient nuire aux stratégies s'il fallait y avoir recours à l'avenir dans des circonstances semblables.

C'est vrai, M. Parizeau est maintenant un politicien à la retraite et ce statut lui permet de dévoiler, a posteriori, ce qu'il entendait faire advenant un vote pour la souveraineté et, comme on le suppose, un refus d'Ottawa de négocier.

C'est vrai aussi que Paul Martin est toujours en politique.  De plus en plus même, si on accrédite la théorie d'un retrait hâtif de Jean Chrétien de la vie politique après une éventuelle victoire le 2 juin prochain.  On prête déjà à Paul Martin des intentions de se porter candidat à la tête du Parti libéral.  Certes, l'éventuel futur premier ministre, qui aura vraisemblablement à faire face à un autre référendum en 1999, ne voudra pas dévoiler sa stratégie.

Mais il est à supposer que, tant au Québec que dans le reste du Canada, on voudra connaître les dispositions que prendrait le gouvernement fédéral advenant un OUI.

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Courrier
Mise en ligne : Le 10 mai 1997.
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