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Décision 1997

La campagne vue du Web

Selon la plus récente enquête...

JEAN-PIERRE CLOUTIER
Le 31 mai 1997

La moitié des répondants à une enquête menée sur le site de Yahoo! Canada le vendredi 30 mai, et dont les résultats sont disponibles aujourd'hui, trouvent que les dispositions de la Loi électorale (article 322.1 de la Loi électorale du Canada - LEC) qui interdisent la diffusion de résultats de sondages sur les intentions de vote, y compris sur l'Internet, sont inutiles, et ils offrent leurs meilleurs voeux de réussite à ceux et celles qui entendent la défier.  Ils sont 16 % à reconnaître que certaines personnes peuvent enfreindre la loi, mais ne s'en trouvent nullement dérangés pour autant.  Pour 30 % des répondants, il faut maintenir la ligne dure et poursuivre les contrevenants, alors que 3 % n'ont pas d'opinion sur le sujet.

Précisons ici qu'il s'agit d'une enquête et non d'un sondage.  Répondront à ces enquêtes ceux et celles qui le voudront bien, mais les résultats n'ont rien à voir avec le sérieux d'un sondage aléatoire, pondéré, mené par des instituts professionnels.

À deux jours et demi du scrutin, l'interdiction de diffuser des résultats de sondages dans les jours qui précèdent le vote fait beaucoup parler ici, tout comme en France d'ailleurs où on s'apprête à voter dimanche au second tour des législatives.  Le quotidien parisien Libération contourne l'interdiction en logeant une page d'analyse des plus récents sondages sur les intentions et reports de vote sur un serveur hors-France, Sondages confidentiels.

La Tribune de Genève a aussi publié des résultats et analyses de sondages sur les élections législatives françaises durant la période d'interdiction, mais a dû essuyer une attaque de son serveur Web dont on soupçonne l'origine (nous attendons confirmation à ce sujet).

Ce matin l'éditorialiste Don Macpherson du journal The Montreal Gazette, avec qui je n'ai habituellement aucune, mais aucune affinité d'esprit, dénonce le ridicule de l'interdiction canadienne et cite même la note de service qu'il a reçue de ses patrons et qui précise ce qu'il est permis de dire, et ce qu'il faut taire.  Par exemple, on peut dire que les libéraux ont commencé la campagne en lion et la finiront en mouton, mais de grâce, pas de chiffres extraits de sondages.  Un candidat peut citer un sondage dans un discours, il est interdit à la presse de rapporter ses propos.  Et ainsi de suite.

Certainement, dans l'esprit du législateur, il fallait éviter la publication de résultats de sondages bidons menés par des groupes ou des organismes selon des méthodes peu ou pas du tout scientifiques et avec pour seul but d'influencer le vote.  Mais de là à exclure tous les sondages, même ceux menés par des professionnels chevronnés, la marche est haute.  Plus insidieuse encore, l'interdiction porte même sur les nouvelles analyses de sondages déjà effectués.

Pour les médias traditionnels, tout aussi dépassé que puisse paraître l'article en question de la LEC, son application est relativement simple.  Mais comme on le sait, sur Internet, c'est autre chose.

La chaîne de journaux Southam a retiré de son site Web tout ce qui risquait de contrevenir aux dispositions de la LEC, et présente ses excuses à son aimable lectorat.  Elle l'invite même à discuter avec les candidats du bien-fondé de ces dispositions.  Idem, entre autres, pour les quotidiens Le Soleil de Québec et Le Droit de Hull-Ottawa.

Le site ponctuel de Yahoo! Canada sur les élections a mis un terme à sa consultation en ligne et nous présentait ce matin l'enquête pré-citée sur le bien-fondé de l'interdit de publication.

Mais cette loi s'applique-t-elle aux sites Web à l'étranger?  Par exemple, le service américain de nouvelles NandoNet poursuit sa consultation relative aux élections canadiennes, invite les visiteurs du site à déposer un vote virtuel, à consulter les résultats constamment actualisés et à les commenter.  Le NandoNet est une entreprise américaine et n'est donc pas assujettie aux lois canadiennes.

Mais l'entreprise canadienne Online Direct, malgré une mise en garde du Commissaire aux élections, poursuit un exercice semblable.  Après inscription comme utilisateur, on reçoit un mot de passe qui donne accès aux résultats de la consultation en ligne.  Par contre, ce contenu loge sur un serveur étranger (Floride) et une page d'interface demande le consentement de l'utilisateur à être aiguillé sur ce serveur «off shore» pour avoir accès à de l'information dont la diffusion est illégale au Canada.

Nous avons consulté, parmi d'autres, ces deux sites et nous vous ferons grâce ici des résultats.  Non par souci de ne pas enfreindre la loi, mais parce que, sur le plan journalistique, les résultats nous semblent si peu crédibles et la méthode si peu fiable qu'il n'y a vraiment rien à rapporter.

Il faudra cependant, une fois l'élection passée, se pencher sérieusement sur la question de l'interdiction de publication de sondages dans les jours qui précèdent les scrutins.  Qui sait, si le pays se retrouve avec un gouvernement minoritaire au matin du 3 juin, on risque de devoir se représenter aux urnes prématurément.  Aussi, il y aura vraisemblablement des élections provinciales au Québec en 1998, et un troisième référendum sur la souveraineté en 1999.

Il conviendra donc assez tôt, dans une démarche constructive, à la lueur de l'expérience de la présente élection, des législatives françaises où le même problème se pose mais dans une culture des sondages différente de la nôtre, et surtout en fonction du nombre croissant d'électeurs et électrices ayant accès aux inforoutes trouver solution à ce problème.  Une solution qui respecte les règles de la démocratie, mais qui favorise aussi une prise de décision éclairée et stratégique de l'électorat.

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Courrier
Mise en ligne : Le 31 mai 1997.
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