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1er décembre 1998. |
Salutations à tous les Cybériens et Cybériennes!
Cette Chronique n'est optimisée ni pour Netscape, ni pour Internet Explorer, elle l'est pour ses lecteurs et lectrices.
Cette semaine...
- AOL/Netscape : les retombées
- Mort suspecte dun hacker
- La CIA, les contras et la cocaïne
- Suivi : logiciels de filtrage
- En bref...
- Lectures rapides
- Journée mondiale du SIDA
- Beau détour
AOL/Netscape : les retombées
Lachat par AOL de Netscape a évidemment défrayé la manchette toute la semaine écoulée. CNET News.Com offre une chronologie des événements ayant mené à la transaction. Selon certaines personnes proches des deux sociétés, il y a plus dun an que AOL avait des visées sur Netscape. Une possibilité de transaction avait même été évoquée en février au conseil de direction de AOL, sans toutefois que rien de concret nen découle. Ce nest quen août que la question refit surface, AOL avait dans sa mire le portail Netcenter de Netscape, mais non les produits logiciels (fureteur et serveurs).Et cest cette distinction que lon retiendra de la transaction. Comme le souligne la journaliste Janet Kornblum dans son analyse, AOL est une entreprise média qui utilise la technologie, Netscape est une entreprise de technologie qui, incidemment, donnait dans les médias.
Le distinguo est transparent dans lalliance proposée par AOL avec Sun Microsystems qui acquerra, sous licence, les produits logiciels de Netscape dans le cadre dun marché évalué à 350 millions de dollars et portant sur trois ans. En contrepartie, AOL sengage à faire lacquisition de 500 millions de dollars en ordinateurs de Sun pour lexploitation de ses services en ligne. Sun entend modifier et adapter sensiblement les logiciels Netscape, doù la raison de AOL de continuer, pour un certain temps, à offrir le fureteur Explorer de Microsoft dans sa trousse aux abonnés. Voilà pour laspect techno.
Laspect média est plus subtil, et selon Robert Seidman, constitue le véritable noeud du sujet.
Attention, vague de chiffres. Yahoo! a rapporté pour son dernier trimestre des recettes de 53 millions de dollars pour 144 millions de pages vues par jour. Oui, cest énorme, mais cest Yahoo! En revanche, le Netcenter de Netscape a rapporté au cours de son dernier trimestre 48 millions de dollars pour 32 millions de pages vues par jour, près de 90 % des recettes pour moins de 20 % de la fréquentation. Combinant les recettes de Netcenter à celles du portail AOL pour le dernier trimestre (103 millions de dollars en revenus publicitaires et de commerce électronique), et tenant compte quil y a peu de chevauchement de clientèle (23 % seulement selon les analystes), on se trouve face à une AOL qui deviendra la plus importante entreprise média sur le réseau. Ce que voulait AOL en premier lieu.
À lire aussi dans le Cahier Multimédia de Libération, le dossier AOL, compte-rendu d'un rachat historique.
Mort suspecte d'un hacker
Une dépêche passée presque inaperçue, on dira un fait divers, mais ce sont parfois ceux-là qui constituent des «dossiers» en attente. Quon se souvienne en 1972 de lentrée par effraction dans les bureaux du parti démocrate à Washington (affaire Watergate), ou en 1982 de la découverte du corps du banquier Roberto Calvi pendu sous un pont de Londres (affaire Banco Ambrosiano), il y a de ces faits divers qui sortent de la norme, même sils sont relégués initialement aux pages intérieures des grands quotidiens. De ces histoires qui finissent en scénarios de films.Cette fois, cest la découverte le 22 octobre, dans un parc de Berlin, du corps de Boris Floriciz, 26 ans, rapportée par Associated Press. Le corps de Floriciz, découvert par un passant, était pendu à un arbre à laide de sa ceinture. Il avait été vu pour la dernière fois au domicile de sa mère, cinq jours avant. On a découvert sur le corps de la victime son téléphone cellulaire, ses clés, ses cartes didentité et une certaine somme dargent. On écarte donc la thèse du vol. Aucun signe de violence, aucune trace de drogue ou dalcool.
Boris Floriciz, mieux connu dans le milieu sous le pseudonyme de TRON, était un hacker bien connu des réseaux underground, reconnu coupable en 1995 davoir craqué le code des cartes à puce de la Deutsche Telekom, puis réformé et devenu membre du célèbre et select Chaos Computer Club (CCC).
En attendant les résultats dexpertises approfondies, la police opte pour la théorie du suicide. Mais tant ses proches que ses confrères du CCC croient que Floriciz aurait plutôt eu maille à partir avec des agents de renseignement ou des groupes influents du marché noir techno (téléphonie cellulaire, GSM, décodeurs TV satellite, etc.).
Le CCC mène sa propre enquête et, après avoir publié un communiqué (en allemand) sur son site Web, entend dévoiler certains renseignements à loccasion de son congrès annuel qui se tiendra du 27 au 29 décembre prochains à Berlin. À suivre.
La CIA, les contras et la cocaïne
On se souviendra en 1996 de laffaire Dark Alliance. Une série de reportages du journaliste Gary Webb du San Jose Mercury News établissait un lien direct, dans les années quatre-vingt, entre l'entrée du crack (drogue composée à partir de cocaïne) sur le marché de San Francisco et une opération de financement des contras nicaraguayens qui se serait déroulée avec l'aide d'agents de la CIA.Ce dossier était principalement mené sur le Web; la presse traditionnelle américaine (dont le Washington Post, le New York Times et le Los Angeles Times) se mit à défendre la crédibilité des responsables de la CIA qui niaient évidemment toute l'affaire, et à discréditer les méthodes journalistiques du San Jose Mercury News.
Plus de deux ans après les allégations initiales de collusion avec les contras, la CIA publiait le 8 octobre dernier, sur le site Web du ministère américain de la Justice, le rapport de son enquête sur toute laffaire. Le volumineux document évite darriver à des conclusions claires, mais confirme la majorité des faits avancés par Webb et le San Jose Mercury News.
Fairness and Accuracy in Media (FAIR), organisme de promotion de léthique journalistique, avait pris fait et cause pour Webb et le San Jose Mercury News et dénoncé lacharnement des médias traditionnels envers un dossier dont les cybermédias étaient le moteur. FAIR observe maintenant la même réserve des médias à accréditer la thèse de collusion, malgré la confirmation de la véracité des faits avancés dans les reportages de Webb.
En revanche, FAIR souligne quun des rares articles publiés récemment sur laffaire Dark Alliance (dans le Washington Post) pose la vraie question, non pas à savoir si Gary Webb avait raison, mais bien si la CIA savait que les contras étaient impliqués dans le trafic de drogue.
Pour sa part, Gary Webb se dit heureux de laveu à mots couverts de la CIA. Il occupe maintenant un poste denquêteur en matière de fraude et conflits dintérêt pour lÉtat de Californie, mais les deux dernières années ont été difficiles pour lui. Attaqué de toutes parts par la presse traditionnelle, «tabletté» et affecté à un bureau régional par le San Jose Mercury News qui en était venu à estimer son travail de recherche «incomplet», Webb a vu Dark Alliance, le livre où il expose toute laffaire, enfin publié en juin dernier. Son bilan : «Il est difficile de croire que la lutte aux communistes en Amérique du Sud ait eu préséance sur la guerre à la drogue menée dans les rues du pays».
Suivi : logiciels de filtrage
Les logiciels de filtrage de contenus Web suscitent des polémiques, surtout lorsquils sont imposés dans le cadre de dispositifs daccès publics comme les bibliothèques. En septembre dernier, nous vous rapportions le contentieux opposant les responsables de la bibliothèque publique du comté de Loudon (Virginie) à lAmerican Civil Liberties Union (ACLU) et lorganisme People for the American Way.Un magistrat dune cour de district de Virginie a tranché : une bibliothèque publique ne peut imposer à des adultes lutilisation de logiciels de filtrages destinés à bloquer laccès à certains contenus.
Bien que limposition de filtres par les responsables de la bibliothèque avait pour premier but de protéger des personnes dâge mineur de certains contenus offensants, la juge Leonie Brinkema, elle même une ancienne bibliothécaire, a estimé quelle portait atteinte aux droits du grand public. Cest la première fois aux États-Unis quun juge applique, à laccès Internet dans des lieux publics, les droits constitutionnels garantis en vertu du Premier amendement. Dans un document de 46 pages, la juge Brinkema affirme que la politique dimposition de logiciels de filtrage «porte atteinte aux garanties constitutionnelles sur la libre expression contenues dans le Premier amendement». Selon le Washington Post, bien que la décision de la juge Brinkema soit limitée à la cause entendue, elle pourrait faire jurisprudence et servir de guide à dautres magistrats fédéraux à qui on soumettrait des cas semblables.
Aux États-Unis, selon lAmerican Library Association (ALA), 73 % des bibliothèques publiques offrent un accès Internet, 14 % dentre elles utilisent des logiciels de filtrage. LALA, qui compte 57 000 membres, sest déjà prononcée contre les tentatives de censure dInternet et fait partie de la coalition contre les lois CDA et COPA.
Mais reconnaissons que les prises de position de lAssociation, ou la récente décision de la juge Brinkema, sont peu utiles aux bibliothécaires devant parfois répondre directement aux préoccupations grandissantes formulées par certains usagers. Jon Katz dans Freedom Forum Online, propose aux gestionnaires de bibliothèques publiques dix mesures pour traiter de la question de laccès Internet dans les espaces publics, dont des programmes de sensibilisation et déducation des usagers, des campagnes de relations publiques et un réaménagement des espaces affectés aux postes de travail. Un texte fort intéressant qui viendra en aide à ceux et celles qui, hors les politiques établies par les gouvernements et institutions, se retrouvent en première ligne de la mise en oeuvre de ces politiques.
En bref...
Développement et Paix, lorganisme québécois daide internationale, annonce que lopération Web SOS-Mitch a reçu vendredi dernier un 300e don en ligne grâce à son interface transactionnelle sécurisée. Ceci porte à un peu plus de 23 000 $ largent recueilli en faveur des victimes de l'ouragan Mitch, la moyenne par don sétablissant ainsi à 77 $. Le site sécurisé est ouvert depuis le 11 novembre, les webmestres sont invités à afficher le bandeau publicitaire de la campagne de Développement et Paix.LInternet décolle en Amérique latine. Andres Oppenheimer (Pulitzer 1987) signe un article dans le Miami Herald sur la pénétration des réseaux : de 800 000 en 1995, on compterait maintenant plus sept millions dabonnés à Internet, chiffre qui pourrait atteindre les 24 millions dici deux ans. Déréglementation des télécommunications, ouverture à la concurrence, baisse des prix daccès expliquent pour Oppenheimer cette croissance phénoménale. Mais aussi, les Latino-américains ayant manqué la vague de linformatisation «basique», tout le matériel neuf vendu est doté des outils nécessaires au branchement. Oppenheimer cite Marcelo Rodriguez, un fournisseur de services, qui évoque une personnalisation de la communication entre intervenants politiques et économiques. «Ce nest plus le président argentin qui se rend à Mexico discuter de libre-échange, cest Juan Perez depuis Cordoba qui communique directement avec Jesus Martinez à Guadalajara, et à terme, cest ce qui va compter».
Était-ce ou non du spam? Probablement pas au sens où on lentend en Occident, mais laffaire mérite mention. Selon la chaîne CNN, un citoyen chinois a été arrêté le printemps dernier et accusé dincitation au renversement de lÉtat pour avoir fourni à une publication diffusée par courrier électronique et jugée «dissidente», Big Refrence News, une liste de 30 000 adresses électroniques dabonnés Internet en Chine. Big Reference News ne dispose pas de site Web et fonctionne uniquement par courrier électronique, diffusant des nouvelles et analyses critiques du régime chinois. La Chine compte 1,2 million dabonnés Internet, mais les contenus accessibles sont constamment scrutés par les censeurs.
Lectures rapides
Comment calculer les droits d'auteur pour ces uvres d'un type nouveau que sont les cédéroms et les sites Web? Cest la question que pose Libération dans son Cahier Multimédia du 27 novembre, question qui prend toute son importance à lère numérique. «CD-Rom et sites web sont-ils uniquement des produits, où musiciens, graphistes et photographes interviennent comme auteur, chacun pour la partie le concernant? [...] Fondée il y a un an, la société civile Grace (Groupement des artistes et concepteurs créateurs d'environnements) va dans le sens contraire, en affirmant que le multimédia n'est pas uniquement un moyen de diffusion, mais aussi un cadre de création en lui-même, qui nécessite donc une gestion des droits propre. Confrontation.» Et qui nest pas sur le point de se dissiper.Une nouvelle section pour le journal Le Monde, cest Le Monde Interactif, une adresse à inscrire dans vos signets. Cette semaine, un bref survol des «interfaces de lecture» que constituent les livres électroniques. «Pas moins de quatre livres dits électroniques, les "e-books", sont ainsi annoncés dans les prochaines semaines ou les prochains mois aux Etats-Unis. Quelles sappellent Millenium Reader, Softbook, Rocket eBook ou Everybook, ces tablettes électroniques sont capables de stocker le contenu d'une dizaine de manuscrits pour un poids compris entre 700 grammes et deux kilogrammes. Il suffira de quelques minutes de connexion sur Internet pour télécharger le contenu d'un ouvrage ou dun journal [...] Le livre électronique pourrait bien soulager le poids du cartable de nos écoliers : un seul appareil suffira à stocker la totalité des livres scolaires, et une simple connexion à lordinateur de la classe permettra de mettre en mémoire le texte des exercices à faire pour le lendemain.»
Journée mondiale du SIDA
Premier décembre, Journée mondiale du SIDA, sombre rappel que rien nest gagné dans la lutte à cette pandémie. Selon les projections dONUSIDA rapportées par lAFP, le nombre des personnes porteuses du virus du SIDA dans le monde atteindra 33,4 millions en fin dannée, soit une progression de 10 % en douze mois exactement. Déjà, le SIDA a tué 13,9 millions d'adultes et d'enfants depuis le début de l'épidémie, dont 95 % dans les pays en développement. Cette année, la maladie a emporté 2,5 millions de personnes et le nombre des nouvelles contaminations a atteint 5,8 millions (3,1 millions d'hommes, 2,1 millions de femmes et 590.000 enfants), soit un rythme de contaminations de 11 par minute. Dans certains pays, l'épidémie où le virus touche déjà plus de 10 % (et parfois le quart) de la population (Botswana, Kenya, Malawi, Mozambique, Namibie, Rwanda, Afrique du sud, Zambie ou Zimbabwe), l'espérance de vie est passée de 64 ans à 47.Rappelons notre section «Le SIDA en chiffres» publiée en juin dernier, et nos collègues de Branchez-Vous! qui ont recensé les principaux sites de référence sur le Web.
Beau détour
Depuis le 5 novembre et jusquau 10 janvier prochain, le Musée des Beaux-arts de Montréal accueille lexposition Keith Haring. Pour ceux et celles qui ne pourront visiter le MBAM, nous vous proposons le site/exposition du Whitney Museum of American Art consacré à Haring, ou encore le site Web de la fondation de lartiste, rappelons-le décédé en 1989 du SIDA.Sur ce, nous vous souhaitons à tous et toutes une excellente semaine.
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