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Les Chroniques de Cybérie

Le 11 avril 1997.
© Les Éditions Cybérie

Salutations à tous les Cybériens et Cybériennes!

Cette Chronique n'est optimisée ni pour Netscape, ni pour Internet Explorer, elle l'est pour ses lecteurs et lectrices.

Cette semaine

POUDRE AUX YEUX
Visite à Washington de Jean Chrétien.  Pendant que le premier ministre canadien et le président Bill Clinton discutaient des grands dossiers bilatéraux et mondiaux, il fallait bien divertir la galerie.  Internet à la rescousse.  Aline Chrétien et Hillary Clinton ont visité une école d'un quartier noir défavorisé de la ville de Washington, où elles ont eu droit à une démonstration de l'application des nouvelles technologies en milieu scolaire.  Sur place, à l'école primaire Burrville, elles ont pu constater de visu le grand intérêt porté par les élèves d'une classe de sixième jumelée dans le cyberespace à une classe de même niveau à Ottawa.  Antenne parabolique sur le toit de l'école, huit grands écrans reliés à des ordinateurs multimédias, on vantait le mérite pédagogique des inforoutes, on semait le germe de la prochaine génération de négociateurs des différends Ottawa/Washington.  Sauf que tout était de la frime, un coup de manipulation médiatique monté par l'ambassade canadienne.  L'antenne parabolique est un don de la société américaine Hughes Electronics.  Les huit écrans géants et les ordinateurs?  Loués pour l'occasion par l'ambassade canadienne.  En fait, l'école Burrville ne dispose que d'un seul ordinateur, désuet au point de ne presque pas pouvoir permettre l'accès aux inforoutes.  Sitôt les premières dames reparties dans leurs limousines noires, sitôt le contingent de la presse remonté dans les autocars de service, des équipes de techniciens de l'entreprise de location sont venues récupérer le matériel.  Avant-goût des stratégies de communication du premier ministre canadien en cette période pré- électorale?  Détails dans le Globe and Mail.

Par contre, on vient d'apprendre que cette histoire a remué les bons sentiments d'un groupe d'employés canadiens de téléphonie, à la retraite.  Ils auraient alerté leur ancien employeur, Northern Telecom, qui fera don sous peu de matériel informatique à l'école Burrville.  Ironique : un groupe de retraités et une société privée canadienne viennent à la rescousse d'une école d'un quartier pauvre du pays le plus riche du monde.  Traducteurs traduisez.

C'est probablement des situations du genre qui donnent à l'étranger cette image un tantinet boy scout ou Florence Nightingale des Canadiens, selon un sondage Angus Reid mené auprès de 5 700 adultes dans une vingtaine de pays.  Par exemple, aux États-Unis, 90 % des répondants trouvent les Canadiens polis, gentils, amicaux, mais seulement 50 % les trouvent «sexy».

PREMIERS PAS SUR SIDEWALK
Ouverture attendue par plusieurs, crainte par d'autres, c'est le concept Sidewalk de Microsoft, qui a pris forme avec un premier site pour la région du grand Seattle.  Sidewalk, qui avait d'abord porté le nom de CityScape, est un projet de chaîne de sites Web régionaux à vocation arts/culture/divertissement.  Microsoft entend déployer des sites Sidewalk dans une quinzaine d'agglomérations métropolitaines en Amérique d'ici un an, dont Montréal.  Sans conteste, si Sidewalk Seattle doit servir de modèle aux autres sites de la chaîne, le produit est bon.  Équipe rédactionnelle de premier niveau, réalisation soignée, on y trouve toute l'information sur les sorties spectacles, le cinéma, les restaurants, les événements de la région.  Si l'arrivée de Sidewalk fait des remous, c'est que Microsoft entend rentabiliser chacun des sites en s'accaparant une part du marché publicitaire régional, ce qui pourrait nuire aux quotidiens et hebdomadaires régionaux ainsi qu'aux diffuseurs Web.  Quand on considère la timidité des publicitaires sur le Web dans des marchés comme Montréal, on se demande quel sera, à terme, l'impact de Sidewalk sur la concurrence.

Toujours aux États-Unis, c'est au tour de la chaîne NBC d'envisager des contenus régionaux sur le Web.  Déjà associée à Microsoft dans la chaîne et service Web MSNBC, NBC lancera d'ici la fin de l'année NBC Interactive Neighborhood, service Web qu'elle arrimera à ses stations locales affiliées, à Sidewalk, à MSNBC, ainsi qu'à d'autres contenus plus commerciaux comme les services immobiliers.  Les chaînes CBS et ABC envisageraient des démarches similaires compte tenu de l'importance des stations locales dans les stratégies de services médias intégrés.  Détails dans Interactive Week.

DOSSIER PUB : VALIDATION DE FRÉQUENTATION
Entente tripartite pour fournir aux annonceurs du mégarépertoire Yahoo! des données valides sur la fréquentation du site.  Yahoo! offrira désormais des statistiques validées par la firme de vérification Ernst & Young avec l'expertise technique de la société ABVS Interactive, filiale de la société de mesure de tirage des imprimés Audit Bureau of Circulation (ABC).  En décembre, Yahoo! enregistrait 20 millions de pages vues par jour, et comptait une clientèle de 550 annonceurs.

LE RAVAGE DU CHEVREUIL RÉFLÉCHI
Un de nos estimés confrères offre maintenant ses articles et commentaires sur une page tout à fait personnelle.  Le chroniqueur du journal Le Devoir, Benoît Munger (Chevreu pour les intimes) est à récupérer graduellement les textes qu'il a produits pour le journal entre juillet 1995 et janvier 1997 (diffusés sur Web sur le défunt site «Sur l'inforoute»), et il ajoute à la collection ses articles les plus récents, au fur et à mesure de leur publication.  Munger a été un des premiers journalistes québécois de la presse imprimée, sinon le premier, à traiter régulièrement des questions relatives à l'Internet dans les pages du Devoir, et ce à un moment où le mot était presqu'inconnu ici.  Si on peut se réjouir de la vitalité du secteur multimédium et Internet au Québec, il convient de souligner le rôle de sensibilisation et d'analyse que Munger a joué.  Son opinion est toujours respectée, même si, parfois, nous n'abondons pas dans le même sens.  Le milieu, tant journalistique que des réseaux, lui en est redevant.  Ad multos anos.

INFOROUTES ET FRANCOPHONIE
La Conférence des ministres francophones chargés des inforoutes se tiendra à Montréal, du 19 au 21 mai 1997.  On apprenait vendredi dernier que les 49 pays membres de la Francophonie avaient adopté à Genève, en préparation de la conférence de Montréal, un plan d'action pour favoriser la démocratisation de l'accès aux inforoutes et le développement solidaire du cyberespace francophone.

Intéressant de voir, si peu de temps après l'affaire Mygale, les ministères parler de démocratisation d'accès et de développement solidaire.

Et concernant Mygale, Arno*, le webmestre du Scarabée et membre du collectif uZine, commente à sa manière le passage du service Mygale chez Havas On Line, et nous citons : «L'initiative d'un jeune passionné, dans un tel système, même si elle rencontrait parfaitement les objectifs politiques du gouvernement (présence francophone sur le réseau et initiation des Français aux nouveaux médias), ne pouvait se terminer que de façon privée : refus de soutien par un organisme public et passage obligé dans le secteur privé (Havas On Line) [...] la solution retenue, si elle permet à Mygale de survivre, ne règle pas les problèmes posés : simplement elle les déplace».  Analyse intéressante d'un des acteurs du Web indépendant.

PERSPECTIVES CANADIENNES
Vendredi dernier, réunion finale de la seconde phase des travaux du Comité consultatif sur l'autoroute de l'information (CCAI).  Depuis sa création en 1994, l'organisme a pour mandat de conseiller au gouvernement une stratégie relative aux inforoutes et à leur développement.  Selon son président, David Johnston, il importe que le gouvernement mette tout en oeuvre pour favoriser l'accès de la société canadienne aux inforoutes, et pour élaborer, avant la fin de 1997, une stratégie visant la production, la distribution et la promotion de contenus canadiens de qualité en français et en anglais.  En outre, reconnaissant les mutations profondes qu'entraînent les inforoutes sur le milieu de travail, le Comité suggère au gouvernement de moderniser les lois régissant les normes de travail.  Il réitère donc les grands axes de son document, publié l'an dernier, «La société canadienne à l'ère de l'information : Pour entrer de plain-pied dans le XXIe siècle».  Sur le plan juridique, le Comité dit que les lois actuelles sont adéquates pour lutter contre les excès commis par certains utilisateurs, mais que la difficulté se situe dans l'application des lois.  Le rapport final sur les travaux du Comité devrait être disponible en mai.

QUESTIONS JURIDIQUES
Autre indicateur des perspectives, et rassurant pour ceux et celles qui craignent des actions législatives «sur mesure» pour l'Internet, le gouvernement fédéral publiait le mois dernier, par l'entremise d'Industrie Canada, le document intitulé «Étude de la responsabilité relative au contenu circulant sur Internet».  On peut lire au chapitre des conclusions que «les résultats de notre étude indiquent qu'à ce jour, et dans la plupart des cas, aucun problème manifeste n'a été relevé qui justifie une intervention à grande échelle du législateur».

La solution à la répression de l'utilisation illégale de l'Internet passerait-elle par une surveillance accrue des utilisateurs en milieu de travail?  C'est cette avenue qu'adopte le ministère canadien de la Défense.  En décembre, un chercheur du Centre de sécurité des télécommunications (qui relève de ce ministère) était accusé de possession et de diffusion de pornographie juvénile depuis son bureau au CST.  La semaine dernière, un deuxième employé du ministère devait faire face devant les tribunaux à des accusations semblables.  On apprenait alors, dans le Ottawa Citizen, que des techniciens du ministère étaient à installer, à un coût de 100 000 $, un système de contrôle des accès ministériels à l'Internet.  On a restreint l'accès à certains canaux d'échange IRC et à certains forums, un filtre avertira les utilisateurs s'ils ont accès à un site jugé douteux, et toutes les opérations des utilisateurs seront enregistrées dans une base de données.

19 AVRIL : NERVOSITÉ
Certaines dates, en raison de ce qu'elles évoquent, provoquent parfois des craintes de répétition d'événements tragiques.  Waco, Texas, 19 avril 1993, 80 morts.  Oklahoma City, 19 avril 1995, 168 victimes, des centaines de blessés.  Verra-t-on, dans un cycle infernal biannuel, une autre tragédie marquer le 19 avril 1997?

Selon la chaîne CNN les autorités d'Atlanta, toujours à la recherche des coupables dans l'affaire de l'attentat à la bombe au Parc olympique l'été dernier, s'inquiètent d'un lien possible entre cette affaire et l'explosion d'autres bombes dans le région au cours des derniers mois.  En février, une bombe explosait dans un bar gai de la ville.  Le mois précédent, deux cliniques d'avortement étaient aussi la cible de bombes.  Selon les responsables, si on en croit les lettres revendiquant ces attentats, ils seraient attribuables au groupe Army of God.  Les lettres laissent entendre qu'il y aura d'autres attentats sous peu, d'où une vigilance accrue de la part des autorités à l'approche du 19 avril.

Déjà en 1995, la Feminist Majority Foundation faisait état de liens entre le mouvement anti-avortement aux États-Unis et les milices d'extrême-droite américaines.  À lire aussi, le profil de Shelley Shannon, une des personnalités les mieux connues de cette «armée de Dieu» qui ne craint pas le recours au terrorisme pour mieux défendre la vie.

Pendant ce temps se poursuit le long processus de sélection des jurés du procès du principal accusé de l'attentat à la bombe d'Oklahoma City, Timothy McVeigh.  Le procès, qui se tient à Denver, a attiré un fort contingent de presse : 1 800 journalistes accrédités, 2 000 autres attendus, au cours du procès, pour des reportages ponctuels.  Autres chiffres : le FBI a mené 25 000 entrevues avec des témoins et des suspects, les enquêteurs ont passé au peigne fin 1 000 tonnes de débris, analysé les rapports de 100 000 appels téléphoniques, obtenu les détails sur 1 300 réservations de chambres d'hôtel.

Quelques sites consacrés au procès, celui du Denver Post Online, celui de Digital City Denver, celui de la chaîne MSNBC et celui de CNN.

WEBS CONTROVERSÉS
L'affaire de la secte Heaven's Gate a soulevé le voile tissé serré des sites Web dont le contenu porte à controverse.  Plus récent épisode, la Anti-Defamation League (ADL) américaine qui reproche au fournisseur America On Line d'héberger sur son serveur le site d'un de ses cients, «The Knights of the Ku Klux Klan - Realm of Texas».  Dans un communiqué diffusé le 7 mars dernier, l'ADL signale que, bien que le site ne contienne pas d'appel explicite à la violence, il véhicule néanmoins des concepts troublants comme la haine et la vulgarité, et prône la suprématie de la race blanche.  Le directeur national de l'ADL, Abraham H. Foxman, se dit opposé à la censure de l'Internet, mais voudrait que America On Line se conforme à ses lignes directrices en matière de contenus offensants.  Selon un porte-parole de America On Line, le fournisseur de services a déjà exigé la fermeture d'un site du KKK qui incitait à la violence, mais n'entend pas sévir contre celui visé par l'ADL car la situation est différente.

Le site «KKK Realm of Texas», selon le Nando Times, est l'oeuvre de Michael Douglas Lowe, un menuisier de 48 ans de Waco au Texas (tiens tiens), selon qui les informations diffusées sur son site sont le fruit de recherches en histoire menées à la bibliothèque de l'Université Baylor non loin de chez lui.  Il nie être antisémite, anti-noir, anticatholique, se disant simplement fier de sa culture et de son patrimoine.  En fait, le site de ce chapitre texan du KKK est un reflet assez pâle du site officiel du Klan qui, lui, a fait l'objet de nombreuses dénonciations de la part de l'ADL et du Centre Simon Wiesenthal, et aussi de Steve Beikirch, lui aussi du Texas, avec sa page Stop the Hate et sa collection de sites pour le moins bizarres sur les milices, les groupes néo-nazis et autres associations du genre.

LANGUES OFFICIELLES : ÉTAT DE LA SITUATION
Le Commissaire aux langues officielles du Canada, Victor Goldbloom, a rendu public cette semaine le 26e Rapport annuel de son Bureau.  Faut-il se réjouir, faut-il se préoccuper?  Selon le Commissaire, «l'année 1996 n'a été ni le meilleur ni le pire des millésimes pour les langues officielles».  Le nombre de plaintes déposées n'a guère varié au cours des cinq dernières années, elles se situent toujours entre 1 500 à 1 800; les plaintes portant sur l'absence de services fédéraux dans l'une ou l'autre des langues officielles continuent de former plus des trois quarts des plaintes recevables; la «clientèle» du Commissaire se compose cette année de 83 % de francophones et de 17 % d'anglophones.  Côté inforoutes, le rapport «La société canadienne à l'ère de l'information : pour entrer de plain-pied dans le XXIe siècle», mentionné plus haut, décrit la stratégie adoptée par le gouvernement fédéral, mais n'a pas grand-chose à dire au sujet de la dualité linguistique ou de l'accès équitable à l'autoroute de l'information en français.

Mais si le Commissaire constate un statisme de la situation, ce qui est constant pour le mouvement Impératif français c'est le recul du français au Canada, un dossier en quatre parties, disponible depuis la page principal du site Web.  Seulement au Québec, bien qu'elle ne représente que 10 % de la population québécoise, la communauté anglophone attire à elle seule tout près de 70 % des transferts linguistiques, une situation qui a de quoi inquiéter.

Toujours sur la question de la langue, une entrevue de Guy Bouthillier, auteur de «L'obsession ethnique» et nouveau président de la Société Saint-Jean-Baptiste, disponible en texte et en RealAudio sur le site du journal VOIR.  Vous aurez en prime, plus bas sur cette page, l'article de Richard Martineau sur le livre à controverse «Le Syndrome de Pinocchio» du journaliste André Pratte.

LECTURES RAPIDES
Depuis quelque temps, le périodique américain de réflexion contemporaine Atlantic Monthly est présent sur le Web.  Dans le numéro courant (avril), l'essayiste et universitaire,Robert D. King, explore la question des lois linguistiques aux États-Unis.  Face à la montée de l'immigration, l'anglais perd peu à peu sa place dans certaines régions américaines, ce que plusieurs souhaiteraient contrer par des lois rendant l'anglais seule langue officielle.

On apprenait samedi dernier le décès du poète américain Allen Ginsberg.  Figure monumentale pour toute une génération, nombreux sont ceux à dire qu'on lui doit une bonne partie de la liberté d'expression dont nous jouissons aujourd'hui et que nous tentons de préserver.  Une biographie rédigée par un amateur de Ginsberg, assortie d'une liste de liens intéressants, puis une des dernières entrevues de Ginsberg, propos recueillis par Steve Silberman.

Nouvelle section du site Écran Noir consacré au cinéma, «Autour de Bertrand Tavernier».  On y trouvera l'essentiel sur cet homme orchestre du cinéma français (réalisateur, scénariste, producteur, acteur), ainsi qu'une entrevue où Tavernier déborde largement du cadre qu'on lui connaît habituellement.

HOP! Magazine est rafraîchissant dans sa présentation d'initiatives artistiques et culturelles de toutes sortes.  Site parfois lent à charger, comme bien des sites de France, mais l'attente vaut le coup.

BEAU DÉTOUR
Le Vietnam, la Chine, la Géorgie, la Cisjordanie, un cimetière du Caire transformé en ville.  Haute en couleur et en noir et blanc, la section Photographies du magazine Atlas qui vaut le voyage.

12/18
Il y a 12 mois, dans la Chronique du 12 avril 1996, les amateurs de Formule 1 ont pris connaissance du site de Patrick Beaulieu qui affiche décidement les couleurs de Jacques Villeneuve.  Dimanche prochain, le Grand Prix d'Argentine.

Il y a 18 mois, dans la Chronique du 10 novembre 1995, deux sites à vocation culturelle qui se portent fort bien, soit Club Culture et Québec et Montréal sur scène, pour ceux et celles qui ne veulent pas attendre que Sidewalk se mette sur le trottoir.

Bonne semaine à tous et à toutes,

Jean-Pierre Cloutier
jpc@cyberie.qc.ca

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Production : Les Éditions Cybérie

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