Les Chroniques de Cybérie
Édition spéciale

Le 8 mai 1995
© Les Éditions Cybérie

Internet et commerce : un guide pratique
par Jean-Pierre Cloutier

Texte annoté d'une conférence prononcée le 8 mai 1995 au colloque «Autoroute de l'information : Défis et enjeux pour l'Outaouais» tenu sous l'égide de la Société de diversification économique de l'Outaouais (SDEO).


Comme vous l'annonçait le thème retenu pour cette présentation, nous allons parler des possibilités commerciales de l'Internet, c'est-à-dire comment les entreprises, grandes ou petites, les organismes, les travailleurs autonomes et les particuliers peuvent tirer profit de leur présence sur Internet.

Nous allons surtout parler de la 2e génération de services Internet, le World Wide Web qui allie de manière interactive les protocoles télématiques, les textes, les images et bientôt les sons. Cette deuxième génération de services est apparue depuis seulement deux ans et demi. Mais déjà plus de 10 millions de personnes à travers le monde ont accès au WEB. Je vous rappelle que ce chiffre est en croissance exponentielle et qu'il connaît selon les observateurs une croissance d'environ 50 % par mois.

Je vous propose donc, en premier lieu, un bref survol du bassin de clientèle qui se trouve sur le WEB. Nous examinerons ensuite certains exemples d'activités commerciales sur le WEB et tenterons de déterminer les étapes à franchir pour vous y assurer une présence.

Même si le médium, car c'est bel et bien un médium distinct des autres médias, donc même si le médium est nouveau, une foule d'entreprises exploitent déjà les possibilités énormes du WEB à des fins de marketing, pour vendre des produits ou des services, pour en faire la publicité, pour se créer une image de marque, pour tester de nouveaux produits, pour recruter du personnel, pour conclure des alliances stratégiques. Enfin, il ne semble pas y avoir de limites aux activités commerciales sur Internet.

Mais dans toute démarche commerciale, il importe de bien savoir à qui on s'adresse. Le choix d'un emplacement commercial est souvent dicté par l'achalandage et la clientèle qui fréquente telle artère ou tel centre commercial.

Une étude récente, menée par une équipe de recherche, nous apprend que le profil démographique de ces 10 millions de personnes ayant accès au WEB est fort intéressant sur le plan du marketing. Ces chiffres datent de février 1995 et je remercie au passage le professeur Sunil Gupta de l'Université du Michigan(1) de nous avoir gracieusement offert de les partager avec vous.

Les personnes qui utilisent le WEB constituent un bassin de consommateurs et de consommatrices éduqués :

Graphique sur la scolarité

C'est un bassin de clientèle dont le revenu disponible est plus élevé que la moyenne. Ainsi, on constate que :

Graphique sur le revenu

Sur le plan professionnel, dans quels secteurs d'activité se trouvent ces gens ? On voit que :

Graphique sur les secteurs d'activité

Les données sur l'état civil mettent en relief, du moins à cet égard, une des grandes différences entre Européens et Nord-Américains. Si la proportion de personnes mariées et célibataires est presque égale en Amérique du Nord (respectivement 48 et 47 %) il en va tout autrement en Europe où 68 % des personnes interrogées se disent célibataires alors que seulement 29 % des répondants et répondantes se déclarent mariés.

Par ailleurs, là ou se produit un clivage net chez le groupe de personnes interrogées, c'est sur la présence ou non d'enfants dans les ménages. Pour l'ensemble des répondants, 70 % déclaraient ne pas avoir d'enfants, et ce chiffre passe à 82 % pour les répondants Européens.
Graphique sur l'état civil

Les facteurs de motivation des utilisateurs semblent assez diversifiés. Les résultats du sondage/enquête révèlent que pour les répondants, dans l'ensemble :

Et c'est maintenant que nous abordons l'essentiel de notre propos : le commerce et l'Internet. Pour l'ensemble des répondants et répondantes, seulement 8 % disent faire des achats sur Internet; en Amérique du Nord ce chiffre est de 10 % et en Europe de 5 %.
Graphique sur les facteurs de motivation

Les responsables de l'enquête sont clairs dans leur commentaire à ce sujet : pour attirer la clientèle, il faudra élaborer des sites commerciaux qui savent amuser, qui suscitent l'intérêt et qui renseignent.

En fait, ils ont même interrogé la clientèle sur l'importance relative des qualités d'une entreprise qui vend ses produits ou services sur le WEB et la façon dont elle procède.

En tête de liste : la qualité de l'information.
Au douzième rang : le prix le plus bas.
Entre les deux, on trouve tous les volets de ce que l'on pourrait appeler les grandes qualités du commerce, c'est-à-dire :

Graphique sur les attentes

(1) Pour en savoir plus sur le projet HERMES et les résultats du sondage : http://www-personal.umich.edu/~sgupta/hermes/


Qu'est-ce qui se vend sur le WEB et comment s'y prend-on?

Avant tout, il convient de dire que l'exploitation de l'Internet à des fins commerciales est encore un phénomène peu répandu au Québec et que certains des exemples qui vont suivre sont d'origine étrangère.

Un des premiers commerçants à vendre un produit sur le WEB a été un fleuriste californien. Héritant de la tradition bien connue du Florist Telegraph Delivery (le célèbre service FTD qui permet d'envoyer des arrangements floraux dans presque n'importe quelle ville du monde), ce fleuriste avait décidé d'y ajouter une dimension rendue possible sur Internet, c'est-à-dire pouvoir commander d'où que l'on soit. L'exemple a fait école et a été suivi par bon nombre de boutiques florales dont Fleurs d'été et Eagle Express Flowers.

On peut voir les produits, en connaître le prix, et un système de formulaire de commande et de paiement permet de gérer la transaction.

Une autre entreprise possédant une longue expérience des ventes à distance est la société de vêtements Tilley Endurables. Cette entreprise s'est bâtie sur une solide réputation pour la durabilité de ses produits, leur qualité, et pour la vente de ses produits par catalogue, c'est-à-dire à distance. Pour elle, il n'y avait donc qu'un pas à faire pour transformer son catalogue papier en catalogue électronique.

Si on habite l'Outaouais, le sirop d'érable, malgré son prix qui monte, c'est le cas de le dire, comme sève au printemps, est une denrée disponible dans la plupart des supermarchés. Mais à Paris, Londres, Austin (Texas) ou Wellington en Nouvelle-Zélande, ce n'est pas le cas. C'est pourquoi un entrepreneur Montréalais, JAM Logical Solutions, a décidé d'utiliser le WEB pour vendre le nectar d'érable.

Comme on peut le voir, le WEB se prête à la vente de produits ou services dans des créneaux spécialisés. C'est à mon avis un des principaux axes de développement du téléachat.

Aux États-Unis, un architecte tire profit des possibilités d'illustration du WEB pour vendre des plans de maisons qui brillent par leur originalité. Residential Designs, en plus de vendre les plans détaillés de ces résidences, offre en outre d'y apporter sur demande des modifications.

L'auteur Jim Ho, pour sa part, a choisi d'annoncer son dernier ouvrage sur Internet. Ainsi, on peut se renseigner sur le contenu du livre, l'auteur et les points de vente du livre.

Un exemple de bel amalgame entre services d'information et commerce, c'est Via Rail qui offre maintenant la possibilité de se renseigner sur les tarifs et horaires des trains en partance pour toutes les destinations qu'elle dessert de même que sur les points de vente des billets.

Au Québec, on a assisté depuis quelques années, dans les secteurs public et para-public, à la transformation de l'usager en client auprès duquel il faut faire le marketing de ses services. C'est ce qu'a compris la Maison de la Culture de Gatineau en offrant au public de l'Outaouais une foule de renseignements sur les activités qui s'y déroulent.

Le WEB peut aussi servir à la promotion de groupes oeuvrant dans le secteur de la culture, comme cet orchestre de musique de chambre de Québec, les Violons du Roy, qui utilise le WEB pour annoncer ses spectacles et vendre ses disques compacts.

Il s'agit là d'initiatives individuelles, propres à une entreprise, un organisme ou un établissement. Par contre, on est de plus en plus appelé à voir se développer des alliances stratégiques pour percer le mur du WEB.

Par exemple, on assiste à la naissance de consortiums régionaux en Europe. Le projet Euro RegionLink est une initiative qui relie cinq régions d'Europe et qui a pour but de les faire connaître, de faire connaître leurs produits locaux, de stimuler le tourisme régional.

C'est ce concept d'alliance stratégique qui a aussi donné naissance à des projets comme la future Place Métadyne, un centre d'affaires virtuel qui regroupera plusieurs entreprises, organismes et services sous un même toit.


Passons maintenant à une question importante : Combien coûte une présence sur le WEB?

Il y aura à cette question autant de réponses que le nombre de fois où elle sera posée. Sur le plan pratique, disons qu'une présence sommaire, c'est-à-dire la production d'un contenu simple (1 page) et son hébergement sur un site serveur, pourra entraîner sur une période d'un an des coûts d'environ 1 000 $, ce qui est peu considérant le potentiel de nouveaux marchés qu'offre cette présence.

Par contre, des sites plus élaborés qui sont fréquemment mis à jour, ou pour lesquels on doit gérer des systèmes sécuritaires de transactions ou autres raffinements, entraîneront évidemment des frais plus élevés. Il s'agira alors de déterminer, comme dans tout investissement de marketing, le rendement sur capital investi. Il faudra, par voie de conséquence, évaluer les effets sur le volume d'affaires, mais aussi sur l'image de marque que l'on veut se donner, sur les nouveaux contacts établis et sur une foule d'autres facteurs qui varieront d'un utilisateur à un autre.

Alors, comment procéder pour être présent sur le WEB? Quelle stratégie adopter?

Quelques conseils :

D'abord, certains diraient que c'est une évidence solaire, branchez-vous sur Internet. C'est la première étape. Tous les sites que nous avons visité comportent des liens directs de courrier électronique. Il est donc important que vous ayez une adresse Internet à laquelle les gens peuvent communiquer avec vous.

Une fois branché, explorez le WEB. Allez faire un tour de ville. Vos concurrents, ou encore des entreprises du même genre que la vôtre, sont-ils sur le WEB? Si oui, comment procèdent-ils et quelle impression, comme consommateur, en retirez-vous?

Sur le plan de la conception et de la réalisation technique de votre site WEB, il y a l'option «faites-le vous-même». Si vous aimez «bricoler» et si vous disposez des outils et du temps nécessaires, c'est une possibilité. Sinon, consultez une entreprise d'expérience. C'est vrai, le domaine est nouveau et il y aura sous peu bon nombre de «constructeurs» de sites WEB pour lesquels vous pourriez être le premier client. Si cette entreprise n'a pas de projet à son actif, avant de donner votre feu vert à la construction de votre vitrine électronique, demandez à voir une maquette virtuelle de ce qu'elle vous propose.

Ne craignez pas de magasiner les services spécialisés et de demander des devis de production. Comparez les prix, mais ne perdez pas de vue la qualité du produit qu'on vous offre. Sachez aussi préciser vos attentes. Vous connaissez votre entreprise mieux que toute autre personne; assurez-vous que le fournisseur de services comprend bien la nature de vos activités.

Abonnez-vous à un service téléphonique 1-800. Le courrier électronique est très efficace, mais une fois le lien commercial établi, bien des gens préféreront communiquer avec vous par téléphone. Souvenez-vous que vous entendez vendre à l'échelle du globe.

Enfin, parlez la langue (ou les langues) de votre clientèle cible. Si vous voulez vendre aux États-Unis, c'est en anglais que vous devrez présenter votre produit. On parle de plus en plus de l'ALENA? Décrivez vos produits et services en espagnol. Certes, les options de sites multilingues ajouteront aux coûts de production, mais augmenteront d'autant la portée de votre message.


Malgré le peu de temps qui m'était imparti, j'espère que cette présentation aura su vous éclairer sur l'énorme potentiel commercial de l'inforoute. Par contre, attendez-vous à voir ce monde évoluer très rapidement.

Très bientôt, disons 18 mois, la technologie permettra l'utilisation à grande échelle d'une troisième génération de services permettant l'utilisation de sons, d'images animées et d'illustrations en trois dimensions.

D'ici trois ans, la réalité virtuelle avec casque de visionnement et bras de manipulation d'objets sera chose commune sur les inforoutes.

Ce qu'il importe de comprendre, c'est que plus vous retarderez votre accès à la technologie présentement disponible, plus la marche sera haute quand de nouvelles technologies s'imposeront.

Le temps est opportun, le contexte est propice, les ressources sont disponibles, c'est donc le temps de passer à l'action.

Dans la nouvelle économie mondialisée, bon nombre d'entreprises verront leur réussite étroitement liée à l'exploitation, certes rationnelle, mais aussi créative, des nouvelles technologies.

Heureusement, grâce à des initiatives comme celle de la SDEO qui a organisé la tenue de ce colloque, les entreprises de l'Outaouais pourront disposer d'un avantage concurrentiel dans cette économie mondialisée.

Il n'en tient donc qu'à vous de faire partie des gagnants de demain.

Merci.

Jean-Pierre Cloutier
jpc@cyberie.qc.ca

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Production : Les Éditions Cybérie Réalisation : mychelle tremblay

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URL : http://www.cyberie.qc.ca/chronik/950508/950508.html