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Page daccueil Les Chroniques de Cybérie
Le mardi 9 avril 2002

Salutations à tous les Cybériens et Cybériennes!

Cette Chronique n'est optimisée ni pour Netscape, ni pour Internet Explorer, elle l'est pour ses lecteurs et lectrices.

Cette semaine en Cybérie...

  Israël/Palestine : en avez-vous assez?
Moi oui.  Assez de ce qui se passe tous les jours dans cette folle campagne soi-disant «anti-terroriste» menée par Israël, assez des choix inextricables qu'on semble vouloir imposer (du genre, si on est contre les actes antisémites en France ou ailleurs, on doit forcément appuyer le gouvernement d'Israël), assez des remontrances timides des États-Unis à l'endroit du gouvernement Sharon (qu'ils appuient à hauteur de 2,7 milliards de dollars par année, 450 $ per capita, et dont ils épongent les déficits annuels), assez du silence des nos dirigeants élus, assez des attaques contre les journalistes qui tentent de rendre compte des événements, assez des mauvais traitements infligés au personnel médical et ambulancier (sans compter le sabotage de leurs communications d'urgence), assez...  Assez, aussi, du sentiment d'impuissance totale face à cette situation.

On comprend bien pourquoi l'administration Bush ne veut plus des tribunaux internationaux pour juger les responsables de crimes contre l'humanité, et exercent des pressions pour leur retirer leurs mandats (Washington Times).  La présente crise aurait de quoi les occuper longtemps.  La compétence universelle des tribunaux belges pour juger des crimes de génocides et de guerre? Dans le cas de Sharon (camps de Sabra et Chatila en 1982), les témoins se font rares : trois sont disparus dans des circonstances mystérieuses en deux mois (The Independent).  Pourant, il faudra bien qu'un jour quelqu'un rende des comptes.

Et les mots, toujours les mots.  Le journaliste Robert Fisk du Independent nous a mis, dans son article d'hier, sur la piste d'un beau glissement de rectitude politique sur l'appellation de la Cisjordanie et de la bande de Gaza.  William Safire, du New York Times, écrivait récemment : «Ce sont des territoires disputés.  De les appeler “territoires occupés” révèle un préjugé contre le droit d'Israël à des frontières “sécuritaires et défendables”.» Aussi, parlant des victimes, les civils israéliens sont «assassinés» par les Palestiniens, mais ces derniers «meurent par balles» sans mention de leur provenance. 

Le bombardement du camp de réfugiés de Jenin vous révolte? Mais non, voyons.  Selon le brigadier général Eyal Shlein, sur les ondes de la radio nationale, Tsahal (armée israélienne) fait preuve de retenue par respect pour ses «principes humanitaires» (cité dans Ha'aretz).  Est-ce le genre de discours que suggère le stratège et manitou de relations publiques James Carville (Jerusalem Post), celui qui a aidé Bill Clinton à arriver à la Maison blanche, qui a permis à Ehud Barak de défaire Binyamin Netanyahu en 1999 et qui, ne l'oublions pas, a conseillé les troupes de Jean Chrétien lors de la dernière élection au Canada?

Quelques sources d'information Web sur le conflit.

Coup de chapeau à Radio France Internationale pour sa couverture à chaud, ses analyses pertinentes, ses revues des éditoriaux de la presse africaine (eh oui, on s'inquiète là-bas aussi), et bien d'autres choses encore.  Bulletins d'information au 30 minutes, 24/7, et menu d'émission à la carte. 

Olivier Six, Français en séjour à Jérusalem et blogueur.  Son site, «Brest-Jérusalem», produit on le comprendra dans des situations difficiles, est un incontournable au quotidien.

En anglais, le Independent Media Center de Jérusalem poursuit dans la tradition des IMC des collectifs de journalisme indépendant et des forums de discussion sur l'information.  Electronic Intifada Diaries s'inscrit dans la même veine, tout comme le Palestine Chronicle.  Ces trois sites sont très fréquemment mis à jour, et dans le cas du Palestine Chronicle, la section photographie est à voir (photos précédentes au bas de la page).

Le champ gauche est fort bien couvert avec Antiwar.Com, liste de manchettes des grands médias d'un peu partout et textes originaux, et Cursor.Org où les informations sont ressassées en courtes phrases aux liens hypertextes nombreux.

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  Petits exercices de comptabilité
Combien a coûté l'organisation des attentats du 11 septembre? En novembre dernier, Madame Anne le Lorier se voyait confier par Laurent Fabius, ministre français des Finances, une mission d'enquête sur le financement du terrorisme.  Dans un rapport confidentiel d'une cinquantaine de pages, dont le correspondant parisien du quotidien pakistanais Dawn a obtenu copie, elle estime que le coup du 11 septembre aurait coûté au plus un million de dollars, y compris le financement de l'implantation des commandos suicide en sol étasunien.

Combien coûte une charge explosive comme celles utilisées par les commandos suicide palestiniens? Si on en croit les documents «miraculeusement» trouvés par les forces israéliennes à Ramallah, et qui font état de liens entre l'administration palestinienne et les brigades des martyrs de Al-Aqsa, chaque charge coûterait 150 $.  Hâtez-vous de lire, ces archives sont celles du réseau Fox (qui ont tendance à disparaître inopinément).

Pour prêter main forte aux forces armées israéliennes jusqu'à ce que «le travail soit terminé», le gouvernement Sharon a appelé sous les drapeaux au moins 20 000 réservistes, selon le Jerusalem Post (chiffre sujet à révision).  Combien d'entre eux refusent de servir dans les conditions et pour les objectifs manifestes de la présente campagne? Au moins 404 (ce mardi 9 avril), dont 32 ont été emprisonnés.

Vous souvenez-vous encore de l'Afghanistan? Mise en perspective : combien a représenté le marché de la rénovation domiciliaire au Canada en 2001? C'est 27,1 milliards de dollars canadiens (17 milliards US), selon la Société canadienne d'hypothèque et de logement.  Les promesses d'aide à la reconstruction de l'Afghanistan, conférence de Tokyo, janvier 2002 : 4,5 milliards de dollars US sur cinq ans (voir Cyberpresse).

Et le bilan véritable de l'opération Anaconda? Là, ça se complique.  La «réussite totale» de l'opération (les mots sont du général d'État major étasunien Tom Franks) est examinée de près par le journaliste Brendan O'Neill dans le netmag Spiked.  Une recension de 35 articles de presse et de déclarations souvent contradictoires sur l'étrange bataille de Shah-i-Kot et ses résultats.

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  Israël : secteur techno en difficulté
Comme on peut l'imaginer, le secteur technologique israélien, tout comme le reste de l'économie de l'État hébreu, est en proie à de sérieuses difficultés.  Du premier au troisième trimestre de 2001, selon les documents de la banque centrale israélienne, les exportations de matériel de haute technologie sont passés de 977 à 809 millions de dollars US par trimestre.  Cette baisse se conjugue à la chute de 50 % des revenus touristiques, et de la perte de 80 % de la main-d'oeuvre palestinienne qui représentait 25 % des emplois des secteurs de l'agriculture et de la construction.  S'il y a eu au cours de la période visée (trois premiers trimestres de l'an dernier) un effondrement de la demande des produits technologiques, les responsables évoquent évidemment dans leurs rapports l'intifada pour expliquer la chute des exportations technologiques.  De plus, ils constatent une baisse de 70 % des investissements directs de l'étranger pour la période correspondante en 2000.

Selon l'association des industries israéliennes de l'électronique, le secteur employait en 2001 environ 62 000 personnes, dont 63 % d'ingénieurs.  Ce créneau d'emploi dans le génie électronique serait principalement occupé par 40 000 immigrants russes arrivés en Israël depuis les dix dernières années.  On y trouve des filiales de plusieurs grandes sociétés transnationales, comme IBM, Intel, Microsoft, Siemens, Alcatel, Philips.  À noter que, selon l'association, 12,7 % des exportations du secteur technologique étaient composées de matériel militaire (missiles et armes guidés, systèmes de renseignement, communications militaires, équipement de vision nocturne).  Aussi, plus d'une vingtaine de sociétés israéliennes ont des installations d'assemblage ou de fabrication en Silicon Valley.

Mais les récents événements exercent des pressions sur l'ensemble de ce secteur de l'économie israélienne.  Entre autres, mardi dernier, le Département d'État des États-Unis émettait une mise en garde contre les déplacements en Israël, ce qui met temporairement un frein aux voyages de spécialistes et ingénieurs qui faisaient la navette entre la Silicon Valley et Israël selon le Mercury News.

À défaut de respecter les résolutions des Nations Unies et les conventions internationales, le gouvernement israélien sera-t-il influencé par les lois du marché? Oui, peut-être quand le travail sera achevé, pour employer les mots d'Ariel Sharon.

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  Journalistes et Internet
La société européenne de conseil en communication Hopscotch a publié la semaine dernière une enquête sur l'effet des nouvelles technologies sur le travail des journalistes.  En se basant sur un échantillon de 418 journalistes de 14 pays (France, Italie, Espagne, Royaume-Uni, Allemagne, Pays-Bas, Suède, Danemark, Finlande, Norvège, Etats-Unis, Japon, Australie et Afrique du Sud), Hopscotch a établi que la vaste majorité des journalistes estiment qu'Internet a eu un effet positif pour faciliter les recherches.

Adoptants précoces, 40 % des répondants disent être branchés au réseau depuis 1995.  On retrouve principalement dans ce groupe les journalistes du secteur informatique et Internet et des médias en ligne, sauf en France où ce sont les journalistes de la presse écrite grand public qui ont été les premiers à utiliser le réseau à des fins professionnelles.

Selon Hopscotch, «le Web s'est imposé aujourd'hui comme la première source d'informations (41,7 %), devant le réseau personnel des journalistes (35,4 %) et les autres médias (22,9 %) [...] Certains journalistes naviguent jusqu'à 20 heures par semaine et plus.  En première position : les journalistes de la presse écrite Internet et informatique (36,5 %) et des médias en ligne (24,9 %).  Dans une moindre proportion les journalistes de la presse écrite économique (19,2 %), de la presse grand public (13,4 %) et des médias audiovisuels (5,7 %).»

Par ailleurs, une des constatations de l'enquête nous laisse perplexe : l'envoi de communiqués de presse par courriel est finalement considéré comme peu intrusif; les journalistes déclarent dans une grande majorité (79,2 % en France) accepter les pièces jointes aux messages.

Il y a problème ici, comme bon nombre de collègues pourront le confirmer.  C'est que trop de responsables des relations publiques envoient leurs communiqués au plus grand nombre possible de journalistes (effet de la gratuité du courriel), sans se soucier de savoir s'ils sont intéressés à les recevoir, ou encore si le contenu s'inscrit dans leur champ de couverture journalistique.  D'une part, on les comprend : dire à leurs clients qu'ils ont une «liste ciblée» de plusieurs centaines d'adresses de journalistes augmente la valeur présumée de leurs services.  En revanche, pour chaque communiqué qui «porte», chacun de ceux qui s'égarent dans des boîtes aux lettres où ils ne sont pas pertinents véhicule, tant pour les relationnistes que pour leurs clients, une image d'amateurisme et d'improvisation.  Les clients devraient donc se méfier des envois faits en leur nom à des listes gonflées que l'on pourrait, à la limite, associer au pourriel.

Non, je n'irai pas sur une péniche à Asnières-sur-Seine (France), Port Van Gogh, pour assister au lancement de X.  Bravo si la Communauté Y héberge gratuitement en Nouvelle-Zélande les voyageurs qui en font la demande préalable, ce n'est pas dans mes projets.  Même chose pour cette rencontre sur le commerce électronique à la Salle académique de la Faculté Warocque à Mons (Belgique).  Pour ce qui est des pièces-jointes au courriel, on a tous eu nos aventures de fichiers monstrueusement volumineux, sinon infectés de virus/vers.

Petit rappel aux relationnistes?

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  Journalisme en ligne et blogues
Commençons par le tour d'horizon du journalisme en ligne tel que pratiqué en Europe que nous propose J.D. Lasica du Online Journalism Review.  La France et la Suisse ne font pas partie des cas étudiés par Lasica, la Belgique francophone n'est que brièvement mentionnée pour «Le Soir», l'Europe de l'Est est exclue car l'édition en ligne en est à ses premiers balbutiements, mais on trouve des portraits sur l'Autriche, le Danemark, l'Allemagne, le Royaume-Uni, l'Italie, les Pays-Bas, l'Espagne et la Suède.

Lasica observe que les traditions journalistiques de chacun des pays laissent leurs empreintes sur les médias en ligne.  Il cite Mark Deuze, de l'École de communication d'Amsterdam, qui perçoit même des différences d'approche entre pays du nord et du sud de l'Europe : en Europe du Nord, les investissements et les plate-formes exploitées semblent être davantage le résultat d'un effort concerté, alors qu'en Europe du Sud, les programmes de formation et le fonctionnement des salles de rédaction relèvent davantage de l'initiative de quelques groupes d'individus.  Selon Deuze : «La formation des journalistes dans les pays du sud de l'Europe met l'accent sur son rôle en tant que maître des mots et artiste, alors que dans le nord la tradition se veut plus professionnelle et corporatiste, ce qui est bien moins amusant.»

Lasica conclut que les journalistes nord-américains auraient intérêt à regarder du côté de l'Europe où, semble-t-il, on est davantage enclin à l'innovation dans les contenus en ligne, dont les blogues.

Eh puis les blogues.  Plus une semaine ne passe sans que dans la presse spécialisée en communication, médias et journalisme, on aborde la question de ces journaux d'opinion en ligne qui se sont multipliés avec une vitesse phénoménale depuis quelques mois (voir à cet égard notre article dans Multimédium). 

Il y a eu cet article de John Hiler dans Microcontent News (publication sur les blogues, les webzines et l'édition personnelle), et largement commenté dans l'univers blogue, intitulé «Borg Journalism: We are the Blogs.  Journalism will be Assimilated».  Le journalisme aspiré par le phénomène blogue? Ironiquement, ce journaliste spécialisé dans la tendance blogue se voit déplorer que ceux et celles qui animent ces sites personnels (et collectifs) lui dérobent ses meilleurs sujets et suivis à donner à ses articles.  Par contre, il cite Dan Gillmor du San Jose Mercury News qui a adopté d'emblée le modèle et qui faisait part de ses quatre principes de base face aux blogues et au journalisme en ligne.

«1.  Mes lecteurs en savent davantage que moi;
2.  Ce n'est pas une menace, c'est plutôt une occasion à saisir;
3.  Ensemble, nous pouvons créer un espace d'échange qui se situe entre un séminaire et une conversation, ce qui profitera à tout le monde;
4.  Tout ceci est rendu possible par l'interactivité et les technologies de la communication (courriel, blogues, forums de discussion, sites Web).»

Cette citation de Gillmor n'est pas sans rappeler celle de l'animateur radio et communicateur Jacques Languirand que nous vous rapportions en mars 1999 : «Mon métier de communicateur aura toujours été pour moi l'occasion de m'instruire.  [...] Sans doute parce que je pratique un merveilleux métier qui me permet de m'instruire en public.  Tout le monde éprouve le besoin de plaire, d'être aimé.  J'ai découvert que je pouvais plaire - relativement - en m'instruisant en public...  Le secret est de susciter l'intérêt et de l'entretenir.  Mais j'aime bien aussi amuser la galerie.  Je demeure sans doute un homme de spectacle.  Toute communication, du reste, tient du spectacle.  Mais je ne cherche pas pour autant à être drôle.  On dit que je le suis à l'occasion.  Cela vient sans doute de ce que je m'instruis en m'amusant - ou que je m'amuse en m'instruisant...».  Vivement le retour en ondes de son émission.

Mais revenons à l'article de John Hiler et à sa conclusion : sans aucun doute, le phénomène des blogues est un élément nouveau très fort qui redéfinira ce que signifie être journaliste : «Si vous gagnez votre vie en écrivant des articles, il serait dangereux que vous ignoriez les blogues.»

Parlons maintenant d'un second article, celui de Henry Copeland publié dans Pressflex sous le titre «Talk is cheap and so is blogging» (facile de parler, facile de bloguer).  Copeland explique à sa manière la difficulté de compréhension du phénomène blogue par les journalistes traditionnels : «Comme un enfant d'un an qui découvre le concept d'autrui, le journaliste traditionnel qui écrit sur les blogueurs est incapable de définir cet “autre” sauf par une version édulcorée de lui-même.» Il reprend aussi la liste des reproches formulés aux blogues dans un récent article du Boston Globe : les blogues ne s'adressent pas à un large public, ils manquent de sérieux et d'objectivité, la qualité rédactionnelle laisse à désirer, ils sont truffés de détails personnels sans intérêt, etc.

Copeland prend la défense des blogues et estime que, comme c'est le cas pour le courriel ou les SMS, l'ensemble est plus grand que la somme des parties, que la «blogosphère» (néologisme attribué à Bill Quick) est plus que la somme des blogues.  De plus, si un nouvel ordre informationnel et communicationnel est en train de s'instaurer, il ne le fait pas en négation du précédent, pas plus qu'en ressassant vilement ses composantes, mais la société est encore en période d'apprentissage sur l'utilisation des nouveaux médias.

Enfin, la journaliste Norah Vincent aborde dans le Los Angeles Times un aspect plus politique des blogues d'actualité et soutient qu'ils irritent au plus haut point le camp libéral aux États-Unis (on ne saurait parler de gauche).  Et pourquoi? «Les blogues suscitent la colère car ils constituent des options sérieuses aux publications imbues d'elles-mêmes comme le New York Times, le Los Angeles Times ou le Washington Post et leurs satellites dont la couverture est tout aussi partiale que celle des blogueurs.  Ces derniers ont au moins l'honnêteté d'avouer leur partialité et n'ont aucune prétention à l'objectivité.»

Bref, le phénomène des blogues suscite un vif débat tant sur le fond que sur la forme, et surtout sur son avenir.  Il semble avoir pour cible principale la presse imprimée et ses dérivés Web, laissant presque intacts les autres médias.  Et c'est d'ailleurs sur ce terrain qu'il peut efficacement concurrencer les médias traditionnels en raison de son interactivité, ce qui fait dire au journaliste blogueur James Lileks, «le journal est une conférence, le Web est une conversation». 

En complément d'information, une courte liste des journalistes et blogueurs que nous lisons à l'occasion, dont celui du collectif «La Tribu du verbe» et celui tout récent d'Élie Charest, «One, Archie St.»

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  Daniel Pearl : suivi
Mardi, 2 avril, l'avocat du principal accusé dans l'enlèvement et le meurtre de Daniel Pearl, Ahmad Saeed Omar Shaikh, a tenté d'obliger le juge Arshad Noor Khan à se récuser.  En effet, le nom du juge figurait sur la liste des témoins à charge fournie par le ministère public, car c'est devant lui qu'en février dernier l'accusé aurait avoué, mais non sous serment, qu'il avait enlevé Pearl et que ce dernier était mort.  Malgré l'exposé des faits, le juge Khan du tribunal anti-terroriste (ATC-III) est toujours chargé du procès (Dawn, 3 avril).

Jeudi, 4 avril, autre revers pour les juristes assurant la défense de Omar Shaikh qui contestaient la tenue du procès à huis clos et à l'intérieur de la prison centrale de Karachi.  Selon les avocats, d'autres procès devant le tribunal anti-terroriste se sont déroulés en public et leurs clients devraient avoir droit à un procès ouvert.  Deux juges d'une cour d'appel pakistanaise ont cependant rejeté leur demande (CNN, 4 avril).

Vendredi, 5 avril, Ahmad Saeed Omar Shaikh et trois de ses présumés complices comparaissent devant le tribunal.  Six journalistes de médias locaux avaient obtenu par voie d'injonction, la veille, la permission du juge Kahn d'assiter à l'audience qui devait se tenir à huis clos, mais ils se sont vus refuser l'accès par les autorités du pénitencier.  Ils ont l'intention de poursuivre ces dernières pour mépris de cour.  Selon des informations fragmentaires obtenues des avocats des accusés, l'un d'entre eux, Salman Saqib, a déclaré s'être fait voler une somme d'environ 1 200 $ US par les policiers au moment de son arrestation, et avoir été sévèrement battu alors qu'il était en détention (Dawn, 5 avril).

L'audience a toutefois été de courte durée.  Les avocats des accusés ont demandé à avoir accès à certains éléments de preuve, dont des documents manuscrits, qui leur seront livrés prochainement.  Le juge a cependant refusé de faire comparaître un graphologue à titre de témoin expert pour qu'il détermine si ces documents ont été écrits par les accusés.  Le procès a été ajourné au vendredi, 12 avril (Dawn, 5 avril, The Guardian, 5 avril).

Concernant le huis clos imposé aux audiences, le procureur du ministère public Raja Qureshi s'est défendu de l'avoir exigé.  Selon lui, la décision a été prise par les autorités pour des raisons de sécurité, mais elles pourraient éventuellement permettre à certains journalistes d'être présents au procès.  Qureshi a également déclaré que les avocats des co-accusés avaient demandé à obtenir une copie de la bande vidéo du présumé assassinat de Pearl, demande qui leur a été refusée (Pakistan News Service, 6 avril). 

Il importe de préciser que le véritable procès n'est pas encore commencé, et que les audiences sont consacrées à l'audition de témoignages et de requêtes préliminaires.  En vertu de la loi anti-terroriste pakistanaise, adoptée en août 1997 puis renforcée le 31 janvier 2002, un procès devant un de ces tribunaux spéciaux ne peut durer plus de sept jours.  En outre, selon le cadre renforcé de cette loi, les accusés comparaissent devant un banc de deux juges et un gradé de l'armée, clause contestée par certains groupes de défense des droits en raison de l'ingérence du militaire dans le judiciaire.

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  Logiciels filtres : verdict d'ici le 1er juillet
Les logiciels filtres : un marché annuel de 250 millions de dollars aux États-Unis, un sujet chaudement débattu depuis des années dans les milieux de la bibliothéconomie, des centaines de millions en subventions en jeu pour les bibliothèques publiques et les écoles, et la fin de deux semaines d'audiences devant un tribunal de la cour d'appel de Philadelphie.

En vertu de la CIPA (Childrens' Internet Protection Act), toute école ou bibliothèque publique qui veut profiter de l'aide financière fédérale destinée aux équipements informatiques et de télécommunications (programme E-rate), doit installer un dispositif de filtrage sur les postes de travail offrant l'accès à Internet; ce dispositif doit permettre de filtrer tout contenu obscène, de pornographie juvénile, ou encore que les responsables estiment inconvenants pour les personnes d'âge mineur.  Les audiences avaient pour cause la poursuite intentée par l'American Civil Liberties Union et la American Library Association en vue de faire invalider les dispositions législatives de la CIPA.

Après avoir entendu des bibliothécaires, des témoins experts, des fabricants de logiciels, sans oublier la plaidoirie du ministère de la Justice mis en cause dans la poursuite, le juge John Fullam a parlé des «sans nom, sans visage» pour décrire l'aspect répressif de cette loi et s'est demandé à haute voix de quel droit le gouvernement pouvait-il exiger l'utilisation des logiciels filtres (voir le service de nouvelles Wired).

On s'attend donc à un nouveau revers pour le CIPA et les logiciels filtres, la décision devant tomber avant le 1er juillet, date de l'entrée en vigueur de la loi.

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  Profils : consommateur, lecteur, terroriste
Les grandes sociétés financières (dont American Express, Visa), songent à des méthodes de recoupement de données personnelles sur la consommation qui pourraient établir des profils de terroristes.  C'est sous la direction du Center for Information Policy Leadership du cabinet de juristes Hunton Williams que s'est tenue une réunion exploratoire en ce sens, rapporte l'Associated Press.  Les données seraient recueillies, analysées, recoupées, après quoi les noms des individus au comportement de consommation suspect seraient transmis aux autorités.  Bien que des lois protègent les consommateurs étasuniens sur l'utilisation qui puisse être faite de leurs données personnelles, le récent flou des lois anti-terroristes ouvre la voie aux expériences du genre.  Le groupe de 17 entreprises pourrait formuler des recommandations au gouvernement des États-Unis d'ici six mois.

Puis, la journaliste Peggy Kreimer du Kentucky Post examine une des dispositions méconnues de la loi anti-terroriste adoptée aux États-Unis, le USA PATRIOT Act.  En vertu de l'article 215 de la loi, les agents de police fédérale (FBI) munis de mandats peuvent se présenter dans une bibliothèque publique et exiger l'accès aux dossiers personnels des utilisateurs (livres empruntés, accès Internet, etc.).  Ce qui inquiète les bibliothécaires, et leur association nationale (American Library Association), c'est qu'ils sont tenus au silence sur toute enquête ou perquisition dans leurs dossiers, ne peuvent pas en avertir les utilisateurs, se voient même interdire d'en parler entre eux.  Pour certains observateurs dont Peggy Kreimer a recueilli les témoignages, cette loi du silence ouvre la porte à des abus.

Entre temps, la cour suprême de l'État du Colorado a refusé d'exiger d'un libraire qu'il dévoile aux policiers locaux ses dossiers de vente.  La cour cite la constitution de l'État qui «protège le droit fondamental d'un individu à acheter anonymement des livres» sans droit de regard gouvernemental.  Précisons ici que les policiers étaient à la recherche d'individus ayant acheté des livres sur la fabrication de drogues, donc rien à voir avec le terrorisme, pas de quoi trop s'inquiéter.  (Voir Associated Press.)

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Et sur ce, nous vous souhaitons à tous et à toutes une excellente semaine.

Site personnel de Jean-Pierre Cloutier

Collaboration à la recherche : Mychelle Tremblay

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