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Page daccueil Les Chroniques de Cybérie
Le mardi 9 octobre 2001

Salutations à tous les Cybériens et Cybériennes!

Cette Chronique n'est optimisée ni pour Netscape, ni pour Internet Explorer, elle l'est pour ses lecteurs et lectrices.

Cette semaine...

  La réplique
Alors qu'au Canada on profitait du long congé de l'Action de grâces, et qu'aux États-Unis c'était la célébration du «Columbus Day», les premières vagues de bombardement s'abattaient sur des cibles afghanes. 

Et n'oublions pas l'«aide humanitaire» parachutée dans les territoires non-taliban : 37 500 petits paquets de nourriture, chacun contenant suffisamment de denrées pour un jour dit-on, largués en vrac par des avions cargo C-37.  Les organismes d'aide aux réfugiés estiment qu'il pourrait y avoir plus d'un million de personnes dans le besoin.  Que contiennent ces petits paquets? Aucun produit animal, pour ne pas porter atteinte aux pratiques religieuses ou culturelles.  Mais du beurre d'arachide, de la confiture de fraise, des haricots dans une sauce tomate, des pommes de terre en vinaigrette.  Et un message en anglais sur ces enveloppes :  «This food is a gift from the United States of America». 

En plus de vos sources média habituelles, soulignons le site Web officiel d'information des forces armées des États-Unis, et celui des forces armées britanniques qui ont également participé aux frappes, où vous trouverez les plus récents communiqués.

Où cela nous mène-t-il? Il se publie évidemment des masses d'analyses et de commentaires sur la suite des événements.  Retenons un scénario plausible, malgré tous ses défauts, recueilli sur un site Web Pakistanais, FrontierPost (dont la rédaction est installée à Peshawar).  D'abord, les frappes ont pour effet d'entraîner le retrait d'une bonne partie des forces taliban de Kaboul.  On parachute ensuite les forces d'opposition (Alliance du Nord) dans la capitale, ainsi qu'un fort contingent d'encadrement des forces armées des États-Unis et de Grande-Bretagne.  Soulignons cependant le passé douteux de cette Alliance du Nord (voir l'article de Robert Fisk dans The Independent publié dimanche dernier). 

Dans une seconde étape, la communauté internationale reconnaît l'ex-monarque Zahir Shah comme chef légitime de l'État afghan et l'installe à Kaboul.  La «reconstruction» de l'Afghanistan peut alors commencer (voir CNN, le projet du sénateur Joseph Biden), y compris le projet de pipeline pétrolier (voir Fisk et ministère de l'Énergie des États-Unis) qui permettra à l'Uzbékistan, pays enclavé, d'acheminer son pétrole aux ports pakistanais.  Eh oui.  En politique on dit souvent «suivez l'argent».  Dans ces conflits régionaux, c'est «suivez le pétrole».  Des relents kosovars, diraient certains.

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  Le Web de plus en plus consulté
On sait que dans les heures qui ont suivi les attentats du 11 septembre, la plupart des sites Web d'actualité ont été débordés de requêtes et se sont avérés moins efficaces que la télévision pour informer le public (voir notre chronique du 14 septembre).  Par ailleurs, une fois l'urgence passée, un nombre croissant d'utilisateurs du réseau ont consulté le Web pour se renseigner plus à fond et mettre les événements en perspective.

Selon un sondage de l'Institut Harris mené aux États-Unis, dans les 24 heures qui ont suivi les attentats, 78 % des répondants ont dit que leur première source d'information était la télévision, 15 % la radio et 3 % Internet.  Or, à la même question posée trois semaines plus tard, les réponses marquent un déclin pour la télévision (76 %) et la radio (8 %) mais une hausse très sensible, en fait de presque 300 % pour Internet (8 %).  La proportion d'utilisateurs pour qui Internet est une source d'information «parmi d'autres» est passée de 64 % à 80 %, surpassant la radio (72 %).  Le nombre de consultations de sites Web a augmenté pour 35 % des répondants, de même que le temps passé à consulter les sites d'actualité pour 47 % d'entre eux.

Les raisons de cette montée en popularité du Web comme source d'information? Les répondants disent que l'information est disponible au moment où ils veulent la consulter (63 %), qu'elle est plus détaillée (43 %), plus à jour (42 %), et qu'elle est accessible au travail (42 %).

À lire également dans le Online Journalism Review, une analyse pertinente de Jordan Raphael, «Media Critics See Web Role Emerge», sur le rôle distinct des médias en ligne, rôle qui s'est redéfini même pour les sites Web des grands médias traditionnels.

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  Conflit nouveau genre : ce qu'on saura, ce qu'on devinera
Bien souvent, les événements font en sorte qu'il devient impossible d'accorder l'accès à certains lieux à l'ensemble des médias.  On crée alors une «délégation» de journalistes, un «pool média», groupe restreint qui aura accès à l'événement et partagera images, sons, vidéos et entrevues avec l'ensemble des autres journalistes.  Les militaires ont souvent recours à ce «journalisme en délégation» lors de leurs opérations, mais d'autres organismes les utilisent également lors de visites d'État, de catastrophes naturelles, ou de tout autre événement exigeant pour des raisons logistiques de restreindre au maximum le nombre de journalistes présents sur les lieux.

Dans un rare geste de transparence, la secrétaire adjointe aux Affaires publiques du ministère de la Défense des États-Unis, Victoria (Torie) Clarke, a rendu publique sur le Web la transcription d'une séance d'information tenue le 28 septembre dernier pour les représentants des médias étasuniens faisant partie du «pool média» de son ministère.  Le but de la séance d'information : déterminer les «nouvelles règles» qui seront en vigueur pour ce «nouveau genre de conflit».  En fait, le mot «new» revient une vingtaine de fois dans la transcription.  «New world...  new war...  new territory...  new things...  new situation...  new environments...  new factors...  new concerns...  new ways to work with you...  Et aussi, à deux reprises, «new vocabulary», un nouveau vocabulaire.  Ça promet.

L'évaluation que fait le ministère de la Défense de ce conflit nouveau genre, et de la difficulté pour les journalistes de le couvrir :  «Ce ne sera pas la guerre du Golfe persique.  Le secrétaire [Ndlr. d'État à la Défense, Donald Rumsfeld] l'a répété plusieurs fois, nous allons nous en prendre à des gens qui n'ont pas d'armée, de marine ou d'aviation.  Donc, du point de vue militaire, le niveau d'activité sera relativement sporadique.  Et bien sûr, tout le monde a parlé ou entendu parler des “opérations spéciales”.  C'est très difficile sur le plan de la couverture journalistique.»

Que saura-t-on, donc.  Sur le plan opérationnel, aucun commentaire sur les opérations projetées ou en cours.  S'il y a des victimes du côté des forces armées des États-Unis, éventuellement des noms, des grades, des lieux de naissance des victimes, mais aucune garantie de divulgation de ces informations, ni sur les détails des lieux ou des circonstances de leur décès.  Sur les commandants militaires, en contraste avec les conflits précédents, ce sera la plus grande discrétion.

On n'encouragera pas, non plus, les reportages à saveur patriotique du genre entrevue avec des conjoints ou familles de combattants.  Comme l'explique un des intervenants à la séance d'information : «Ils [Ndlr.  les ennemis] adoptent des tactiques “asymétriques”.  Ils ne nous affronteront pas face à face.  Et le 11 septembre, ils ont fait la démonstration de ces deux principes.  Ils ont eu recours à des méthodes asymétriques, et ils ont tué un grand nombre de civils.  Par le passé, nous avons favorisé le renforcement de l'appui du public en permettant la diffusion de reportages axés sur les familles des combattants en mission.  Aujourd'hui, dans cette guerre des ombres, nous risquons que, vu l'impossibilité d'atteindre nos soldats, ils s'en prennent à leurs familles.  Et ce serait très facile si ces dernières sont très visibles dans les médias.  Et ça aurait un effet désastreux sur le moral de nos troupes.»

Cette consigne de l'anonymat des combattants est d'ailleurs déjà en vigueur au service d'information des forces armées.  Dans un des premiers communiqués faisant suite aux frappes aériennes de dimanche, tous les pilotes dont les commentaires sont relatés (y compris celui qui compare son expérience à celle d'un joueur de football au Super Bowl) ne sont identifiés que par des surnoms.

En outre, si des journalistes étasuniens ou étrangers ne faisant pas partie du «pool média» publient ou diffusent des informations sur les opérations, aucune confirmation ou commentaire ne sera émis.

D'octobre à décembre, les médias désignés pour participer aux délégations de journalistes sont la chaîne CBS pour la radio, la chaîne NBC pour la télévision, l'hebdomadaire Time pour les périodiques, les agences Associated Press et Knight-Ridder pour les fils de presse et les photographies, et le Baltimore Sun, le Christian Science Monitor et Media General pour les journaux.  De janvier à mars, Associated Press Radio pour la radio, la chaîne ABC pour la télévision, US News and Worls Report pour les périodiques, Associated Press et Agence France Presse pour les fils de presse, Associated Press et Reuters pour les photographies, et le Chicago Tribune, le St. Petersburg Times et USA Today pour les journaux.

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  Surveillance accrue : semaine décisive
Nous vous parlions il y a deux semaines (chronique du 25 septembre) de l'initiative législative de l'administration Bush, pilotée par l'Attorney General John Ashcroft, le Mobilization Against Terrorism Act (MATA - Loi sur la mobilisation contre le terrorisme) qui laisse présager d'importants changements en matière de surveillance des télécommunications des citoyens. 

Renommé PATRIOT (Provide Appropriate Tools Required to Intercept and Obstruct Terrorism - format PDF), le projet de loi a reçu l'aval unanime du comité de la Chambre des représentants sur les Affaires judiciaires la semaine dernière et sera soumis à l'approbation de l'ensemble des membres aujourd'hui, 9 octobre.  Les débats se tiendront en vertu de règles de suspension qui limitent le nombre de modifications admissibles avant qu'un projet de loi ne soit soumis au vote. 

Le sénateur démocrate du Vermont et président du comité sénatorial des Affaires judiciaires, Patrick Leahy, et le sénateur républicain Orrin Hatch, ont déclaré la semaine dernière être arrivés à un compromis avec l'administration Bush sur certaines dispositions législatives contenues dans le MATA.  Le Sénat pourrait donc être saisi cette semaine d'un projet de loi modifié, inspiré du Uniting and Strengthening of America Act (USA Act), projet de loi parrainé par le sénateur Leahy, qui n'a encore cependant fait l'objet d'aucune étude en comité. 

Si le projet de loi PATRIOT semble détenir une longueur d'avance sur le projet de loi USA dans le parcours législatif, on ignore encore lequel serait adopté en premier.  D'ailleurs, les deux projets de loi contiennent sensiblement les mêmes éléments.  En matière de surveillance, par exemple, les deux projets comportent un renforcement de la surveillance des communications électroniques (téléphone et Internet) qui se ferait dorénavant en vertu de la Foreign Intelligence Surveillance Act (FISA - Loi sur la surveillance de renseignement étranger) même sur le territoire des États-Unis.  Auparavant, l'écoute électronique des communications sur le territoire national était assujettie aux dispositions sur Loi de la preuve et relevaient du droit criminel plutôt que de la sécurité nationale.

Un des points communs aux deux projets de loi, contesté par les organismes qui s'opposent à ces pouvoirs de surveillance accrue, est que les communications par courriel sont traitées de la même manière que les communications téléphoniques, que l'accès aux dossiers clients des fournisseurs d'accès Internet ne nécessitera plus l'émission d'un mandat d'écoute électronique par un magistrat.

Pour l'American Civil Liberties Union (ACLU), la situation est alarmante car les projets de loi retirent au pouvoir judiciaire le rôle de contrepoids qu'il exerçait comme dans toute société démocratique.  Selon Laura Murphy du bureau de Washington de l'ACLU : «Notre crainte est qu'un jour la population des États-Unis regardera en arrière et se dira “c'est à ce moment que nous avons franchi le pas vers une société de surveillance”.»

En revanche, il existe une différence non négligeable entre les deux projets de loi.  Contrairement au USA Act (devant le Sénat), le PATRIOT Act (devant la Chambre des représentants) est assorti d'une disposition de temporarisation (sunset clause) en vertu de laquelle le Congrès devrait se pencher de nouveau, deux ans après l'adoption du projet de loi, sur certains articles contestés.  Cette disposition est contestée par l'Attorney General John Ashcroft qui a déclaré que rien ne permettait de croire que le terrorisme serait vaincu d'ici deux ans.  Conséquemment, cette disposition du PATRIOT pourrait être abandonnée dans les versions finales.

Enfin, Larry Ellison, premier dirigeant de la société Oracle, a offert tout à fait gratuitement au gouvernement des États-Unis l'infrastructure logicielle nécessaire à l'établissement d'une carte d'identité à port obligatoire pour l'ensemble des citoyens, offre qui est restée sans réponse de la part des autorités.  Concernant les menaces à la vie privée, Ellison a déclaré : «Toute cette question de vie privée qui semble tant vous préoccuper n'est qu'une illusion [...] La seule chose que vous perdrez, c'est cette illusion...»

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  Mesures anti-terroristes : des lacunes
Une dépêche de l'Associated Press relate les interrogations persistantes à l'égard de la disponibilité des petits couteaux utilitaires à lame rétractable, qu'auraient utilisés les pirates de l'air lors des attaques du 11 septembre.  La dépêche mentionne laconiquement que les attentats n'ont pas affecté les ventes.  On rappelle qu'avant les attentats, la Federal Aviation Agency (FAA), organisme de réglementation du transport aérien, permettait aux passagers le port de couteaux polyvalents à lames de 10 centimètres ou moins.  Dans certains États (New York, Alabama, Virginie), ils sont considérés comme un instrument dangereux ou une arme mortelle s'ils sont utilisés pour perpétrer un crime.  Dans certaines localités, leur vente est interdite aux moins de 18 ans qui peuvent cependant en trouver à l'école dans leurs classes d'arts plastiques. 

Jeffrey Benner, du service de nouvelles Wired, porte son regard sur une lacune du projet de loi anti-terroriste présenté par l'administration Bush.  Dans 32 États des États-Unis, des touristes étrangers peuvent se présenter dans une exposition ou foire d'échange d'armes à feu et acheter au comptant des armes à feu et des munitions.  Les lois régissant les magasins d'armes à feu ayant pignon sur rue sont plus sévères et interdisent la vente aux étrangers ou aux détenteurs de visas temporaires, mais il se tient aux États-Unis, chaque année, 4 500 foires d'échange ou de vente d'armes à feu.  Aucune disposition du projet de loi pour contrer le terrorisme ne porte sur un contrôle plus serré de ces ventes.  Jusqu'à présent, aucun élu n'a souligné cette lacune.

Autrement dit, le droit constitutionnel de porter une arme à feu est davantage garanti que le droit constitutionnel à la vie privée. 

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  De l'utilité des rumeurs
On a fait grand cas, dans la presse traditionnelle et ailleurs, des vagues de rumeurs et de légendes urbaines qui ont circulé autour des attentats du 11 septembre, dont les «faux» versets de Nostradamus prévoyant la destruction des tours jumelles suivi du déclenchement d'un conflit planétaire.  Le mot «Nostradamus» s'est retrouvé en tête de liste des mots clés les plus souvent utilisés sur les moteurs de recherche.

D'ailleurs, Pascal Lapointe de l'Agence Science Presse nous informe que cet engouement a rejoint les pages du site Web de l'ASP.  Au cours du mois de septembre, la page «Quelques articles sur Nostradamus» s'est classée parmi les dix pages les plus consultées sur l'ensemble du site de l'ASP.

Bon nombre de commentateurs eurent tôt fait d'exposer le canular : les versets en question étaient introuvables dans les oeuvres complètes, ils étaient datés de 1654 alors que Nostradamus est décédé en 1566; on en retraçait l'origine à un travail scolaire d'un étudiant canadien, écrit en 1995, et qui parodiait le langage obscur et hermétique du prophète.  Malgré tout, le 15 septembre, les oeuvres complètes de Nostradamus se classaient au premier rang du palmarès des ventes du cyberlibraire Amazon.Com.

Stephen O'Leary du Online Journalism Review (Annenberg School for Communication de l'Université de Californie) analyse le phénomène des rumeurs et de leur diffusion par les médias.  D'abord sur la nature vaticinium ex eventu (prophétie après le fait) des rumeurs comme celle des faux versets, O'Leary estime que toute tragédie d'envergure suscite son propre lot de rumeurs, et cite à cet égard l'écrasement du vol 800 de la TWA ou la mort de la princesse Diana.  Tout comme dans les villages médiévaux, le village réseau fourmille de rumeurs qui se propagent à une vitesse foudroyante, et O'Leary les impute à un besoin de comprendre les événements, de remettre de l'ordre dans le chaos, de donner un sens à ce qui semble être gratuit.

Il soulève également un point digne de mention : chacune des dizaines de rumeurs véhiculées a un auditoire cible, une collectivité ou un groupe qui trouve dans ces informations fabriquées de toutes pièces des éléments auxquels ils sont susceptibles d'accorder crédit. 

Les rumeurs voulant qu'une bible ait été retrouvée intacte et qu'un survivant qui était sur le toit d'une tour ait miraculeusement plané jusqu'au sol s'adressent à ceux et celles qui croient à la divine providence.  Les informations selon lesquelles CNN a utilisé des images datant de 1991 pour illustrer les réjouissances des Palestiniens à la nouvelle des attentats cadrent bien avec la méfiance générale du public envers les médias, mais elles sont récupérées par les pro-Palestiniens souvent floués par les médias.  Et que dire des soi-disant avertissements communiqués à 4 000 juifs newyorkais les enjoignant à ne pas se rendre au bureau au WTC le jour des attentats (voir à cet égard l'analyse dans le netmag Slate).  Les occidentaux qui aiment bien avoir un démon à pourchasser ont même vu la figure d'Ousama ben Laden se dessiner dans les nuages de fumée qui se dégageaient des tours en flammes.  Bref, il y en a eu pour tout le monde.

O'Leary constate qu'en période de crise, les rumeurs, tout autant que les «vraies nouvelles», répondent aux mêmes fonctions sociales, soit d'aider le public à établir une version compréhensible des événements.  Il reconnaît qu'une des observations favorites des journalistes qui se sentent menacés par le volet informationnel et communicationnel d'Internet est de prétendre que le réseau est un incubateur de rumeurs, une perception souvent confirmée, mais on en conviendra, qui n'est pas exclusive à Internet.

De conclure O'Leary, il importe peu de savoir avec quelle véhémence les journalistes résisteront à la diffusion de rumeurs ou de propagande, mais bien de voir comment ils témoigneront de l'évolution (certains diraient de l'élévation) des mythes culturels pour mieux comprendre leurs fonctions.  Il sera révélateur d'observer la création de ces mythes dans le village global à l'aube du prochain conflit.

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  Courriel au travail : décision importante en France; nouvelles données aux États-Unis
La Chambre sociale de la Cour de cassation a rendu, le 2 octobre dernier, une décision importante relative à la confidentialité du courriel des salariés en milieu de travail.  On lit dans le jugement (format PDF) : «Attendu que le salarié a droit, même au temps et au lieu de travail, au respect de l'intimité de sa vie privée; que celle_ci implique en particulier le secret des correspondances; que l'employeur ne peut dès lors sans violation de cette liberté fondamentale prendre connaissance des messages personnels émis par le salarié et reçus par lui grâce à un outil informatique mis à sa disposition pour son travail et ceci même au cas où l'employeur aurait interdit une utilisation non professionnelle de l'ordinateur .»

L'affaire découle du licenciement, en 1995, d'un employé de la société Nikon France ayant pour motif l'utilisation à des fins personnelles du matériel informatique mis à sa disposition.  L'employé porte plainte pour licenciement abusif; Nikon France réplique en fournissant un fichier récupéré dans l'ordinateur qu'utilisait l'employé.  Le tribunal de première instance donne raison à Nikon, de même que la cour d'appel.  Mais la décision de la Cour de cassation vient renverser leur décision et ajoute un important élément de jurisprudence dans le droit de la vie privée au travail.

Me Murielle-Isabelle Cahen, avocate à la cour d'appel de Paris et spécialiste du droit des technologies, a déclaré à nos confrères de ZDNet France être satisfaite de cette décision en ce qu'elle balisait le terrain.  Elle précise cependant qu'il s'agit d'un arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation et non de la chambre criminelle : «Cela signifie que l'arrêt ne couvre pas les actes pouvant porter atteinte à autrui, comme l'envoi de emails contenant un virus ou de messages à caractère pédophile».

Aux États-Unis, on est loin d'accorder aux salariés la même protection dont bénéficient désormais les salariés français.  Selon la plus récente enquête (format PDF) du ePolicy Institute menée pour le compte de l'American Management Association (AMA), 46,5 % des entreprises examinent et stockent le contenu des courriels de leurs employés.  Les politiques des entreprises sur l'utilisation du courriel diffèrent : utilisation personnelle sans restriction (39,3 %), utilisation sans restriction approuvée par la direction (21,1 %), communications uniquement permise en situation d'urgence (6, 7 %), communications permises seulement avec des membres de la famille (3,9 %), aucune utilisation personnelle (23,9 %).

Dans une large proportion (68,3 %), les entreprises qui exercent une surveillance disent le faire pour des questions juridiques, par crainte d'éventuelles poursuites.  Suivent les questions de sécurité (60 %), l'évaluation de la productivité (45,5 %), l'évaluation du rendement (45,3 %).  Concernant la crainte de poursuites, 9,4 % des entreprises disent avoir déjà reçu des sub poena pour des courriels de leurs employés, et 2,5 % pour le fichier journal des connexions Web de l'entreprise.  Ces données (courriels, relevés de connexion) servent également aux employeurs à se défendre contre des allégations de harcèlement ou de discrimination sexuelle (8,3 %) ou de discrimination raciale (1,6 %).

Le ePolicy Institute rappelle certains cas qui illustrent bien les craintes d'employeurs.  En 1995, la pétrolière Chevron a dû verser 2,2 millions de dollars à une employée qui avait porté plainte pour harcèlement sexuel.  Des collègues masculins avaient fait circuler sur le système de courriel de l'entreprise un message énumérant les 25 raisons pour lesquelles la bière était préférable aux femmes... 

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  Salon, de plus en plus payant
Le netmag Salon verse de plus en plus dans la formule d'accès payant.  Depuis le 1er octobre, la majeure partie des articles des sections Actualités et Politique ne sont accessibles que pour les abonnés au service «Premium» (30 $ US par année).  Le rédacteur en chef, David Talbot, explique que Salon ne peut faire ses frais avec ses seuls revenus publicitaires, surtout depuis l'affaissement du marché de la pub en ligne. 

Talbot reconnaît avoir reçu de nombreux messages de lecteurs lui demandant, en cette période trouble, de surseoir à cette décision, mais il affirme que c'est justement en raison des événements que Salon a besoin de l'appui financier de son lectorat : «Au cours des derniers jours, Salon a engagé d'importantes ressources à la couverture de la guerre entre les États-Unis et le terrorisme islamique.» L'envoi de correspondants sur le terrain et le recrutement d'un réseau de collaborateurs spécialistes entraînent des frais qui exigent ce virage vers la formule payante. 

Talbot maintient que Salon est le seul média à offrir un éventail complet de points de vue, un panorama d'opinions dont le public étasunien a désespérément besoin pour comprendre le conflit à venir.  Il écrit : «Nous ne pouvons fonctionner avec les seuls revenus publicitaires qui, en raison de la chute du marché, ne parviennent pas à défrayer la moitié de nos coûts d'exploitation.  Le reste doit venir de vous, lecteurs et lectrices.  Seul le lectorat peut assurer la survie de la presse indépendante.»

Les lecteurs de la version «Premium», 11 000 selon Salon, avaient déjà droit en exclusivité à des articles sélectionnés, et à une présence publicitaire allégée sur les pages Web.  On y trouve également des extraits de livres, et certains ouvrages publiés en feuilletons, une galerie d'art et de photographies érotiques, et une version audio de nouvelles de F. Scott Fitzgerald.

Le netmag s'est imposé par la qualité de son contenu souvent assaisonné d'une touche d'impertinence.  Il y a à peine six semaines (voir notre chronique du 21 août), Salon manifestait un sain optimisme : on annonçait une injection de 2,5 millions de dollars en argent frais, mais aussi 14 licenciements.  On se souviendra aussi que le premier dirigeant de Salon.Com, Michael O'Donnell, s'était plaint de l'attitude négative des médias à l'endroit de Salon, déclarant que les nombreuses spéculations sur la survie du netmag avait rendu méfiants bon nombre d'investisseurs et d'annonceurs. 

Avec cette nouvelle approche aux contenus payants, c'est un pari que fait Talbot, et peut-être le dernier dans la saga de Salon.  D'une part, Salon a besoin, selon ses estimations, de 50 000 abonnés pour assurer sa survie.  Talbot mise donc sur la présente crise et sur l'attrait d'une information de qualité pour atteindre son objectif.  D'autre part, bien que l'on constate une tendance vers les contenus payants ou à valeur ajoutée, on compte peu de sites qui réussissent à imposer ce modèle à leur lectorat.

Restera donc en consultation sans frais sur Salon les sections techno, humour, divertissement et sexualité.  Mais si les lecteurs qui consultaient Salon pour ses articles sur l'actualité et la politique refusent la formule payante, restera-t-il suffisamment de lecteurs pour ses sections à accès gratuit pour compenser le manque à gagner des abonnements?

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  Beau détour
Il est fort probable que d'ici peu, on nous présentera des images de cette contrée inconnue qu'est l'Afghanistan.  Cibles atteintes, camps de réfugiés, opérations sur le terrain, le plat traditionnel quoi.  Pour une autre perspective visuelle de ce pays, nous vous recommandons fortement le portfolio en ligne du photographe et grand voyageur Luke Powell

Comme chaque photo est commentée (historique, sujets, circonstances, lieux), nous vous suggérons d'ouvrir une deuxième fenêtre de votre fureteur et de repérer sur une carte de l'Afghanistan les endroits où ces photographies ont été prises.

Et sur ce, nous vous souhaitons à tous et toutes une bonne semaine.

Site personnel de Jean-Pierre Cloutier

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