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Page daccueil Les Chroniques de Cybérie
Le mercredi 7 février 2001

Salutations à tous les Cybériens et Cybériennes!

Cette Chronique n'est optimisée ni pour Netscape, ni pour Internet Explorer, elle l'est pour ses lecteurs et lectrices.

Cette semaine...

  Fichage à Davos : match nul...
C'est du 25 au 30 janvier dernier que se tenait à Davos, en Suisse, la réunion annuelle du Forum économique mondial.  Événement contesté par les opposants à la mondialisation, il y aurait eu de nombreux cas d'abus des droits selon diverses sources (voir le dossier du Webdo, ainsi que le Centre des médias indépendants). 

Sur simple présomption, des personnes que la police croyait être des manifestants ont fait l'objet de fouilles, de saisies et ont été photographiées, fichées.  Comme le rapporte le Webdo : «"Nous détruirons ce matériel dès la fin du forum", assure le policier.  On est prié de le croire sur parole.  Markus Reinhardt ne se donne même pas la peine de dénicher la moindre base légale pour expliquer ces méthodes.  Paniquée, la petite police cantonale est prête à tout.  Y compris à jouer avec les droits démocratiques les plus élémentaires : la liberté d'expression, la liberté de mouvement, la liberté de la presse.  C'est une sorte d'état d'urgence qui ne dit pas son nom.»

Voilà qu'on apprend que des hacktivistes se seraient introduits dans les systèmes informatiques du Forum et auraient récupéré pas moins de 161 megaoctets de données, l'équivalent de 80 000 pages imprimées en format A4 selon SwissInfo.  En fait, le ou les responsables de l'exploit ont tenu à le confirmer en faisant parvenir au journal suisse SonntagsZeitung un cédérom contenant l'ensemble des données pillées.

Et en quoi consistaient ces données? Selon le Industry Standard, d'abord une liste de 27 000 noms dont certains sont jumelés à des adresses de courrier électronique, des numéros de téléphone et autres renseignements.  Mais surtout, pièce maîtresse de l'exploit, une autre liste de 1 400 noms de membres du club sélect que représente le Forum, jumelés à des numéros de cartes de crédit, des mots de passe donnant accès à l'intranet du Forum et aux sections du site Web réservé aux participants, des itinéraires de déplacements et des coordonnées d'hébergement, etc.

Les responsables du Forum ont prévenu la police suisse qui mène enquête.  De plus, à l'interne, on s'affaire à communiquer avec l'ensemble des personnes dont les données ont été exposées, puis à vérifier s'il y a eu d'autres brèches que celles révélées au SonntagsZeitung.

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  ...  et rendez-vous à Québec...
Du 20 au 22 avril 2001 se tiendra à Québec le Troisième Sommet des Amériques qui réunira les chefs de gouvernement démocratiquement élus de 34 pays de l'Amérique du Nord, de l'Amérique centrale, de l'Amérique du Sud et des Antilles.  Au programme, des pourparlers (déjà avancés) sur la création d'une Zone de libre-échange des Amériques (ZLEA), nouveau volet des efforts de mondialisation des économies. 

Verra-t-on un affrontement des opposants à la mondialisation aux forces de sécurité? C'est ce que redoutent les autorités qui prennent des mesures pour le moins exceptionnelles en prévision de l'événement, y compris un site Web entièrement consacré aux mesures de sécurité.  Le Sommet se tiendra dans la partie historique de la ville qui, pour l'occasion, sera entourée d'un clôture longue de 3,8 kilomètres et de deux mètres de haut.  À l'intérieur de ce périmètre, trois types d'autorisations de circuler, soit une donnant accès aux sites protégés, une pour les résidants du quartier (eh oui, ça se passe chez-eux) et les personnes qui y travaillent (10 500 fonctionnaires de l'État québécois seront en congé), et une troisième pour ce qu'on appelle les «visites temporaires» (ambulances, services, livraisons).  On estime que plus de 5 000 policiers seront de faction pour assurer la sécurité des 3 000 participants.

Le 29 janvier dernier, le Financial Times de Londres publiait un article de son correspondant à Porto Alegre où se tenait le Forum social mondial, une espèce de Sommet anti-Davos (Voir l'article du Webdo) et faisait état de préparatifs des militants anti-mondialisation.  «Nous allons faire de Québec notre Seattle» a déclaré Kjeld Jakobsen, secrétaire aux relations internationale de la Central Unica dos Trabalhadores (CUT), la plus importante fédération brésilienne de syndicats.  Le militant José Bové renchérit : «Ce sera plus gros que Seattle.  Nous allons emmener à Québec des gens de partout dans le monde pour dire non à une zone de libre-échange dans cette région.»

Aussi, il y a environ deux semaines, un groupe d'une centaine de militants anti-mondialisation sont venus à Québec en «tournée de repérage» rapportait l'AFP qui précisait que : «Accompagnés de "guides" locaux, ces militants, venus d'ailleurs au Canada et des États-Unis, ont marché dans les rues de la vieille ville pour se familiariser avec l'endroit.»

Au Québec, la mobilisation se prépare et est très visible sur le Web.  D'abord, le Centre des médias alternatifs du Québec (CMAQ) qui se consacre aux activités militantes entourant le Sommet.  On y apprenait, en fin de semaine, l'arrestation de trois militants qui distribuaient des tracts dénonçant les atteintes à la liberté de circuler, à la liberté d'expression et au droit de manifester occasionnées par le périmètre de sécurité.  Les trois personnes ont été relâchées peu de temps après.  Soulignons aussi le site Web de la Convergence des luttes anti-capitalistes (CLAC) qui reflète une organisation logistique des manifestations anti-Sommet.

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  ...  mais «on ne refera pas Seattle»
C'est le premier constat d'un document de réflexion stratégique diffusé sur le Web par SalAMI, groupe né d'une campagne citoyenne d'actions contre l'Accord multilatéral sur l'investissement (AMI) dont la Conférence de Montréal sur la mondialisation des économies se tenait en mai 1998. 

On peut lire dans ce document : «À Québec en avril 2001, la répétition béate de modèles venus d'ailleurs risquerait fort de décevoir.  Face à des périmètres élargis, hautement sécurisés et excessivement militarisés, il est difficile de voir, même avec les scénarios les plus optimistes quant aux effectifs éventuels de mobilisation, comment nous pourrions réussir à entraver réellement les lieux.  Questions logistiques mises à part, comment rassembler en quelques mois à peine, même en ratissant le continent, un absolu minimum de 2 000 à 10 000 personnes formées et prêtes à encaisser, en connaissance de cause, des violences semblables à celles vues à Seattle? Cela serait-il possible qu'il faudrait quand même s'interroger sérieusement sur la pertinence politique de reprendre pareil scénario.»

Deux autres constats : l'échec total du Sommet des Amériques est impossible, mais une victoire citoyenne reste possible à Québec, une victoire sur le terrain politique.  Mais SalAMI propose une autre offensive en un autre lieu, à un autre moment.  Le groupe entend aller chercher les textes de la ZLÉA au siège du ministère des Affaires étrangères et du commerce international à Ottawa, au plus tard le 1er avril 2001.  «De deux choses l'une : ou bien nous irons dans l'allégresse prendre livraison des caisses de documents qui nous seront remises à cette occasion, ou bien nous entendons tenir une manifestation légale à Ottawa pour les réclamer.  Cette manifestation sera suivie, en un moment distinct (probablement le lendemain), d'une action de blocage pacifique visant à fermer l'édifice Lester B. Pearson et à tenter d'obtenir les documents par une intervention strictement non violente.»

Pour la suite des choses, trois semaines plus tard, à Québec, SalAMI prévoit une marche pacifique et la création d'une Zone de liberté et d'échanges des Amériques, «Zone libérée et pacifique, teach-in citoyen massif et diversifié, formidable lieu d'échanges démocratiques tenu pendant la durée du Sommet des Amériques.»

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  Netgraphe : changement de garde
Le 30 janvier dernier, la société Netgraphe recevait de Quebecor Média une proposition pour le regroupement de ses actifs avec ceux de Canoë.  Selon le communiqué, «La transaction impliquerait la vente des actifs Canoe à Netgraphe en contrepartie de l'émission à Quebecor Média d'environ 157,8 millions d'actions ordinaires de Netgraphe qui représenteraient environ 63,2 % des actions en circulation de Netgraphe.» Bref, Quebecor (actionnaire majoritaire de Netgraphe) se départit de Canoe contre une somme d'environ 300 millions $ CAN (selon la valeur du titre) et détiendra plus de 83 % des actions de Netgraphe.

La proposition fait aussi état d'une refonte du capital-actions de Netgraphe par laquelle deux nouvelles catégories d'actions seraient créées, des actions à droit de vote multiple (AVM) à dix votes par action et des actions à droit de vote subalterne (AVS) à un vote par action.

Ce n'est là que le plus récent chapitre du roman fleuve d'une des premières sociétés Internet du Québec, et sans conteste de la plus importante sur le plan financier.  Le milieu est cependant perplexe devant une vague de départs des cadres de l'entreprise.  En novembre, Normand Drolet (président et chef de la direction) quittait son poste tout en conservant son siège au conseil.  Puis, plus récemment, on apprenait que Marc Copti (président de Netgraphe International), et Yves Williams (vice-président de La Toile du Québec) quittaient aussi (Williams conserverait un poste de conseiller).  Chrystian Guy, directeur de la production, confirmait lui aussi son départ la semaine dernière, décision annoncée depuis longtemps.  Nous avons également appris les départs d'André Bélanger, directeur de l'information, et de Martin Ouellet, directeur des communications et de la recherche.  Le journal La Presse n'y va pas de main morte et affirme que «Le ménage continue de plus belle chez Netgraphe» et que «une dizaine d'autres départs sont à prévoir.»

C'est en 1995 que Yves Williams et Chrystian Guy, tous deux à l'emploi du journal Le Devoir, lancent la Toile du Québec.  Le site s'inspire du répertoire constitué à l'époque par le journaliste Jean-Hugues Roy, noyau auquel les deux associés passeront des nuits et des fins de semaine à greffer d'autres attributs.  En 1996, Marc Copti et Normand Drolet (propriétaires de la société Pluricom) prennent une participation dans La Toile du Québec à hauteur de 25 000 $.  Cette injection de fonds permet d'embaucher du personnel, et de doter l'entreprise de ses premiers locaux, rue Rachel (plus tard sur Saint-Denis).  Netgraphe était lancée.

Au fil des ans, Netgraphe acquiert, entre autres (dans des circonstances parfois troubles), la société Imaginor (qui publie alors le netmag Multimédium) et la régie publicitaire Soussy.Com (qu'elle revendra plus tard).  En 1999, Netgraphe négocie son entrée en bourse par une prise de contrôle inversée d'une société minière (Ressources Cristobal) puis, le 16 novembre, elle tombe sous l'emprise de Vidéotron/TVA.  Cette dernière, pour sa part, sera acheté par la société Quebecor après de longues négociations au cours de l'année 2000.

Le problème pour Quebecor, c'est qu'au fil des acquisitions, elle se retrouve avec certaines redondances dans ses actifs Internet et qu'il lui faut procéder par intégration.  La logique ne lui commande pas de fermer ou de se départir de certains des sites Web qu'elle détient, mais la logique lui suggère d'arrimer les potentiels respectifs pour tenter de constituer un tout qui soit cohérent et rentable.

Quebecor est peu loquace sur ses intentions, ça fait partie de sa culture d'entreprise.  On peut cependant estimer que, quelles que soient ses projets, deux facteurs pèseront sur sa réussite.  Le premier est la concurrence d'autre joueurs importants; le second est l'évolution démographique de la clientèle du Web. 

Malgré ses nombreux sites Web, Quebecor n'est pas seule en ligne.  Le réseau de sites Branchez-Vous! est déjà bien implanté dans le paysage Internet francophone, Yahoo! mettait récemment en ligne sa version «canadienne française», MSN.CA offre également son portail/services, et on prévoit sous peu l'arrivée d'une offre en français d'AOL Canada (filiale de AOL Time Warner).  Il faudra donc que Quebecor sache offrir un ou des produits différents, novateurs, pour se démarquer de ses concurrents.  On parle aussi des intentions «convergentes» de BCE, et des collaborations ponctuelles entre Radio-Canada et le quotidien La Presse. 

Un des points forts de Quebecor est cependant sa forte présence dans l'imprimé et depuis peu dans le télévisé, ce qui pourrait assurer une bonne visibilité transmédiatique aux sites Web qu'elle décidera de conserver, sans parler de la convergence dont tout le monde parle et que peu semblent vraiment saisir.

L'aspect démographique est plus complexe.  Avec la croissance importante du taux de branchement au Québec, un constat s'impose : cette nouvelle clientèle diffère grandement de celle qu'on trouvait dans les vagues précédentes (âge, scolarité, revenu, connaissances techniques).  Même si selon les plus récentes études (voir notre chronique précédente), près de la moitié des utilisateurs québécois visitent surtout des sites francophones (amélioration sensible par rapport aux précédents sondages), il est prouvé que l'engouement pour l'utilisation de services en ligne et pour le commerce électronique (pouvant assurer la rentabilité des gros sites Web) croît proportionnellement avec l'expérience de la vie en réseau.  Or, si les chiffres sont là, peut-on compter sur la viabilité commerciale de cette nouvelle clientèle ou faudra-t-il attendre sa maturation?

Enfin, considération finale, Quebecor devrait-elle craindre le «Retour du Jedi»? On ignore le contenu des conventions d'actionnaires des cadres qui ont quitté Netgraphe, et si elles étaient assorties de clauses de non concurrence, et le cas échéant les périodes visées.  On ignore également quand ils pourront se départir des actions qu'ils détiennent dans la société et le cours du titre à ce moment.  Malgré le fléchissement du titre, une chose est cependant certaine : seuls ou en groupe, les «ex-netgraphistes» pourraient constituer une nouvelle société d'édition Web et la pourvoir eux-mêmes en capital de départ.  Ce serait, selon l'expression chère au ministre David Cliche, «tailler dans du neuf».

Internet change, évolue.  En revanche, la valeur d'une recette demeure : le fin mélange des idées et du capital réussit presque à tout coup.  Si ceux et celles qui ont eu des idées disposaient maintenant du capital et étaient libres d'obligations, referaient-ils le pari du Web?

À suivre.

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  En bref...
«Trop, c'est trop, disent les journalistes de La Presse».  Et ironiquement, cette manchette qui concerne les journalistes du journal La Presse nous arrive dans le journal Le Devoir.  On y fait état d'un mémoire du Syndicat des travailleurs de l'information de La Presse (STIP) qui sera présenté lors de la Commission parlementaire sur la concentration des médias débutant le 13 février prochain à Québec.  Et en fin d'article, on lit que le mémoire «suggère également au gouvernement de commander sans tarder une étude sur le domaine sans foi ni loi du "cyberjournalisme"».  Tiens, encore des écartés qui ont dû lire Dominique Wolton qui proposait récemment : «un contrôle centralisé de l'information à l'échelle mondiale par des journalistes, qui répondront de la véracité de toute cette information.» Lire les commentaires sur ce «débat imaginaire», ces errances woltonesques et autres sur le Minirezo.

Le spam nous coûte 10 milliards de dollars par année.  C'est le chiffre auquel arrivent les auteurs d'une étude préparée pour le compte de la Commission des Communautés Européennes sur les communications commerciales non sollicitées, communément connues sous le nom de «spam».  Les auteurs estiment qu'à l'échelle internationale, les utilisateurs et utilisatrices d'Internet paient environ dix milliards de dollars en coûts de connexion simplement pour recevoir le pourriel.  On serait tenté d'ajouter à cette estimation les coûts en bande passante qu'imposent le spamming aux fournisseurs d'accès, coûts qui sont évidemment reportés aux abonnés.  On estime à 30 milliards le nombre de messages commerciaux non sollicités qui transitent annuellement sur le réseau.

Le courrier HTML espion? Eh oui, Richard Smith de la Privacy Foundation, à qui l'on doit depuis un certain temps de nombreuses révélations sur des questions relatives à la vie privée, a découvert une astuce qui permet d'insérer dans un message de courrier électronique en format HTML un code espion en javascript.  L'astuce exploite les messages en Outlook, Outlook Express, et Netscape 6, mais épargne les versions précédentes de Netscape, le service de messagerie AOL et le logiciel Eudora.  Le code permet à l'expéditeur d'un message d'en suivre le cheminement, de recueillir les adresses des destinataires, de lire les commentaires qui y sont ajoutés.  Comme l'explique Smith, «Dans une négociation d'affaires qui se fait par courrier électronique, l'expéditeur peut apprendre comment le destinataire traite l'affaire alors que les messages envoyés à l'interne circulent par courrier électronique entre intervenants.» Les sociétés Microsoft et Netscape ont avoué la faille de sécurité et recommandent aux utilisateurs concernés de désactiver javascript pour lire leurs messages en format HTML.

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  Beau détour
Cette semaine, encore un peu sous les effets de B.B.  King, nous vous proposons la galerie de photographies de personnalités du jazz de Robert Hoffman.

Et sur ce, nous vous souhaitons à tous et toutes une excellente semaine.

Site personnel de Jean-Pierre Cloutier

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