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Page daccueil Les Chroniques de Cybérie
Le mardi 9 janvier 2001

Salutations à tous les Cybériens et Cybériennes!

Cette Chronique n'est optimisée ni pour Netscape, ni pour Internet Explorer, elle l'est pour ses lecteurs et lectrices.

Cette semaine...

  Difficultés des pointcom : l'édition durement touchée
Les mises à pied se poursuivent dans les sociétés pointcom et touchent même des fleurons de l'édition en ligne comme le service Web du New York TimesNewsbytes rapporte que 69 employés (17 % de l'effectif de 400) seront mis à pied, ce qui permettra à l'entreprise d'économiser 6 millions de dollars par année.  Le New York Times Company évoque la faiblesse des revenus publicitaires, et espère néanmoins atteindre le seuil de rentabilité d'ici 2002.

De même, le Industry Standard, et son pendant Web, perdent 36 postes (7 % de l'effectif), et ce sont principalement les activités en ligne et les services de marketing qui écopent; la rédaction est épargnée.  Pour John Battelle, premier dirigeant, il s'agit de ménager la transition de nouvelle entreprise à organisation établie.  Ces mises à pied arrivent au moment où le Standard rapporte des ventes publicitaires qui ont quadruplé pour les 11 premiers mois de 2000, mais les coupures de postes seraient «préventives» car la direction prévoit une hausse moins forte pour l'année qui vient.

La semaine dernière, la société Hachette Filipacchi annonçait la cessation des activités du magazine d'analyse et de commentaire politiques George fondé par John F. Kennedy Jr.  en 1995.  On savait que la disparition tragique de Kennedy en juillet 1999 avait porté un dur coup aux opérations du magazine, mais Jack Kliger, grand timonier de Hachette Filipacchi Magazines a évoqué la faiblesse du marché publicitaire pour expliquer sa décision.  Il a cependant précisé que la version Web de George serait maintenue, sans toutefois donner plus de détails.

Juste avant Noël, le magazine Red Herring, un des principaux concurrents du Standard dans le secteur de l'information financière et de la nouvelle économie, annonçait 32 licenciements (10 % de l'effectif) qui venaient s'ajouter aux 25 annoncés en octobre.  La plupart des postes supprimés relevaient du site StockMaster (information boursière) que le Herring a acheté en mai dernier et a progressivement intégré à ses opérations.

Fin décembre, aussi, le netmag phare Salon annonçait 25 mises à pied (20 % de son effectif).  Michael O'Donnell, fondateur et premier dirigeant de Salon, a déclaré à Newsbytes que les marchés exigeaient maintenant la rentabilité, un objectif qu'il souhaitait atteindre au cours de 2001.  «La décision a été difficile à prendre car elle implique le départ de gens de talent qui ont travaillé très fort à la réussite de Salon» a-t-il ajouté. 

Ironiquement, le site Vault.Com consacré aux questions d'emploi et de carrières est lui aussi forcé de sabrer dans le personnel et de mettre à pied le tiers de son effectif d'une centaine de personnes, rapporte News.Com, dans le but d'atteindre le point d'équilibre financier. 

Selon le cabinet de recherche WebMergers, au moins 210 entreprises du secteur Internet ont été forcées de fermer leurs portes en 2000, plus de la moitié au cours du quatrième trimestre.  WebMergers estime à environ 15 000 les pertes d'emplois découlant de ces fermetures, et à 1,5 milliard les pertes en investissement.  Des entreprises n'ayant pu se tenir à flot, 30 % étaient dans le secteur du contenu.  Morose? Ne lisez surtout pas les estimations du cabinet de placement Challenger, Gray & Christmas qui estime à 41 515 le nombre d'emplois perdus de décembre 1999 à décembre 2000 dans le secteur Internet, dont plus du quart en décembre 2000 seulement.

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  Baisse des ventes d'ordinateurs aux É.-U.
Le cabinet de recherche PC Data rapporte une baisse sensible de la vente d'ordinateurs aux États-Unis : les chiffres de ventes pour décembre étaient de 24 % inférieurs à ceux de décembre 1999; pour l'ensemble de 2000, inférieurs de 0,8 % à ceux de 1999.  Ces chiffres comprennent tant les ventes au détail des magasins ayant pignon sur rue que les ventes en ligne.  C'est la première baisse annuelle des ventes d'ordinateurs constatée par PC Data depuis 1991.

Pour Stephen Baker, v.-p.  de PC Data, la mévente serait le résultat de facteurs convergents.  En 1999, les forfaits de rabais des fournisseurs d'accès Internet avaient stimulé les ventes, mais en 2000 il y a eu un ralentissement de l'économie, et les propriétaires d'ordinateurs sont généralement satisfaits du matériel qu'ils ont présentement en main.

Ajoutons aux explications de Baker notre petite théorie.  Si les ventes d'ordinateurs ont été si fortes en 1999, c'est que bon nombre d'utilisateurs, craignant les effets du gros méchant bogue du passage à l'an 2000, ont préféré renouveler leur matériel pour échapper à la catastrophe appréhendée.

Tout n'est cependant pas sombre pour le secteur du matériel informatique.  Par exemple, les ventes de consoles portatives (Palm, Visor, PocketPC) ont doublé en 2000, et les ventes de lecteurs de fichiers MP3 (type Rio) ont quadruplé.  On note aussi une augmentation des ventes de caméras Web (68 %), des graveurs de disques compacts (65 %), des disques compacts vierges (32 %), des appareils photographiques numériques (26 %) et des souris à fonctions avancées (15 %). 

Pour les consommateurs, ce marché à la baisse est une bonne nouvelle car elle signifie que l'offre est supérieure à la demande, que les inventaires de matériel non vendu sont importants, et que détaillants et fabricants vont sabrer dans les prix pour écouler leurs produits.  Déjà en décembre, selon PC Data, le prix moyen d'un ordinateur était de 846 $ US.

À titre d'exemple, citons le cas du fabricant Apple qui, début décembre 2000, révisait à la baisse ses prévisions de ventes pour le trimestre en cours et faisait état d'un inventaire statique de 11 semaines, ce qui est énorme dans un marché qui fonctionne en vertu du principe de l'approvisionnement au moment opportun, le fameux «just in time».  Rappelons qu'en juin 2000, Apple rapportait un inventaire statique de 3 semaines.  Début janvier, tout est en solde, du moins à la boutique en ligne de Apple et chez certains détaillants autorisés.  Le PowerMac G4 se vend maintenant 2 500 $ US, soit 1 000 $ de moins qu'au 31 décembre, et des rabais semblables s'appliquent à toute la gamme des ordinateurs Apple.

Apple n'est pas le seul fabricant à écoper de la morosité des marchés.  Les analystes financiers ont, entre autres, revu à la baisse la cote du fabricant Dell Computer et du fabricant de processeurs Intel, ce dernier détenant 80 % du marché du parc informatique.

Le chroniqueur John Dvorak de PC Magazine analyse le ralentissement que connaît le marché des ordinateurs, et dit avoir constaté un phénomène semblable en 1984 puis, à un degré moindre, en 1991.  Concernant la situation actuelle, Dvorak détermine cinq facteurs qui contribuent à la baisse des ventes, dont l'essoufflement de l'enthousiasme à l'égard des «nouveaux» produits, la baisse des activités de promotion et de marketing des fabricants, la confusion entourant les plate-formes de «l'après PC», et la quasi impossibilité pour des néophytes de personnaliser leur matériel ou les fonctions avancées de leurs logiciels.

Mais retenons le cinquième facteur : l'agonie de la transition.  Depuis l'an dernier, toutes les études qu'il nous a été donné de consulter font état d'un marché de l'ordinateur qui est mûr.  Pour assurer leur croissance, à tout le moins le maintien des niveaux de vente, les fabricants ne peuvent plus miser sur des clientèles nouvelles, ils doivent jouer la carte du renouvellement du matériel.

Or, selon Dvorak, il rebute à bon nombre d'utilisateurs de reprendre au complet l'installation de tous leurs logiciels sur un nouvel ordi.  On ne peut simplement transposer un logiciel déjà installé sur une machine sur une autre machine, il faut reprendre le processus au complet et pour ce faire disposer des disques ou disquettes d'origine.  Logiciels «empruntés», disques «prêtés» qui ne sont jamais revenus, disquettes défaillantes ne supportant pas l'outrage du temps, et que dire de l'occasionnel cambriolage...

Paresse, diront certains.  Bien fait pour les pirates, clameront d'autres.  Il faut tout ranger, tout classer? Oui, peut-être.  Nous avons néanmoins bien aimé les propos de Dvorak qui, hors les analyses financières, techniques et économiques, a cet avantage de ramener le débat à l'échelle humaine, celle des utilisateurs satisfaits de leur matériel et à qui les promesses de performance accrue ne font pas le poids face aux inconvénients de la transition.  Du moins pour le moment.

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  Les «permatemps» de Microsoft obtiennent gain de cause
Un dossier qui cheminait depuis près de dix ans arrive à une heureuse conclusion.  La société Microsoft a consenti à régler un recours collectif intenté au nom de milliers d'employés à contrat de durée déterminée (CDD) qui s'estimaient lésés dans leurs conditions de travail.  En vertu de l'entente, et sous réserve de l'approbation de la cour, Microsoft versera 96,9 millions en dédommagements aux travailleurs représentés par la Washington Alliance of Technology Workers (WashTech).  Cette décision toucherait près de 10 000 employés à CDD.

Depuis le début du boom technologique, nombreuses sont les entreprises qui pratiquaient l'embauche à CDD, mais cette pratique était jugée inéquitable car elle créait deux catégorie de salariés pour des fonctions similaires.  D'une part, les employés permanents qui bénéficiaient de salaires et horaires fixes, en plus des très recherchées options d'achat d'actions et autres avantages sociaux tels une cotisation de l'employeur à un fonds de retraite et une assurance santé.  D'autre part, les employés à CDD dont les affectations étaient automatiquement renouvelées, qui n'avaient pas droit aux mêmes avantages que les employés permanents, même s'ils étaient parfois à l'emploi de l'entreprise depuis plus longtemps que certains permanents, d'où l'appellation de «permatemps», de permanents temporaires.

L'an dernier, Microsoft avait commencé à rétablir un certain équilibre en offrant à 3 000 de ses employés temporaires des postes permanents.  De plus, une décision d'un tribunal de première instance de San Francisco donnait raison à un groupe d'ex-permatemps qui réclamaient une compensation pour avoir été exclus du processus d'achat d'options sur le capital action de Microsoft.  Fort de ce précédent, le cabinet juridique de Bendich, Stobaugh & Strong entend bien réussir dans des causes similaires présentées dans d'autres juridictions.

Mais cette entente pourrait aussi avoir des incidences importantes sur les conditions d'emploi dans l'ensemble du secteur de la technologie.  On estime que, de 1982 à 1998, le nombre d'employés à CDD, de consultants et de sous-traitants effectuant du travail sur place en entreprise a connu une hausse de 577 %, et pourrait représenter près de 25 % de la main-d'oeuvre américaine.

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  Changement de la garde à Washington...
Le nouveau président élu George «Dubya» Bush a terminé la sélection des membres de son cabinet et, ce faisant, annoncé les couleurs de la prochaine administration américaine.  On décrit Dubya comme un chef d'équipe, un homme qui aime déléguer et laisser l'initiative à ses joueurs.  Chose certaine, c'est une administration bien différente de la précédente qui dirigera les destinées du pays au cours des quatre prochaines années.

Dans certains milieux politiques, on s'inquiète de la «militarisation» du cabinet.  Colin Powell, secrétaire d'État désigné, était le chef de l'état major américain lors de la guerre du Golfe de 1991.  Donald Rumsfeld, secrétaire désigné à la Défense, a derrière lui une longue carrière.  Conseiller économique de Richard Nixon, puis ambassadeur américain auprès de l'OTAN, Rumsfeld était nommé par le président Ford en 1974 au poste de chef de cabinet de la Maison blanche; son adjoint était Richard Cheney, actuel vice-président élu et ancien secrétaire de la Défense sous l'administration de George Bush père.  En 1975, Rumsfeld devenait secrétaire d'État à la Défense.  Dans une situation de délégation de pouvoirs, attention au trio Cheney/Powell/Rumsfeld.

D'autres nominations font sourciller l'opposition démocrate.  Par exemple, Andrew Card, chef de cabinet désigné, est l'ancien lobbyiste en chef de la General Motors.  Don Evans, secrétaire désigné au Commerce, est un ancien dirigeant de compagnie pétrolière. 

Et bien sûr, John Ashcroft, l'Attorney General désigné, celui qui aura à traiter, entre autres, de nombreux dossiers relatifs à la technologie et au développement d'Internet.  On a souvent évoqué des scénarios divers pour la suite du procès anti-trust de Microsoft advenant l'élection de George «Dubya» Bush.  On le disait sympathique à Microsoft et capable de laisser tomber la poursuite.  Mais la décision reviendra probablement à John Ashcroft à titre d'Attorney General.

Ashcroft, 58 ans, a été défait en novembre dernier alors qu'il tentait de se faire réélire au poste de sénateur pour le Missouri.  D'allégeance conservatrice, certains observateurs comme Bruce Shapiro de l'hebdomadaire The Nation, estiment que Ashcroft est le cadeau de George Bush à la droite américaine.  Il défend les politiques pro vie (contre l'avortement) mais soutient le maintien de la peine capitale.  Il est contre la contraception, la déségrégation raciale des écoles, la protection des homosexuels contre la discrimination en milieu de travail, l'énergie solaire, l'aide gouvernementale aux entrepreneurs féminins et issus de minorités visibles, les normes d'efficacité énergétique pour les véhicules, la réforme du financement des partis politiques.  Il s'oppose également au contrôle des armes à feu ainsi qu'aux subventions gouvernementales à la culture, mais est en faveur de la prière obligatoire dans les écoles.

Encore ce dimanche (7 janvier), le New York Times (inscription sans frais obligatoire), citant des sources près de l'entourage du nouveau président, décrivait les pressions exercées par la droite religieuse américaine en faveur de la nomination de Ashcroft au poste de Attorney General.  Qui plus est, la droite conservatrice financera une campagne de publicité radio en faveur de l'Attorney General désigné dans les États ayant élu des sénateurs démocrates.  Si l'on parle de membres «désignés» du cabinet, c'est que le choix du président doit être entériné par un comité sénatorial (voir plus bas).

Concernant l'affaire Microsoft, Ashcroft s'est déjà prononcé.  Il était membre du comité sénatorial sur les affaires judiciaires qui, en 1998, examinait les pratiques de l'industrie du logiciel.  En réponse à une demande de clarification d'un consultant en informatique sur l'affaire Microsoft, Ashcroft écrivait : «quelle que soit l'issue de cette poursuite, toute tentative du Congrès de s'immiscer dans la gestion de ce secteur dynamique de l'industrie aurait des conséquences néfastes [...] notre principe de base, dans l'examen de cette industrie, est que rien -- ni la réglementation gouvernementale, ni l'établissement de monopoles illégaux -- ne doit venir nuire à la concurrence, la croissance et l'innovation qui caractérisent les industries de haute technologie de ce pays.»

Concurrence, croissance, innovation : trois thèmes récurrents de la défense de Microsoft dans la poursuite anti-trust.  Il est cependant peu probable qu'Ashcroft, à court terme, et ce pour des raisons politiques autant que pratiques, intervienne dans le dossier qui est actuellement devant une cour d'appel et pour lequel on attend une décision en juin.  Mais il n'y a pas que l'affaire Microsoft qui tombera sous la coupe du nouvel Attorney General, et la presse spécialisée recueille déjà des opinions pour la plupart favorables à Ashcroft.

Dans le netmag Salon, Damien Cave cite Marc Rotenberg, directeur du Electronic Privacy Information Center (EPIC) qui tend a donner sa chance au coureur, Cindy Cohn, directrice des affaires juridiques à la Electronic Frontier Foundation (EFF), qui reconnaît à Ashcroft une bonne maîtrise des dossiers relatifs à Internet, et Alan Davidson, du Center for Democracy and Technology (CDT) qui a travaillé de concert avec Ashcroft à l'élaboration de projets de loi visant à mieux protéger la vie privée et à relaxer la réglementation en matière de cryptographie.  Selon Davidson, Ashcroft jugeait inutile de compromettre la vie privée de tous pour mettre la main au collet de quelques filous.

Declan McCullagh du service de nouvelles Wired se montre plus partagé concernant Ashcroft et les questions technologiques.  Certes, il est un défenseur de la vie privée, mais cette préoccupation est commune tant à la gauche qu'à la droite américaines.  Ashcroft pourrait donc abandonner le projet de surveillance du courrier électronique connu sous le nom de Carnivore, mais accepter des méthodes moins intrusives de surveillance.  Pour ce qui est de la liberté d'expression, les observateurs formulent certaines craintes vu les croyances fondamentalistes et rigoureuses de Ashcroft et ses prises de position contre les contenus sexuels explicites sur Internet.  En matière de propriété intellectuelle, on décrit Ashcroft comme un pragmatique.  En 1982, il a pris position en faveur de la libéralisation des règles sur les copies sur bande vidéo dans la cause dite «Betamax», Sony c. Universal (ce qui l'aurait rendu favorable à Napster).  Plus récemment, retour du pendule; alors qu'il était sénateur, il a parrainé le Digital Copyright Clarification Act qui rend illégale la désactivation de systèmes destinés à empêcher la copie d'oeuvres protégées par droit d'auteur.

C'est donc au fil des mois et des causes que l'on prendra la mesure du nouvel Attorney General et de l'effet de ses politiques sur le secteur technologique.

Mais avant d'entrer en fonction, le choix de John Ashcroft comme Attorney General devra être confirmé par un comité sénatorial.  En vertu de la Constitution américaine, le président élu choisit les membres de son cabinet.  Après diverses vérifications d'usage, le bureau du greffier de l'exécutif avise le Sénat du choix d'un candidat au cabinet.  Le choix doit être entériné par le comité sénatorial compétent, dans ce cas-ci le comité sur les affaires judiciaires, après la tenue d'audiences publiques.  Si le choix est entériné par le comité, il doit ensuite être approuvé par l'ensemble des membres du Sénat.  De toute son histoire, sur plus de 500 candidats, le Sénat n'a rejeté que neuf candidats, et l'égalité des sièges entre démocrates et républicains ne devrait pas compromettre la confirmation par le Sénat de John Ashcroft au poste d'Attorney General.

La semaine dernière, l'influente Information Technology Association of America (ITAA) écrivait au président du comité sénatorial des affaires judiciaires, le républicain Orrin Hatch, ainsi qu'au doyen du comité, le démocrate Patrick Leahy, vantant les mérites de John Ashcroft et enjoignant le comité à procéder avec célérité à sa confirmation.

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  ...  les barons de la technologie courtisent le pouvoir
La semaine dernière, le président élu George «Dubya» Bush a convoqué un forum informel auquel étaient invités certains des bonzes du secteur technologique comme Michael Dell (Dell Computers), John Chambers (Cisco Systems), Craig Barrett et Lou Gerstner (IBM), Carol Bartz (Autodesk), Scott McNealy (Sun Microsystems), Len Pomata (Oracle), et Floyd Kvamme (Kleiner Perkins Caulfield and Byers).

Évidemment, à l'aube d'une nouvelle administration, il est de coutume pour le président élu de réunir le gotha de l'économie, qu'elle soit ancienne ou nouvelle.  Mais Dubya était en bonne compagnie lors de cette rencontre.  En fait, la plupart des invités ont largement contribué, en leur nom personnel, à sa caisse électorale.

Selon des chiffres de la Commission électorale fédérale (FEC) publiés par le Center for responsive politics, les 36 invités au forum ont contribué au cours du présent cycle électoral 1,7 million de dollars aux partis et candidats, et 93 % de ces sommes sont allées au parti ou à des candidats républicains.  On exclut de ces chiffres les contributions faites par les entreprises qu'ils dirigent ou par des membres de leurs familles.

Par exemple, John Chambers de Cisco a versé 304 000 $ au parti républicain et 68 500 $ au parti démocrate.  Michael Dell a tout misé sur les républicains, à hauteur de 266 000 $.  Mais la palme va à Kenneth Lay de la société Enron qui a versé 310 000 $ au parti républicain, et un «accidentel» 8 000 $ au parti démocrate.

On notera l'absence au forum d'un représentant de la société Microsoft.

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  Les étranges aléas du courrier électronique
L'affaire commence en décembre dernier alors qu'une jeune Britannique, Claire Swire, employée d'une entreprise de services Web, fait parvenir à son petit ami, Bradley Chait, un message par courrier électronique relatant avec humour, mais sans ambages, une de leurs récentes relations sexuelles.  Chait, jeune avocat au prestigieux cabinet londonien Norton Rose, fait suivre le message à cinq de ses collègues avec le commentaire : «Ça c'est un beau compliment venant d'une fille, non?»

Mais l'affaire n'en reste pas là.  Les cinq collègues de Chait se mettent à faire suivre le message qui, en 24 heures, circule aux quatre coins de la planète et est même reproduit sur un site Web.  La presse à sensation britannique s'empare de l'affaire et traque la jeune femme à l'origine du message.  Cette dernière se fait introuvable, mais reçoit au domicile de ses parents diverses offres d'emploi comme chroniqueure spécialisée.  Finalement, elle vend les droits exclusifs du récit de l'aventure à un hebdo londonien, et accorde une entrevue à la télé britannique.

Chez Norton Rose, on n'apprécie pas la chose.  Par voie de communiqué, le cabinet d'avocat affirme qu'il s'agit d'une situation délicate, compliquée, et qu'il regrette les gestes déplacés de certains de ses employés.  «La question en est une de régie interne, mais dans le but d'éviter toute confusion, nous tenons à préciser que les employés ont fait l'objet de mesures disciplinaires, mais n'ont pas été révoqués.  Nous avons envisagé le congédiement, mais avons estimé qu'il ne s'agissait pas d'une solution appropriée» a déclaré Norton Rose. 

Claire Swire a donc encaissé une somme non divulguée pour le récit de l'aventure, et conserve évidemment son poste chez le fournisseur des services Internet, MagicButton.Net.  On ignore si l'effet «clin d'oeil» du site Web de l'entreprise a un quelconque rapport avec l'incident.  Bradley Chait, aussi, conserve son emploi chez Norton Rose, ayant été considéré comme victime dans cette affaire et n'ayant pas fait l'objet de mesures disciplinaires.

Situation fort différente à la succursale de Liverpool de l'assureur Royal Sun Alliance.  Selon la BBC, dix employés ont été congédiés et 77 autres suspendus pour avoir échangé depuis leurs postes de travail des images de personnages de bandes dessinées.  Les images avaient été trafiquées et montraient les personnages dans diverses illustrations obscènes.

En juin dernier, la Royal Sun Alliance avait informé les 3 000 employés de la succursale de Liverpool et l'ensemble du personnel de la mise en place d'une politique régissant l'utilisation du courrier électronique en milieu de travail.  Puis, comme nous le soulignions en août dernier, la loi régissant les pouvoirs d'enquête (Regulation of Investigatory Powers - RIP) donne aux employeurs le droit de surveiller l'utilisation du courrier électronique des salariés.  Le syndicat des employés de la RSA contestera individuellement les congédiements et les suspensions, mais l'affaire pourrait bien relancer la contestation du RIP qui fait déjà l'objet d'un litige devant la Cour européenne des droits de l'homme.

Si l'utilisation du courrier électronique au travail donne lieu à des incidents parfois cocasses, parfois plus sérieux, qu'en est-il dans l'univers des relations de couples réels ou virtuels.  Jennifer Kornreich écrit une chronique intitulée «Sexploration» sur le site Web de la chaîne MSNBC.  Madame Kornreich (dont l'adresse sans équivoque est sex@msnbc.com) répondait récemment à deux lectrices ayant triché quelque peu pour connaître les vrais sentiments qu'entretiennent à leur égard des hommes dans leur vie.

La première fait accidentellement connaissance avec un type en se trompant d'adresse électronique.  Une relation s'établit, suivent d'autres échanges par courrier électronique et par téléphone, une affinité se dégage.  La femme se crée alors une seconde identité (seconde adresse de courrier, anonyme), communique avec le type et se montre intéressée à lui pour voir s'il mordra à l'appât.  Dans le second cas, la femme «devine» le mot de passe de son amant, lit son courrier, et découvre qu'il entretient une relation avec une autre femme.  Dans les deux cas, la même question : que faire? Ou plutôt, comment reprocher un écart de conduite à quelqu'un lorsque l'on a soi-même enfreint le principe du respect de la vie privée de l'autre?

La réponse de Jennifer Kornreich tient un peu trop de la pop psychologie : «En général, je crois que lire le courrier électronique d'une autre personne est malhonnête et injuste car ça viole sa vie privée.  Mais tromper [une autre personne] est une faute bien plus grave...» À la première correspondante, elle suggère cependant de supprimer son alias et de se taire sur sa découverte car il n'est rien «arrivé».  À la seconde, qui détient des preuves formelles que son amant la «trompe», elle suggère une conversation franche, dans le bleu des yeux.  Elle conclut cependant en disant que si une relation est en difficulté, quelques messages incriminants n'en sont pas les seuls signes et qu'il convient davantage de repenser l'ensemble de la relation.

En lisant les propos de Jennifer Kornreich, j'avais l'impression de lire un périodique bas de gamme dans une file d'attente à la caisse d'un supermarché.  En fait, toute la question du courrier personnel tient à une seule notion : comment peut-on «tricher» alors qu'il n'y a pas de règles formelles régissant les communications médiées par ordinateur?

Julie Martin anime sur About.Com un site sur les relations en ligne et observe depuis un certain temps le phénomène.  Elle reconnaît qu'il est facile de se fabriquer une identité et de vivre des fantasmes, d'échapper à un réel parfois ennuyeux.  Elle exprime toutefois de sérieuses réserves sur ces comportements : «Si vous cherchez quelqu'un en ligne pour échapper à vos problèmes, plutôt que de travailler à des solutions à vos ennuis avec la personne aimée, vous ne réussirez qu'à créer de nouveaux problèmes, surtout si vous êtes pris au jeu.»

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  Canada : protection de la vie privée
C'est le 1er janvier qu'entrait en vigueur la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques qui détermine, pour le secteur privé, les règles relatives à la collecte, à l'utilisation et à la divulgation de renseignements personnels par les entreprises «réelles» (terme retenu par le législateur) et celles de commerce électronique.

La Loi entre en vigueur en trois étapes.  Depuis le 1er janvier, elle s'applique aux entreprises régies par le gouvernement fédéral comme les banques, les entreprises de télécommunications, les compagnies aériennes, les entreprises ferroviaires et de transport interprovincial, aux dossiers que ces entreprises détiennent sur leurs employés, ainsi qu'à la communication de renseignements personnels à des fins lucratives au-delà des frontières (par exemple, la vente ou la location de listes).

À compter du 1er janvier 2002, elle s'appliquera aux renseignements personnels sur la santé recueillis, utilisés ou communiqués par les organisations visées à la première étape.  Puis, à compter du 1er janvier 2004, elle s'appliquera à toute organisation qui recueille, utilise ou communique des renseignements personnels dans le cadre d'activités commerciales intraprovinciales, et à tous les renseignements personnels pour les transactions interprovinciales ou internationales qu'effectuent les organismes assujettis à la Loi dans le cadre de leurs activités commerciales.  Parmi les champs d'exception, soulignons qu'elle ne s'applique pas aux renseignements personnels recueillis uniquement à des fins journalistiques, artistiques ou littéraires.

Les citoyens ont donc désormais le droit de savoir à quelles fins une entreprise ou une organisation recueille, utilise ou communique des renseignements personnels à leur sujet (nom, âge, dossiers médicaux, revenu, habitudes de consommation, code DNA, statut civil, etc.), et ont également le droit de vérifier ces renseignements personnels et d'en faire corriger les erreurs s'il y a lieu.  La Loi oblige les entreprises à fournir les coordonnées d'une personne responsable de la conformité.  En cas de problème, les citoyens peuvent déposer une plainte auprès du Commissaire à la protection de la vie privée.  La loi vise les entreprises et organismes canadiens, et les succursales canadiennes d'entreprises étrangères.

Si elle répond aux attentes de la plupart des groupes militant pour une meilleure protection de la vie privée au Canada, la nouvelle Loi forcera bon nombre d'exploitants de sites Web canadiens à modifier leurs politiques.  Le professeur en droit de l'Université d'Ottawa, Michael Geist, publiait récemment une étude (réalisée en collaboration avec Gabe Van Loon) sur le commerce électronique et le respect de la vie privée basée sur l'examen de 259 sites Web, dont 194 sites canadiens.  Un des critères de l'examen était le degré de conformité aux dispositions de la nouvelle Loi. 

Geist constate que 94 % des sites n'offrent aucune information sur leur politique de rétention des renseignements recueillis; 90 % n'offrent aucune possibilité aux particuliers de corriger l'information recueillie; 62 % ne permettent pas l'accès aux renseignements fournis au préalable; 57 % des politiques énoncées ne sont accompagnées d'aucune coordonnée permettant de communiquer avec l'entreprise; 46 % des sites Web ne disent pas à quoi sert l'information recueillie; 40 % des sites négligent de dire s'ils partagent l'information avec des tiers; et 26 % des sites exploitent la technologie des fichiers témoins (cookies) sans prévenir les utilisateurs.

Certaines grandes entreprises (dont American Express) se sont déjà conformées à la Loi, et elles ont modifié en conséquence leurs politiques.  Reste à voir s'il y aura plainte contre celles qui négligeront de le faire.

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  En bref...
Repli stratégique de Yahoo! Abandon du «tout gratuit» et transition vers le «pas si cher, pourquoi s'en priver»? Toujours est-il que la société Yahoo! interdira désormais la vente sur ses sites d'enchères en ligne d'objets controversés rappelant l'époque nazie et ayant trait à des groupes racistes comme le KKK.  De plus, des frais sont maintenant exigibles pour l'inscription d'objets aux enchères (entre 0,20 $ et 2,25 $).  Satisfaction chez la LICRA et l'UEJF qui avaient porté plainte contre Yahoo! devant la justice française et obtenu l'obligation du blocage d'accès à partir du territoire français.  Toutefois, Yahoo! a demandé à un tribunal américain de se prononcer sur l'applicabilité du jugement français à une société américaine.  Selon Philippe Guillanton, directeur de Yahoo! France, cité dans le netmag Transfert : «Nous contestons toujours la décision française qui veut obliger les sites à exercer des filtrages en tenant compte de la nationalité des internautes.  Nous continuons le débat par notre demande aux États-Unis.»

Un nouveau service de veille des noms de domaines .COM, .NET et .ORG a vu le jour : SnapNames.Com.  Vous voulez éviter le cybersquatting de noms de domaines ressemblant au vôtre? Vous convoitez un nom de domaine et seriez intéressé à savoir si son détenteur ne renouvelle pas son enregistrement? Vous êtes tout simplement curieux de voir les noms de domaines dont l'enregistrement n'est pas renouvelé? SnapNames est le guichet unique pour vous.  Trois services sont offerts.  SnapBack, 35 $ pour trois ans, veille sur toute modification à l'enregistrement d'un nom de domaine, que vous en soyez ou non le détenteur.  SnapShop, un bulletin de veille hebdomadaire sur 20 noms de domaines, est gratuit (20 $ pour 100 noms additionnels).  SnapItUp, un service de recherche et d'enregistrement de noms de domaines semblables au vôtre.  Hier (8 janvier), SnapNames rapportait 579 noms de domaines laissés pour compte et dont certains, ma foi, n'étaient pas sans intérêt.  Selon SnapNames, seulement 10 % des noms de domaines enregistrés seraient «actifs».

Parution du numéro de janvier de First Monday, décidément une des meilleures publications en ligne sur l'étude des phénomènes liés à Internet.  Entre autres, dans ce numéro, un article sur les logiciels à code ouvert, un exemple de censure d'un babillard électronique (BBS) par l'État chinois, une étude sur les relations de confiance envers les cyberdétaillants.  Retenons aussi un article du technologue Richard Wiggins de l'Université d'État du Michigan sur l'occasion qu'offre la transition de l'administration américaine de faire du site Web de la Maison Blanche une ressource de références historiques sur la présidence américaine, de concert avec le service national des archives. 

Autre lecture intéressante, l'entrevue qu'accorde Marc Andreessen, fondateur de Netscape (depuis vendu à AOL) et dirigeant de la société d'infrastructure technologique Loudcloud, à Elise Ackerman du Mercury News.  Andreessen aborde diverses questions comme le commerce électronique et la déconvenue boursière des pointcom.  Ce qui l'étonne sur cette dernière c'est la rapidité avec laquelle elle est survenue.  «Les chutes de cette ampleur sont rarement arrivées.  Lors de la grande dépression, il s'est écoulé trois ou quatre ans avant que les bourses atteignent un niveau plancher.  Il y a eu chute en 1929, mais ce n'est qu'en 1933 ou 1934 que la situation est devenue extrêmement sérieuse.» Des avantages à l'éclatement de la bulle? Oui, selon Andreessen, elle élimine une partie des concurrents et facilite le recrutement et la rétention du personnel. 

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  Beau détour
La sélection des meilleures photographies publiées en 2000 dans les magazines selon TIME dans le cadre du Prix Alfred Eisenstaedt.

Et sur ce, nous vous souhaitons à tous et toutes une excellente semaine,

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