RechercheAbonnementArchivesCourrier

Page d'accueil

Les Chroniques de Cybérie
20 juin 2000

© Les Éditions Cybérie inc.

20 juin 2000

Salutations à tous les Cybériens et Cybériennes!

Cette Chronique n'est optimisée ni pour Netscape, ni pour Internet Explorer, elle l'est pour ses lecteurs et lectrices.

Cette semaine...

Microsoft victime d'un «Trashgate»?
BT détiendrait un brevet sur les hyperliens
Affaire Yahoo! : les positions se durcissent
Wired : Paris 10, Montréal 12
Politique réseau : sites Web, législation et spam
En bref...
Beau détour

 Microsoft victime d'un «Trashgate»?
Une entreprise prête-nom.  Un lien possible à une agence d'enquête privée qui a comme conseiller un cadre supérieur de AOL.  Une tentative d'acheter les rebuts du bureau d'un groupe d'intérêt qui appuie Microsoft, dans le but évident d'y trouver des documents ou informations jetés par mégarde à la poubelle.  Une entrée par effraction aux bureaux de Washington de Microsoft au cours de laquelle, selon toute apparence, rien de physique n'est dérobé.  Tous les ingrédients d'un polar série B, sauf que la nouvelle est venue du Wall Street Journal et du service de nouvelles Wired, et repise par le netmag Washtec.  On nage en plein roman d'espionnage industriel, on a des relents des premiers épisodes de l'affaire Watergate.

Vendredi, le Wall Street Journal (abonnement requis) révélait que deux employés d'un service d'entretien d'immeubles commerciaux, P&E Enterprises, s'étaient vu offrir 500 $, par une femme s'identifiant comme Blanca Lopez, pour apporter les rebuts de la Association for Competitive Technology aux bureaux de la société Upstream Technologies, entreprise qui loge dans le même immeuble, et sur le même étage.  Upstream Technologies a emménagé le 1er mai dans l'immeuble, et un certain Robert Walters a signé en son nom un bail de trois mois.  Walters serait associé au bureau d'enquête et de recherche Investigative Group International Inc. (IGI), et George Vradenburg, premier vice-président aux politiques mondiales et stratégiques chez AOL serait membre d'un comité de conseillers spéciaux chez IGI, ce que nie cette dernière.

Declan McCullagh, du service de presse Wired, a obtenu copie du rapport que les deux employés d'entretien ont fait à leur employeur.  On y précise que Madame Lopez a affirmé être enquêteure privée; vérification faite auprès du service de police de Washington, qui attribue les permis d'enquêteurs privés, on ne trouve aucune trace d'une enquêteure du nom de Blanca Lopez.  McCullagh a aussi établi que l'adresse fournie pour Upstream Technologies (à Laurel, Maryland) lors de la location de son bureau de Washington n'est pas valide.  Qui plus est, Madame Lopez aurait remis une carte de visite aux deux employés d'entretien, carte qui l'identifie comme chef de succursale pour un voyagiste, Travel-On, qui logerait à la même adresse que la United States Energy Association (USEA), groupe composé de 160 organismes privés, publics et gouvernementaux qui représente les États-Unis au Conseil mondial de l'énergie.  Une employée de l'USEA a confirmé à McCullagh que Madame Lopez y est employée.

Pour ce qui est de Walters, McCullagh a découvert qu'il est détenteur d'un permis d'enquêteur privé, et associé au bureau IGI qui est dirigé par nul autre que Terry Lenzner, ex-adjoint au procureur du comité sénatorial d'enquête sur l'affaire Watergate.  Le bureau d'enquête IGI a de nombreux clients de prestige et offre une vaste gamme de services.  Par exemple, c'est à IGI que le Département d'État américain a confié la tâche, en 1994, de mettre sur pied une force de police multi-nationale temporaire en Haïti, puis d'instituer un programme de formation pour les policiers haïtiens.  Le «contrat» aurait été accordé à IGI sans passer par le processus d'appel d'offres.

Plus récemment, le président Clinton aurait confié à Terry Lenzner le mandat d'enquêter sur ses adversaires politiques, plus particulièrement sur le procureur Kenneth Starr, responsable du dossier Monica Lewinsky.  En 1998, le Washington Post décrivait Lenzner et IGI comme «la petite CIA privée du président Clinton», alors que d'autres observateurs qualifient IGI de «police secrète» de la Maison Blanche.

Autre fait à signaler, en début de semaine dernière un ou des individus se seraient introduits par effraction dans les bureaux de Microsoft à Washington.  Selon un porte-parole de Microsoft, on n'a pu établir si quelque chose a été dérobé.  On ne peut cependant exclure que des dossiers aient été consultés et/ou copiés.  La police enquête.

Cependant, la police n'enquêtera pas dans l'affaire de Blanca Lopez, car l'achat de rebuts ne constitue pas un crime.

Pour ce qui est de l'objet du délit, dans les deux cas, il ne fait pas de doute que l'on était à la recherche d'information relative à la poursuite anti-trust et aux stratégies possibles que Microsoft et ses alliés pourraient adopter. 

Lundi, le Wall Street Journal revenait à la charge et révélait que d'autres groupes d'intérêts, qui ont ouvertement appuyé Microsoft dans la poursuite anti-trust, ont été victimes d'incidents semblables à celui de l'ACT.  La Citizens for a Sound Economy et le Independent Institute ont affirmé que des documents confidentiels et des ordinateurs portables avaient été récemment dérobés, et que des renseignements contenus dans ces documents avaient fait l'objet de fuites aux médias.  De plus, la National Taxpayers Union, qui fait partie des «groupes amis» de Microsoft, aurait reçu la visite de personnes assumant de fausses identités.

Quant aux responsables ou aux instigateurs de cette opération, toutes les possibilités sont ouvertes.  Opérateurs privés qui chercheraient à revendre leurs trouvailles sur le marché noir du renseignement? Initiative personnelle d'agents fédéraux menée avec un peu trop d'enthousiasme? Concurrents voulant déjouer les stratégies de Microsoft?

Le WSJ rapporte aussi qu'un porte-parole du New York Times a admis que des documents concernant le Independent Institute avaient été remis au Times «par un adversaire de Microsoft associé à l'industrie de l'informatique qui a refusé de s'identifier.»

À suivre.

Haut de la page

 BT détiendrait un brevet sur les hyperliens
Il y a de ces matins où l'on doit s'y prendre à deux cafés pour s'assurer de bien comprendre ce qu'on lit.  Mais oui, c'est bien là, en noir et en hyperlien dans mon Netsurf matinal, et l'hyperlien mène vers le quotidien britannique The Register.

La société British Telecom (BT) prétend détenir un brevet sur les hyperliens, ces commandes activables qui mènent à d'autres documents ou sections de documents sur le Web, et souhaiterait que les fournisseurs de services des États-Unis lui versent des droits pour le privilège que constitue leur utilisation.

En 1976, dans le cadre de travaux sur les systèmes Viewdata et Prestel, la General Post Office (organisme antérieur à BT) déposait un brevet relatif à des systèmes d'information basés texte, des «pages cachées» selon le court descriptif du brevet 4,873,662.  Le brevet, un des 15 000 détenus par BT a été accordé en 1986 aux États-Unis (il avait été accordé en 1976 dans d'autres pays) et vient à échéance en 2005.

Dans le Financial Times, on cite un des responsables de BT qui affirme : «Nous ne tentons pas d'empêcher qui que ce soit d'utiliser Internet, nous voulons simplement percevoir des droits raisonnables basés sur les revenus d'autres entreprises qui profitent de l'utilisation de cette propriété intellectuelle.» Et qu'en est-il de Tim Berners-Lee et des autres constructeurs du Web? «Nous ne voulons rien retirer à Tim Berners-Lee, mais BT a bel et bien inventé une manière de structurer l'information pour la rendre plus facilement accessible.»

Si BT persiste dans son intention de faire valoir sa propriété intellectuelle du mode hypertexte, il y aura des remous.  Vous avez aimé le procès Microsoft? Vous allez adorer l'affaire de l'hypertexte BT.  Nous n'aurons rien vu de tel encore.  Mais ce ne sera certainement pas un débat confiné aux secteurs du droit et de la finance, car cette prétention à la propriété de l'hypertexte relancera le débat académique sur l'origine véritable de ce mode de structure d'information.  Agostina Ramelli (1588), Vannevar Bush (1945), et les autres visionnaires du Web, tels que décrits par l'ami Carrier, n'ont qu'à bien se tenir.

Haut de la page

 Affaire Yahoo! : les positions se durcissent
Fin mai, un juge français exigeait de la société Yahoo! Inc.  qu'elle prenne, d'ici le 24 juillet, des mesures pour rendre impossible l'accès des utilisateurs français à son site d'enchères où l'on vend et échange des objets liés au nazisme car l'étalage de ces objets de collection «offense la mémoire collective du pays».  Pour Jerry Yang, un de ses fondateurs, pas question de modifier le contenu des sites Yahoo!, et la technique qui permettrait de filtrer les accès n'est pas au point.

Dans un entretien exclusif accordé à Édouard Launet du journal Libération, Yang semble serein, mais affirme qu'il est difficile pour la justice française de dicter son comportement à une société américaine : «Il sera très intéressant de voir comment cette affaire va tourner.  Nous demander de filtrer l'accès à nos contenus en fonction de la nationalité des internautes est très naïf [...] On nous a déjà demandé beaucoup de choses, mais là, la démarche française est sans aucun précédent [...] Si le gouvernement veut que les internautes ne puissent voir aucun de nos contenus, alors il devra bloquer tous les accès, et pas seulement à notre site [...] Vous, Français, vous croyez à la censure.  Parfait, cela ne me pose pas de problème.  Ni à moi, ni aux autres entreprises de l'Internet [...] La technologie est puissante, mais il faut prendre garde à ce qu'elle ne crée pas plus de problèmes qu'elle n'en résout.»

Yahoo! semble donc ferme dans ses positions et on se demande ce qu'il arrivera, le 24 juillet, date butoir imposée par la justice pour trouver une solution technique au filtrage des accès de Yahoo! USA venant du territoire national français.  Cependant, les propos de Jerry Yang ont choqué certains intervenants dans l'affaire.  Toujours sous la plume d'Édouard Launet dans Libération, on apprend que Yang est accusé de mépriser la justice française.

Et voilà que le Nouvel Observateur lance un appel au boycott de Yahoo!, et va très loin en titrant en page éditoriale «Boycottons Yahoo, protecteur des nazis!».  Laurent Joffrin, directeur de la rédaction du Nouvel Observateur, écrit : «Juché sur les hauteurs de sa capitalisation boursière, Jerry Yang a opposé à la décision du juge Gomez une fin de non-recevoir extravagante [...] le Yang en question a décidé de s'asseoir purement et simplement sur la loi française.  L'argumentation présentée à l'appui de cette décision est accablante de nullité intellectuelle et d'arrogance satisfaite.»

Joffrin semble minimiser la complexité technique d'un filtrage tel que proposé par le tribunal français, et aurait peut-être avantage à lire ce que nous en écrivions récemment.  De plus, il y va de rappels historiques qui, s'ils sont basés sur des faits, supportent très mal selon nous l'application au contexte actuel : «On ne considère pas le nazisme exactement de la même manière quant ses armées ont occupé un continent, perpétré les plus grands crimes de l'histoire humaine et élevé Auschwitz ou Sobibor.  Les armées américaines ont joué un rôle décisif dans la victoire contre Hitler.  Mais le sol américain a été exempt d'occupation : cela fait tout de même une différence.»

En guise de conclusion à sa logorrhée, Joffrin explique : «Le but de ce boycott est simple : faire en sorte que la régulation de l'Internet soit le fait d'instances élues par les citoyens et non de multinationales à la légitimité auto-proclamée.» Proposons à M.  Joffrin, qui semble aimer les «idées démocratiques», d'oublier pour un moment les instances élues et de laisser agir les citoyens de l'espace cyber, on verra ainsi si son appel est entendu.

Selon le service de mesure d'audience Web NetValue, période d'observation avril 2000, les «propriétés» et domaines de Yahoo! se classaient au deuxième rang en popularité auprès des utilisateurs français.  Yahoo! France obtient une couverture de marché de 45 %, et accueille 2,4 millions de visiteurs uniques par mois.

Haut de la page

 Wired : Paris 10, Montréal 12
Le numéro en kiosque du mensuel Wired (juillet, 8.07) présente un tableau comparatif de 46 régions urbaines qui, selon quatre critères déterminés, constituent des centres névralgiques de la nouvelle économie.  En attribuant un maximum de quatre points pour chacun des critères (présence d'universités et de centres de recherche; présence de sociétés établies; entreprises en démarrage; disponibilité de capital de risque), le score le plus élevé est de 16, et n'est atteint que par la Silicon Valley.  Par contre, Paris obtient une note de 10, et Montréal 12.

Selon Wired, si Paris (10/16) était un centre de commerce et de finance, il n'existait pas, jusqu'à récemment, de culture entrepreneuriale dans la Ville lumière.  Mais tout ceci serait en train de changer.  On mentionne les sociétés exploitant des portails (Multimania, Wanadoo), les services de courrier électronique gratuit (Caramail), et les entreprises en démarrage qui gravitent autour de services basés sur Internet.  Wired estime que 52 % du capital de risque français est concentré sur Paris.  «Silicon sentier» serait un excellent incubateur d'entreprises, et la banlieue d'Évry sur le point de devenir un centre mondial de biotechnologie.  Sophia Antiopolis est la seule autre ville de France à figurer au palmarès de Wired, et obtient une note de 8/16.

Montréal (12/16) doit ses origines technologiques à l'aérospatiale, mais Wired voit depuis quelque temps une importante diversification.  Plus de 80 % des logiciels d'animation et d'effets spéciaux utilisés au cinéma ont été conçus à Montréal; le secteur de la biotechnologie est en plein essor, tout comme celui du matériel de télécommunications.  Chaque année, les universités montréalaises et les 200 centres de recherche et développement reçoivent plus de 587 millions de dollars en crédits de R/D; Montréal accaparerait 45 % du capital de risque canadien.  Pas un mot, cependant, sur la Cité du multimédia ou sur la Cité du commerce électronique.

Montréal est la seule ville canadienne recensée dans la compilation de Wired, ce qui n'aura pas l'heur de plaire à 200 kilomètres vers l'ouest, dans la région d'Ottawa.  On lisait récemment dans un quotidien de la capitale fédérale, le Ottawa Citizen, que le nombre d'emplois directement lié au secteur technologique dans la région atteindra cette année 63 000, et pour la première fois sera supérieur à l'effectif de la fonction publique fédérale.  Depuis 30 ans, l'emploi dans le secteur technologique à Ottawa a augmenté, en moyenne, de 6,5 % par année.  On prévoit aussi que cette année, le capital de risque disponible atteindra les 700 millions de dollars.  La région dispose aussi de bon nombre d'universités et de centres de recherche publics et privés.  Bref, Ottawa répond aux critères de classement des 46 centres technologiques mondiaux et aurait pu, à tout le moins, se mériter un note égale, sinon supérieure, à Montréal.

Quoiqu'il en soit, Montréal vient de s'enrichir d'un indice boursier qui selon ses promoteurs se veut le «reflet de la bonne ou de la mauvaise humeur de l'économie du savoir dans la périphérie du Mont-Royal».  C'est le site pssst...  qui est à l'origine de cet indice PSSST, l'indice du Potentiel de Spéculation sur les Superlatives Startups de la Technopole (PSSST).  L'indice PSSST a été lancé en calculant la somme des valeurs des actions de chaque entreprise normalisée à 1000 en date du 16 juin 2000. 

Pour ce qui est du palmarès des centres technologiques à travers le monde, il sera disponible dans un mois sur le site du mensuel Wired.

Haut de la page

 Politique réseau : sites Web, législation et spam
C'est en consultant le site Web du Sénat américain, à la recherche d'informations sur les projets de loi présentement à l'étude, que nous sommes tombés presque par inadvertance sur la politique qui régit l'utilisation par les sénateurs de leurs sites Web officiels.  La politique, adoptée en juillet 1996, s'applique aux sites individuels des sénateurs hébergés sur le serveur du Sénat, et non aux sites ponctuels ou partisans, ou encore aux sites de campagne, hébergés sur d'autres serveurs.

La politique décrit les normes des contenus admissibles, sur le plan politique (interdiction de sollicitation d'appuis, d'avis de candidature, d'invitation à défaire un autre candidat) et personnel (interdiction d'informations trop personnelles sur le sénateur ou les membres de sa famille, ou qui ne sont pas liées directement au travail du sénateur).

La mise à jour de l'information est, elle aussi, réglementée.  Ainsi, dans les 60 jours qui précèdent une élection où un sénateur est candidat, il est interdit au sénateur ou à son personnel d'effectuer des mises à jour du site Web ou de transmettre de l'information par l'entremise de protocole de transfert de fichier (FTP) ou de service Gopher, à moins que sa candidature à un poste électif ne soit pas contestée.  Il en va de même pour les services de courrier électronique hébergés par les serveurs du Sénat.  Les sénateurs/candidats visés par les dispositions précédentes doivent en outre afficher un hyperlien vers le texte de ladite politique.  Tout affichage d'un hyperlien vers un site d'un autre membre du Sénat doit être approuvé par ce dernier; tout hyperlien menant vers un site extérieur à celui du Sénat doit être identifié comme tel.

Bien que l'on soit encore loin de l'élection générale du 7 novembre, nombreux sont les sénateurs qui ont cessé les mises à jour de leurs sites, dont l'ex-candidat à l'investiture républicaine, John McCain.

Eh oui, John McCain dont la défaite lors des primaires n'a pas ralenti l'ardeur politique, pas plus que mis un terme à ses déclarations parfois à contre-courant des grandes orientations de son parti.  La semaine dernière, McCain, qui préside aux travaux du comité du Sénat sur le Commerce, a incité les législateurs à faire preuve de modération dans leurs tentatives pour courtiser les sociétés technologiques, en cette année d'élection, en adoptant des projets de lois qui leurs sont favorables. 

Selon le USA Today, McCain croit que trop de sénateurs et membres de la Chambre des représentants gaspillent temps et énergie sur des points mineurs de la question Internet (comme le courrier électronique non sollicité) et ignorent les questions cruciales comme le respect de la vie privée et des renseignements personnels.  De plus, McCain doute que la plupart des législateurs saisissent vraiment la complexité de ces questions et estime que la Federal Communications Commission (FCC), l'organisme fédéral de réglementation des télécommunications, se comporte comme si nous étions toujours à l'ère de la télégraphie.

Court aparté : cette notion des politiciens à qui échappe la réalité technologique faisait l'objet d'un billet du columnist Jeffrey Simpson la semaine dernière.  D'écrire Simpson, «La société est en pleine transformation, et pas un seul chef de parti politique fédéral ne peut, de manière convaincante, donner le ton.  Ils peuvent lire des discours sur la nouvelle société, des discours savamment rédigés par leurs conseillers.  Ils peuvent avoir saisi, ça et là, des bribes de vocabulaire.  Mais quelqu'un voit-il en Jean Chrétien, Preston Manning, Joe Clark, Gilles Duceppe ou Alexa McDonough quelqu'un qui puisse vraiment comprendre ces tendances?» Ajoutons que les propos de Simpson valent aussi pour la plupart des politiciens, fédéraux, canadiens ou autres.

Ceci dit, si John McCain croit que le courrier électronique non sollicité soit un point mineur, on enregistrera notre désaccord sur la question de ce que nous estimons être un irritant majeur de la vie en réseau.

C'est pourquoi nous avons été heureux de constater l'adoption, par un comité de la Chambre des représentants, d'un projet de loi «anti-spam».  Bien que certains États aient adopté de tels projets de loi, ils ne résistent pas à la contestation devant les tribunaux en raison du droit constitutionnel qui limite le pouvoir des États à légiférer sur le commerce inter-États.  Le «Unsolicited Electronic Email Act» viendrait donc combler ce vide juridique.

Si cette loi est promulguée, les particuliers ou sociétés qui envoient du courrier publicitaire non sollicité devraient fournir une adresse de retour valide (ce qui n'est jamais le cas avec les spammeurs).  Il serait également interdit aux expéditeurs de falsifier les données de routage des envois, pratique courante servant à camoufler leur identité et à prévenir les réponses directes.  Cependant, le fardeau de la poursuite revient aux victimes des expéditeurs en vrac : il faudra signifier aux expéditeurs son intention d'être retiré des listes sur lesquelles on figure, au besoin engager des procédures contre les expéditeurs insistants.

Ce dernier point ne plaît pas à tout le monde.  Invités à commenter sur le forum d'échange de SpamCop, un service de lutte contre le courrier non sollicité, les participants affirment qu'on mandate les utilisateurs d'agir alors que tout ce qu'ils veulent c'est ne plus être importunés.  «Il me faudrait prendre plus de temps pour signifier mon souhait d'être retiré d'une liste, et sans garantie de succès, qu'il n'en prend pour effacer ces messages ou les filtrer» nous dit l'un d'eux. 

On déplore donc que le projet de loi ne s'attaque pas directement aux expéditeurs, qui après tout ne sont pas les fleurons de l'industrie.  Un autre participant nous écrit : «Quand les législateurs comprendront-ils que les entreprises “légitimes” n'ont pas recours au spam? La très grande majorité du spam que je reçois concerne de la pornographie, des structures de vente pyramidale ou autres stratagèmes pour s'enrichir rapidement, des logiciels piratés.»

Après son adoption la semaine dernière en comité, et malgré ses failles apparentes, le projet de loi devrait recevoir l'aval de la Chambre cette semaine.

Haut de la page

 En bref...
La photo numérique ne menace pas les grandes sociétés traditionnelles d'imagerie.  Du moins, selon son président et premier dirigeant Daniel Carp, pas la société Kodak qui vit une véritable mutation de ses produits et services.  Kodak a enregistré en 1999 des recettes de 14,1 milliards de dollars, dont 20 % provenait des produits et services de photographie numérique.  D'après Carp, d'ici 2005, les revenus de la société passeront à 23,8 milliards de dollars, et le numérique représentera 45 % de son chiffre d'affaires.  Mais ce rendement sera attribuable aux produits commerciaux et industriels, le marché grand public pour les produits numériques sera encore déficitaire jusqu'à 2002. 

Le logiciel d'échange de fichiers musicaux Napster, dont nous vous parlions en avril dernier, continue de susciter la controverse chez les auteurs, compositeurs, éditeurs et diffuseurs d'oeuvres musicales.  Nouvel élément au dossier, un sondage (format PDF) mené par la société Soundscan sur l'effet de l'échange de fichiers musicaux en ligne sur les ventes de disques.  Soudscan est une entreprise spécialisée dans la mesure des ventes de produits musicaux au détail.  Globalement, les ventes de disques de musique ont progressé tous les trimestres depuis l'introduction de Napster, logiciel qui permet les échanges de fichiers codés en format MP3.  Cependant, les ventes des disquaires situés à proximité de collèges et universités américaines ont connu une baisse d'environ 7 %.  Encore plus touchés sont les disquaires à proximité des établissements figurant au palmarès des «collèges les plus branchés» établi par le magazine Yahoo! Internet Life.  L'accès à haut débit fourni par ces établissements contribuerait à l'échange répandu de fichiers MP3, qui peuvent «peser» plusieurs méga-octets, et donc moins propices aux connexions à 56 kbps ou moins. 

Toujours concernant Napster, on apprend du USA Today que le stratège juridique du DoJ dans le procès anti-trust contre Microsoft, David Boies, a été recruté par Napster pour travailler à sa défense dans les poursuites intentées contre elle par la Recording Industry Association of America, le groupe Metallica le chanteur Dr. Dre.  Napster est accusée de faciliter l'échange d'oeuvres protégées par les droits de propriété intellectuelle.  Boies s'intéresse grandement à l'application du droit d'auteur sur Internet, mais estime que la question de l'utilisation de répertoires prend aussi une dimension importante.  Rappelons que Napster ne distribue pas directement des fichiers musicaux, mais constitue des répertoires d'oeuvres.

Les artisans du Web et les futurs barons de la nouvelle économie manquent de sommeil.  Dans un article de fond du service de presse IDG, repris par la chaîne CNN, on apprend que le train d'enfer que mènent bon nombre d'entre eux a des conséquences parfois graves, tant sur la qualité de leur travail que sur leur santé.  Effacement par mégarde du contenu de sites Web entiers, destruction par inadvertance de données essentielles, prises de décisions peu fondées sur des arguments concrets, et autres erreurs de jugement sont souvent attribuables à un manque de sommeil.  La concurrence farouche dans le milieu Internet, ainsi que le rythme effréné imposé par les changements constants, incite les acteurs du réseau à négliger de dormir suffisamment et convenablement.  Le professeur James B. Maas, chercher à l'Université Cornell, leur sert une mise en garde.  Citant des études récentes, le professeur Maas affirme que de jeunes adultes qui ne dorment que quatre heures pendant six nuits consécutives affichent des signes de troubles médicaux semblables à ceux constatés chez les personnes âgées.  De dire le professeur Maas, «Nous savons que le manque de sommeil a deux conséquences : il réduit votre longévité et ralentit votre intellect», ajoutant que ni l'un ni l'autre de ces facteurs ne sera très utile à des gens qui se veulent être des leaders dans leur domaine.

Pour sa part, le patronat n'a pas à se plaindre des conditions d'emploi selon un grand dossier du Mercury News.  Par exemple, le premier dirigeant le mieux payé de la Silicon Valley est John Chambers, de Cisco, avec un traitement annuel de 121,7 millions de dollars.  D'après le chroniqueur Mike Cassidy, s'il était payé en billets de un dollar, la liasse pèserait 93 tonnes.  Les numéros deux et trois au palmarès de la rémunération sont de Yahoo!, soit le président Jeff Mallett et le v.-p.  Gary Valenzuela.  À eux trois, ils touchent annuellement 326,6 millions de dollars.  Cassidy estime que cette somme serait suffisante pour héberger 8 000 hommes, femmes et enfants sans abri pour une période de dix ans.  Ou encore construire 21 centres pour familles sans logement, comme un de ceux récemment construit pour loger 33 familles au coût de 7,5 millions de dollars.  Pour Cassidy, quelque chose ne tourne pas rond.

Haut de la page

 Beau détour
Excursion numérique sur le site de Photo District News consacré aux gagnants du concours 1999 de photographie numérique.  Cinq catégories : saisie d'image (libre et imposée), manipulation numérique (libre et imposée), et site Web.  Pour le concours 2000, ceux et celles qui sont intéressés à soumettre leurs oeuvres ont jusqu'au 10 août pour le faire, renseignements sur le site.

Et sur ce, nous vous souhaitons à tous et toutes une excellente semaine.

Écrire à Jean-Pierre Cloutier


Page d'accueilRechercheAbonnementArchivesCourrier
© Les Éditions Cybérie inc. | Revue de presse | Publicité

URL : http://www.cyberie.qc.ca/chronik/20000620.html