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Les Chroniques de Cybérie

Le 16 mai 1997.
© Les Éditions Cybérie

Salutations à tous les Cybériens et Cybériennes!

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Cette semaine...

ÉLECTIONS CANADA CENSURE LE WEB
Pour ceux et celles que la politique nationale et celle du réseau intéressent, compte rendu d'un affrontement appréhendé.

BIENVENUE AU QUÉBEC
La Conférence des ministres francophones chargés des inforoutes débute lundi, 19 mai à Montréal, et nous donne l'occasion de souhaiter la plus chaleureuse bienvenue chez nous et fructueuse conférence aux ministres, parlementaires, délégués et membres de la presse de la quarantaine de pays qui y seront représentés.

L'objectif de la Conférence est d'arrêter une stratégie visant à assurer une présence forte et active de la Francophonie dans la société de l'information, stratégie appuyée par un plan d'action.  Il faut permettre à la communauté francophone de faire face aux enjeux techniques, politiques, économiques, juridiques et éthiques des inforoutes et de maîtriser, au profit du plus grand nombre, les nouvelles technologies de l'information.  La journaliste Annie Kahn nous livrait la semaine dernière un bel aperçu de la Conférence et des enjeux dans le Cahier Multimédia du journal Le Monde.

La Conférence arrive au moment où les inforoutes font l'objet de grands débats aux quatre coins de la Francophonie.  Nous vous parlions la semaine dernière du député Patrice Martin-Lalande chargé par le premier ministre français d'élaborer un rapport sur le développement de l'Internet en France, intitulé L'Internet : un vrai défi pour la France.  Voilà que nos collègues de Digipresse nous proposent une entrevue courte, mais concise, avec l'auteur de cet important rapport.

Plus tôt cette semaine se tenait la conférence RISQ'97 marquée par certaines annonces qu'il faudra distiller au cours des prochains jours, mais que nous évoquions dans la livraison du 8 mai du journal VOIR Montréal.

En toile de fond aux questions qui touchent la Francophonie et ses pays membres, les inforoutes suscitent des débats à l'échelle mondiale.  À preuve, le Rapport sur la communication de la Commission des libertés publiques et des affaires intérieures du parlement européen sur le contenu illégal et préjudiciable sur le réseau Internet.  Si nous trouvons discutables certains des principes de contrôle et d'autoréglementation suggérés par les auteurs du Rapport, reconnaissons la valeur d'autres passages, notamment où on rappelle que «Un autre problème découle de l'utilisation d'Internet par des pornographes, des pédophiles, des négationnistes, des sectes, etc. lesquels véhiculent des messages à caractère fortement contestable.  Toutefois, la spécificité d'Internet empêche pratiquement l'application de la censure.  Ce qui ne passe pas par un canal, passe par un autre.  Par ailleurs, le respect de la liberté d'expression est fondamental, même si elle conduit à des extrêmes répugnants.»

Il peut sembler à l'oeil profane que les inforoutes véhiculent plus de problèmes qu'elles n'apportent de solution.  Que ceux et celles qui partagent cette idée se tournent vers les jeunes dans la recherche de solutions, et que les autres, comme nous, convient les jeunes à participer à l'édification collective d'une société du savoir dont ils seront à terme les principaux usagers.

C'est un peu ce que le Forum Jeunesse et Inforoutes, mis sur pied par l'Agence de la Francophonie, tentait de faire la semaine dernière à Shippagan (Nouveau-Brunswick), solliciter une réflexion de la jeunesse francophone sur l'apparition et l'impact des nouvelles technologies sur leur environnement.

Derrick De Kerckhove, directeur du programme McLuhan de l'Université de Toronto, qui participait au Forum, a livré ses impressions au micro de l'émission «Demain la veille» sur les ondes de Radio-Canada, entrevue disponible en RealAudio sur le site Web de l'émission.

Nous suivrons pour vous la conférence, tout comme l'équipe de l'émission «Branché» qui prépare une couverture spéciale en trois volets sur les ondes du Réseau de l'information (RDI).  Horaire provisoire : lundi 19 mai à 18 h 30, puis mardi 20 mai et mercredi 21 mai à 20 h (heure de Montréal).

DIPLOMATIE VIRTUELLE
«Auparavant, il pouvait falloir des semaines, voire des mois, pour établir une ambassade ou une mission diplomatique.  Maintenant, il suffit d'un billet d'avion, d'un ordinateur portatif et d'une ligne téléphonique [...].  Cette approche a été utilisée pour établir une nouvelle ambassade à Zagreb, en Croatie, au plus fort du conflit en Bosnie.  Elle était opérationnelle en l'espace de quelques heures.»  Non, ce n'est pas un extrait de la plus récente chronique de Nicholas Negroponte dans Wired, mais bien un extrait d'une allocution de Gordon Smith, sous-ministre des Affaires étrangères et du Commerce international.  Le numéro deux du MAECI y décrit les nouvelles avenues de la diplomatie virtuelle.  Bien que l'administration publique accuse un certain retard sur le secteur privé et non gouvernemental, on note certaines réalisations impressionnantes.  Aussi à lire, une autre allocution de M. Gordon sur l'élaboration de politiques sur la frontière du cyberespace.

MYTHES ET RÉALITÉS DE L'ÉDITION SUR LE WEB
L'édition électronique de contenus informationnels est un des thèmes les plus discutés en ce moment, et les formes différentes que peut prendre la diffusion de l'information, bien que nombreuses, sont souvent mal guidées.  C'est la conclusion à laquelle arrive le spécialiste de la communication John December dans un article du numéro courant du périodique électronique Computer Mediated Communications où l'auteur décrit cinq grands mythes de l'édition sur Web : c'est une activité de pointe et novatrice; elle permet de réduire les coûts et économise du temps; elle devrait invariablement exploiter toutes les possibilités techniques du médium; le savoir-faire technique est garant de qualité; il est possible de créer artificiellement des communautés virtuelles.

On comprendra qu'il serait trop long de reprendre ici l'ensemble des points soulevés par December, mais constatons la remise en question du principe de McLuhan selon lequel le médium est le message.  Les tenants de l'hyper techno qui concentrent ressources et attention sur l'exploitation maximale des possibilités clinquantes du médium, croyant que c'est l'essentiel du message, passent trop souvent, selon December, à côté de la véritable valeur des contenus, c'est-à-dire les idées.  December reconnaît l'importance des techniques de production, mais s'objecte à assimiler pour le Web les fonctions édition et diffusion, tout comme on pourrait s'y opposer pour les médias imprimés.  Une lecture essentielle pour tous les cyberéditeurs.

LES ROBOTS FAUSSENT LES STATISTIQUES
Les webmestres ou ceux et celles qui ont accès aux statistiques brutes de fréquentation de leurs pages ont tous détecté un jour ou l'autre sur leur fichier journal la visite d'un robot d'indexation du genre employé par les grands moteurs de recherche pour répertorier les 60 millions de pages sur le Web.  Mais la multiplication des moteurs de recherche utilisant des robots indexeurs, de même que la vogue croissante des «agents intelligents», commencent à perturber le calcul de l'achalandage par de «vrais» visiteurs sur les sites Web.

L'enjeu évidemment c'est la mesure de la fréquentation à des fins d'établissement de tarifs publicitaires.  En effet, l'affichage d'un bandeau publicitaire ne laisse pas une impression très profonde sur un robot, et les annonceurs ne devraient pas être tenus de payer pour cette «fréquentation machine», ce que le Groupe de travail sur les applications publicitaires de l'Internet (GTAPI) appelle les «requêtes invalides».

Si la fréquentation des robots a un effet inflationniste sur les statistiques de fréquentation, le stockage de contenus sur des serveurs mandataires (proxies) ou dans l'antémémoire des fureteurs (cache) a l'effet de réduire la somme des requêtes de pages officiellement enregistrées une seule fois, mais néanmoins vues et consultées plusieurs fois.

L'hebdomadaire Interactive Week a mesuré les conséquences possibles sur le marché de la publicité sur le Web et sur les recettes que les producteurs peuvent espérer en tirer, en se basant sur la projection de Jupiter Communications de dépenses publicitaires de cinq milliards de dollars sur le Web d'ici l'an 2000.

Si on en croit l'estimation faite par certains spécialistes voulant que 10 % du trafic sur le Web sera engendré par les robots et agents intelligents d'ici l'an 2000, c'est donc dire que les annonceurs verseraient 500 millions $ pour de la publicité consultée par des machines ou des logiciels.  En revanche, si on ne tient pas compte de l'effet des antémémoires et des serveurs mandataires (aussi de 10 % d'ici l'an 2000), ce sont les producteurs et diffuseurs de contenus qui perdraient collectivement 500 millions de dollars.

Il faudra donc rapidement mettre sur pied un système qui tienne compte tant des poussées inflationnistes que des facteurs déflationnistes sur le Web.

PIRATAGE DE LOGICIELS
La Business Software Alliance (BSA) et la Software Publishers Association (SPA) viennent de publier une seconde étude sur le piratage de logiciels à travers le monde où on fait état de pertes de 11,2 milliards de dollars pour les fabricants en 1996.  La première étude, couvrant l'année 1995, avait été diffusée en décembre dernier et faisait état de pertes de 13 milliards pour les sociétés de logiciels.  Par contre, tout en reconnaissant qu'il y a problème et ce à l'échelle mondiale, il faut tempérer les chiffres cités dans ces études.  En effet, comme nous l'écrivions le 14 février dernier, les deux organismes ont reconnu avoir gonflé les chiffres concernant les pertes découlant de logiciels utilisés sans acquittement de droits, question d'attirer un peu plus l'attention sur le problème, d'après le service Edupage.  Et voilà pour le grain de sel.

PERMISSION POUR DES HYPERLIENS?
Microsoft et son site arts/culture/société Sidewalk Seattle défraient de nouveau la chronique cette semaine en raison d'une poursuite intentée par la chaîne de billetterie Ticketmaster, comme nous le rapportait WebWeek dans sa livraison du 5 mai.  Le litige porte sur l'utilisation par Sidewalk sur son site d'hyperliens pointant vers le site de Ticketmaster pour souligner la tenue d'événements et de spectacles, hyperliens dont Ticketmaster prétend être propriétaire.  De ce fait, toute utilisation de ces hyperliens devrait faire l'objet d'une permission selon la chaîne de billetterie.  Sidewalk pour sa part prétend que Ticketmaster devrait être heureux de cette visibilité gratuite.  Ce qu'il faut saisir, ici, c'est que Ticketmaster voudrait que les hyperliens pointent vers sa page principale et non vers la page d'événements spécifiques, question d'optimiser le nombre de pages vues sur son site et de faire grimper le nombre d'impressions publicitaires pour ses annonceurs.

Cette poursuite, pour laquelle aucun expert juridique ne donne Ticketmaster gagnant, remet néanmoins en question la légalité d'un des principes de base de la cyberculture du Web, celui du «libre-échange» des hyperliens.  Selon l'avocat spécialiste des questions de propriété intellectuelle, Robert Cumbow de l'étude Perkins Coie, bien que l'on puisse agir avec courtoisie et demander la permission d'utiliser un hyperlien vers un site, ou encore simplement signifier par avis qu'on le fait, il n'y a à cet égard aucune forme d'obligation, opinion partagée par un autre spécialiste juridique, Jeff Kuester.

HISTOIRE DE LIVRES
Non que notre intention soit de transformer notre hebdomadaire en chronique judiciaire du cyberespace, mais voici un autre cas récemment porté devant les tribunaux.  Cette fois, c'est le monde des libraires virtuels qui est secoué par un combat de géants.  La chaîne Barnes and Noble qui s'apprête à ouvrir un comptoir sur le Web intente une poursuite contre Amazon.Com, la librairie virtuelle à succès bien connue.  Comme le rapportait News.Com, Barnes and Noble accuse Amazon.Com de publicité frauduleuse pour avoir prétendu au titre de «plus importante librairie du monde» alors qu'elle n'a que 400 000 titres en stock (les autres titres annoncés font l'objet de commandes spéciales).  Barnes and Noble affirme détenir ce titre avec plus d'un million de livres en stock (et autres en commande), d'où cette avocasserie du genre «mon père est plus fort que le tien» qui relève davantage de l'opération marketing que d'une cause solide.  Chose certaine, la concurrence sera féroce entre les deux détaillants virtuels.  Amazon.Com rapportait, malgré des revenus de 8,5 millions de dollars pour le trimestre se terminant en décembre dernier, des pertes de 2,3 millions de dollars et cherche à lancer une émission d'actions en bourse devant lui rapporter près de 54 millions de dollars.  Pour sa part, Barnes and Noble utilisera la technologie des agents intelligents pour tenir sa clientèle informée des nouveautés.

Des chiffres et des technologies qui feraient rêver nos amis de chez Gallimard Montréal qui n'en continuent pas moins d'offrir une excellente sélection de livres en français, dont la collection La Pléiade, qu'ils expédient un peu partout à travers le monde.

TOTALPRESS EN PDF
i-cor MEDIA, division de Quebecor Multimédia (QMM), lançait cette semaine TotalPress, une reprise de la formule de la Passerelle de presse internationale qu'elle abandonnait il y a quelques mois.  Cette fois, i-cor MEDIA n'a pas inclus le Journal de Montréal qui conserve sa version vitrine.  On trouvera sur TotalPress, dans un premier temps, cinq publications européennes, soit Le Monde, La Tribune, Libération et France-Amérique (version nord-américaine du Figaro), de France, ainsi que La Stampa, d'Italie, le tout en format PDF (Acrobat Reader).  Des négociations seraient en cours avec des éditeurs britanniques, allemands, portugais, espagnols et nord-américains pour permettre la diffusion prochaine de nouvelles publications sur TotalPress en vue de constituer un «kiosque virtuel».  Alors que la plupart des journaux ont délaissé la plate-forme PDF (qui convient cependant bien à d'autres types de documents) au profit d'interfaces HTML plus rapides à charger et faciles à indexer, on s'interroge sur ce retour en arrière technologique.

BEAU DÉTOUR
Il fait toujours bon, pendant un exercice électoral, de se plonger ou se replonger dans le surréalisme.  Commencez par le site qu'Arnaud Hubert consacre à Antonin Artaud.  Une partie du site (la section biographique et le Qui est Artaud?) sont en chantier, mais les Quelques liens proposés vous mèneront vers des textes d'Artaud (Deuxième lettre de ménage, La Place de l'Étoile), des textes sur Artaud de Jacques Derrida et de Susan Sontag, d'autres sites Artaud comme celui de Peter Krapp (qui signe aussi Jacques Derrida Online), et The Letters of Steven Spielberg and Antonin Artaud, une correspondance imaginée par Peter Mattei, un écrivain de Brooklyn.

12/18
Et, il y a 12 mois, dans la Chronique du 17 mai 1996, nous vous avons présenté typoGRAPHIC, qualifié de «beau voyage au coeur des lettres et des mots».  Nous sommes toujours du même avis.

Il y a 18 mois, dans la Chronique du 15 décembre 1995, un court texte de Mephisto (alias Raoul Carrier), Les premiers visionnaires du Web, sur l'origine du fureteur, soit la «roue fureteuse» du capitaine Agostina Ramelli (Paris, 1588) et le «memex» de Vannevar Bush (1945).  Sans oublier le site du Dakar 96.  Vous trouverez maintenant en ligne le bilan en photographies et vidéos du Dakar 97.

Bonne semaine à tous et à toutes,

Jean-Pierre Cloutier
jpc@cyberie.qc.ca

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