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Les Chroniques de Cybérie

Le 11 octobre 1996
© Les Éditions Cybérie



Salutations à tous les Cybériens et Cybériennes!

Cette Chronique n'est optimisée ni pour Netscape, ni pour Internet Explorer, elle l'est pour ses lecteurs et lectrices.

Cette semaine

Mauvaise nouvelle venue du front : La Rafale, le meilleur site alternatif qu'ait vu le Web francophone, s'éteindra définitivement le 23 novembre prochain.  Nous vous avions souligné son arrivée l'hiver dernier, puis son retour en septembre après une pause estivale.  Zone autonome temporaire, la Rafale crépitait hebdomadairement depuis presque un an, tirait à la volée sur tout ce qui ne bougeait pas, ou pas assez vite.  Pourquoi cet arrêt des hostilités?  Laissons le chef de brigade David Dufresne expliquer.  «À peine née, la Rafale se savait condamnée.  Condamnée à errer dans un réseau quasi-autiste (l'Internet, qui semble vivre par et quasi que pour lui-même), condamnée à résister face à bien plus coriace qu'elle, mais encore condamnée à suivre (avec délectation mais danger) les nouvelles technologies, délicieuses mais contraignantes (Java, plug-ins Netscape, etc.)  Condamnée à clamser, quoi.  Et vite.  Et bien.  Et vite fait bien fait.»  Dur constat pour les sites indépendants, continue Dufresne : «Ainsi les limites du petit Web bricolé-maison sont d'une certaine façon atteintes.  J'avais surestimé mes forces face à l'isolement et la solitude infligés à tout webmestre de fond qui, comme le coureur du même nom, s'essouffle plus vite à mesure qu'il approche de son but.  Comme quoi, finalement, si lancer son WebZine est d'une incroyable simplicité; c'est une autre paire de manche que de le poursuivre».  Jusqu'au 23 novembre.

Le secteur alterno du Web aura donc tout un vide à combler, mandat de taille pour deux nouveaux périodiques de l'alternative qui ont fait leur apparition au Québec.  D'abord, La Nouvelle cohorte qui, dans sa première édition, pose carrément la question à savoir si l'Internet peut servir les intérêts de la gauche.  La Nouvelle cohorte se propose d'être un mensuel et loge à http://www.web.apc.org/~drainvil/cohorte.html.  Puis, Le déviant nous souhaite la bienvenue à http://www.microtec.net/~kilfir/LeDeviant/.  Mensuel pour l'instant, il se propose de devenir un hebdomadaire consacré à la «société des humains» et invite toute personne intéressée à faire parvenir des écrits journalistiques qui devront évidemment répondre à certains critères.  «Politique, économie, consommation, fracture sociale, tout cela n'est-il que discours et vanité?  C'est la vie disent certains.  C'est la catastrophe disent les autres.  Que se passe-t-il au juste?».  Cette question, c'est Michel Amyot, déviant en chef, qui la pose et donne ainsi le ton pour les prochains numéros.

Importante conférence ces 3 et 4 octobre derniers à Montréal sur la question «Réglementer les inforoutes?  Quand, pourquoi, comment et par qui? : Perspectives nord-américaines et mondiales» (http://www.droit.umontreal.ca/crdp/fr/equipes/technologie/conferences/confreg/index.html).  Contenu dense, pas moins d'une vingtaine de présentations qui auront permis de faire le tour de la question sans pour autant qu'il ne se dégage de consensus, vu l'ampleur du phénomène des inforoutes et ses multiples ramifications dans tous les secteurs.  En revanche, certains exposés ont retenu notre attention.

Comme celui du professeur Pierre Trudel du Centre de recherche en droit public de l'Université de Montréal sur la mutation des rationalités de la réglementation.  Selon le professeur Trudel, il importe de bien cerner les raisons qui poussent à l'adoption de règles; mais ces raisons évoluent, ce qui exige donc de concevoir la réglementation, s'il y a lieu, à partir d'une revue systématique des rationalités.  Le texte de la présentation sera disponible sous peu sur le site du périodique électronique du CRDP CyberNews à http://lazio.crdp.umontreal.ca/CRDP/CyberNews/index.html.  D'ici là, sur ce même thème de la mutation et à la suggestion de l'auteur, je vous propose la lecture de l'exposé Protection des droits et des valeurs dans la gestion des réseaux ouverts de Pierre Trudel, en collaboration avec Robert Gérin-Lajoie du Département d'informatique et de recherche opérationnelle de l'UdM à http://www.droit.umontreal.ca/crdp/fr/equipes/technologie/conferences/ae/trudelgerinlajoie.html.

Même constat chez le professeur Karim Benyekhlef du CRDP, pour qui «le droit doit s'adapter à l'organisme vivant que constitue l'inforoute.  Il doit donc être pluriel, adaptable et capable non seulement d'épouser les contours immédiats de son sujet, mais également d'adapter de nouvelles formes (mutation) afin de rester en phase avec ledit sujet.» Autre présentation fort intéressante qui fera l'objet d'un prochain article dans CyberNews.

Toujours dans les lectures connexes aux grandes questions de l'Internet, un document de réflexion intitulé «La société et les autoroutes de l'information : quelques réflexions et appréciations politiques» sur le site Web du Parti écolo belge à http://www.ecolo.be/.  C'est un texte fort intéressant, dans une perspective fraîche et qui vise le concret.

Autre thème abordé à la conférence du CRDP, les droits d'auteurs, ce qui nous amène à souligner le forum lancé depuis quelque temps sur le site Web des cahiers Multimédia de Libération à partir de la question «Jusqu'où peut-on appliquer le droit d'auteur sur le Web?» à http://www.liberation.fr/multi/.  Des arguments de base, fournis par Olivier Iteanu, avocat, secrétaire général de l'Isoc France (Internet Society) et Laurent Chemla, vice-président de l'Association des utilisateurs d'Internet, permettent d'entrevoir un débat fructueux sur la question alors que survenait, il y a quelques jours, un cas flagrant d'appropriation de contenu aux États-Unis.  L'auteur/concepteur du site Web kidsDoctor (http://www.kidsdoctor.com), Tris Coffin, a accusé la division Internet de CompuServe, SpryNet (http://www.sprynet.com), d'avoir complètement copié le code HTML et la base de données de son site et de l'avoir intégré à sa propre page de services personnels.  kidsDoctor est un site référence sur la santé des jeunes où les parents peuvent obtenir de l'information en tapant quelques mots clés.  SpryNet a répliqué avoir voulu «bien faire» en proposant cette ressource, et que le nom de l'auteur avait été conservé, alors que Coffin a maintenu que la copie du site était immobilisé et ne pouvait faire l'objet d'ajouts et de mises à jour, et que le contenu original était privé d'un achalandage important, et donc de recettes publicitaires et de commandites essentielles à sa survie.  Voulant éviter que l'affaire ne dégénère, SpryNet a donc retiré le contenu de kidsDoctor de son site.

Parlant publicité, publication par la firme Forrester Research d'une vaste étude sur le marché publicitaire en ligne.  L'étude repose sur une enquête menée auprès de 52 annonceurs déjà présents sur le Web, de grandes agences de pub, d'agents de représentation de contenus, d'organismes de mesure de fréquentation de sites Web et de fournisseurs de services.  Trois conclusions principales : croissance continue qui jettera les bases d'un marché durable dans les nouveaux médias; suivi des résultats plus étroit que jamais auparavant en raison des possibilités de mesure d'incidence qu'offre le médium (avec des conséquences qualifiées de «brutalement darwiniennes» pour certains sites); regroupement de cartels de sites qui vendront les accès (donc la visibilité) en blocs.  Autres constatations, les acheteurs préfèrent payer aux résultats directs (le nombre de personnes qu'attirent sur le site une pub placée sur un autre site) mais les propriétaires de sites tiennent à être compensés pour les «impressions» (la visibilité d'un bandeau, même s'il n'est pas activé par la personne qui consulte le site), ce qui pourrait amener une tarification hybride (accès générés plus visibilité) à laquelle se conjuguerait une prime au ciblage de la clientèle pour certains contenus dans des créneaux spécialisés.  Rapport complet sous réserve d'inscription (gratuite) chez Forrester à http://www.forrester.com/.  Rappelons au passage que du 14 au 20 octobre, la France vivra à l'heure de la Semaine de la publicité, une initiative de l'Association des Agences-Conseils en Communication, organisme qui regroupe plus de 200 agences-conseils.  Site Web à http://www.aacc.fr/.

Les grands dossiers de l'actualité cette semaine, à commencer par les présidentielles américaines.  Débats entre les candidats : ternes, à l'image de la campagne.  Par contre, profil d'un électorat très ciblé : celui de la Silicon Valley aux États-Unis, autre dossier mené avec brio par le San Jose Mercury News dans une série de sept grands reportages dont la diffusion s'est amorcée le weekend dernier.  On tentera par cette série de reportages de sonder les espoirs, les craintes et le degré de confiance en l'avenir de la population de cette Mecque technologique qu'est Silicon Valley.  Malgré que le système d'enseignement soit perçu comme ayant besoin d'une refonte en profondeur, malgré une économie en rupture, un flot d'innovation difficile à gérer, un nouvel ordre mondial encore incertain dans sa formulation, c'est dans une proportion de trois à un que les gens de la Vallée se disent confiants en l'avenir.  C'est aussi un électorat ou les incertains sont rares : 90 % des électeurs ont déjà arrêté leur choix; Clinton remporte 57 % des intentions de vote, Dole 25 %, alors que Perot et Nader obtiennent 3 % chacun.  Les perspectives à court terme, comme la possibilité de perdre leur emploi ou leur incapacité éventuelle à maintenir leur compétence, n'engendrent aucune inquiétude chez eux.  Ce qui les inquiète, c'est l'avenir du filet de sécurité sociale, les primes de retraite, l'éducation de leurs enfants.  Le gouvernement doit y voir; ce dernier devrait en outre viser à consolider la vie familiale, non pas en intervenant sous prétexte de préserver des valeurs morales (on pense au Communications Decency Act), mais bien en favorisant l'intégration de la vie professionnelle aux activités et devoirs familiaux (horaires de travail souples, télétravail, etc.).  Certains pourront contester ce point de vue techno-optimiste, mais le portrait des gens de la Vallée est saisissant, à suivre dans le Mercury News à http://www.sjmercury.com/.

Situation fragile en Palestine alors que les médiateurs américains tentent de rapprocher les deux parties.  Toujours intéressant d'aller aux sources pour se faire sa propre analyse d'un conflit.  Côté israélien, la rhétorique de la droite au pouvoir est connue et s'affiche quotidiennement dans les pages imprimées et cathodiques du Jerusalem Post à http://www.jpost.co.il/.  Position plus nuancée sur la toile d'Ariga à http://203.8.13.18/gentoc.htm, même si les mises à jour ne sont pas quotidiennes.  Ariga, c'est l'«autre point de vue» de cette crise, une perspective souvent négligée par nos médias traditionnels.

Côté palestinien, une des meilleures sources d'information est diffusée depuis l'Université de Birzeit qui dispose d'une page d'introduction en français à http://www.birzeit.edu/frenchwb/index.html, mais qui commente quasi quotidiennement, en anglais, l'évolution de la situation.  On apprenait par ailleurs que la montée de tension entre les deux États avait rejoint le Web.  En effet, les services de télécommunications de la Palestine dépendent de l'organisme israélien de régie des télécomms, la Bezek, et curieusement, au plus fort des affrontements qui ont fait de nombreuses victimes, il était impossible de rejoindre les serveurs Web de Palestine, dont celui de Birzeit et des pages d'information «On the ground in ramallah».  Note explicative à http://scout18.cs.wisc.edu/NH/96-10/96-10-03/0034.html.

Afghanistan, les Taliban contrôlent la plus grande partie du pays, dont la capitale Kaboul.  Quelques dossiers du Monde diplomatique pour mieux comprendre la situation, dont celui d'Alfonso Artico intitulé «Les talibans afghans sur la route du pétrole» et un autre de Ahmed Rashid, «L'Afghanistan à l'heure des taliban», tous deux disponibles à http://www.monde-diplomatique.fr/md/1995/04/RASHID/1380.html.

Et au Mexique, c'est encore aux rebelles Zapatistes du Chiapas de défrayer la chronique.  Le Congrès autochtone national se tient dans la capitale, Mexico, du 8 au 12 octobre.  L'événement regroupe des représentants de toutes les nations autochtones du Mexique ainsi que de nombreux délégués d'organismes internationaux.  Les organisateurs du congrès ont invité les leaders Zapatistes à assister au congrès, invitation acceptée par ces derniers, mais qui n'a pas eu l'heur de plaire aux autorités.  Résultat : interdiction faite aux Zapatistes de se déplacer hors du Chiapas.  Mouvement de protestation, pétitions en ligne, depuis un site de sympathisants à http://www.ezln.org/.

Le recours à l'Internet par le mouvement Zapatiste est bien connu.  Par exemple, les actes de la Rencontre intercontinentale pour l'humanité et contre le néolibéralisme, tenue au Chiapas du 27 juillet au 3 août dernier sont disponibles (en espagnol et certains en anglais) depuis un serveur de l'Université McGill à Montréal à http://www.physics.mcgill.ca:8081/~oscarh/EncuentroIntercontinental/ChiapMunIng/index.html.

Pour approfondir la question de la politique contemporaine au Mexique, une des sources les plus complètes est certainement le site Alex López-Ortiz Documents on Mexican Politics à http://daisy.uwaterloo.ca/~alopez-o/polind.html.  Et pour ceux et celles de Montréal que la question intéresse, disons que dans le cadre de la semaine Amnistie internationale, l'Office national du film et AI présentent le plus récent film de Mary Ellen Davis, «Mexique mort ou vif», à la Maison de la culture Frontenac, ce 15 octobre.  C'est l'histoire vécue de Mario Rojas Alba, médecin et député de l'opposition forcé de s'exiler à Montréal après avoir échappé à un attentat.  La projection sera suivie d'une discussion en présence de la réalisatrice et de Mario Rojas Alba, protagoniste principal du film.  Les détails à http://www.amnistie.qc.ca/ai_na1.html.

Nos collègues et amis du Webdo, le site Web suisse de nouvelles et actualités, ont reçu ce lundi le Grand Prix MMD 1996 accordé au «meilleur site Internet développé par un éditeur de presse suisse». Le Prix, créé par MMD (la filiale de Publicitas spécialisée dans les applications multimédia et interactives) était décerné pour la première fois. Pas une mince affaire quand on considère que les membres du jury ont examiné plus de 60 sites Web réalisés par des maisons d'édition suisses dans les quatre langues nationales avant de dénicher, précise le communiqué officiel, «la création la plus convaincante». C'est donc une victoire pour les sites à contenu, un site que nous vous invitons à consulter à http://www.webdo.ch, tant pour son suivi des grands dossiers que pour celui des cyberactualités.

Heureuse trouvaille chez les Britanniques, un coin du Web qu'on aurait à prospecter plus souvent.  C'est le périodique électronique Tower Magazine à http://ourworld.compuserve.com/homepages/Harvey_Morris/.  Écriture journalistique sérieuse, mise en pages simple et qui se prête bien à la lecture à l'écran, Tower aborde des grands sujets de l'actualité internationale.  Par exemple, dans le numéro consulté, un article sur les difficultés de la récipiendaire du Prix Nobel de la Paix, la Birmane Aung San Suu Kyi, qui risque de se voir arrêtée ou de voir son parti politique dissous par la junte militaire au pouvoir, le climat de violence politique qui sévit en Slovaquie et qui mine ses chances d'adhésion à la Communauté européenne, l'affaire des banquiers suisses qui reconnaissent une dette à l'endroit de certains survivants de l'Holocauste, mais qui ne semblent pas prêts à s'en acquitter.  De grands dossiers, un contenu solide, une prestance internationale.

Coupables, les banquiers suisses?  Peut-être, mais ils ne seraient pas seuls à porter le blâme si on en croit un article de Charles Overbeck dans les pages de Matrix à http://www.parascope.com/mx/1096/gold.htm.  La Federal Reserve Bank de New York aurait dans ses coffres, selon certains documents, pour une valeur de 28 millions de dollars en or provenant du trésor des nazis, et la Banque d'Angleterre une valeur de 56 millions de ce même or.

En terminant, question de se changer les idées des problèmes du monde, le plus récent film du réalisateur canadien David Cronenberg, CRASH, vient de fracasser des records aux guichets à Paris, même si Montréal lui a réservé un accueil moins vibrant.  La critique est partagée : «pornographie sur grand écran» selon le London Evening Standard, «intelligence obsessive de Cronenberg» pour le New York Times.  Chose certaine, ça n'a pas l'air du film à aller voir avec votre grand-mère, même si elle s'appelle Maude.  Un site Web sur un écran près de vous à http://www.alliance.ca/theatre/movies/crash.html, et l'opinion de Georges Privet dans VOIR à http://www.voir.qc.ca/.

Il y a douze mois dans la Chronique du 12 octobre 1995 (951012.html), il était question, outre le référendum au Québec, des Humains Associés en France, des Grenouilles câblées en Californie et de l'Alliance française à New York.

Il y a dix-huit mois dans la Chronique du 12 mai 1995 (950512.html), l'attentat à la bombe à Oklahoma City, le virus Ebola au Zaïre...

Bonne semaine à tous et à toutes,

Jean-Pierre Cloutier
jpc@cyberie.qc.ca


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